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Si vous mariez vôtre fille.

A ce difcours le gendre moins fâché
Prend le contrât & fait la reverence.
Garde le Ciel ceux qu'en telle occurrence,
On confole à meilleur marché.

Il y a peu de maris ou de femmes qui ne se dégontent bien-tôt du mariage, & qui ne vouluffent

changer.

Le changement de mets rejouït l'homme;
Quand je dis l'homme, entendez qu'en ceci
La femme doit être comprise auffi;

Et ne fai pas comme il ne vient de Rome
Permiffion de troquer en Hymen;

Non fi fouvent qu'on en auroit envie,
Mais tout au moins une fois en fa vie.
Peut-être un jour nons l'obtiendrons, Amen,
Ainfi foit il. Semblable Indult en France
Viendroit fort bien, j'en répons, car nos gens
Sont grands troqueurs, Dieu nous crea changeans.

Je vous le dis, en l'amoureufe loi,

Pain qu'on dérobe, & qu'on mange en cachette
Vaut mieux que pain qu'on cuit & qu'on achette,
Je m'en rapporte aux plus favans que moi.
Il faut pourtant que la chofe foit vraïe,
Et qu'après tout Hyménée & l'Amour
Ne foient pas gens à cuire en même four.

† Voilà de nos maris le procedé commun,
Ce qui leur eft permis leur devient importun;
Dans les commencemens ce font toutes merveilles,
Ils témoignent pour nous des ardeurs nompareilles.
Mais les traîtres bien-tôt fe laffent de nos feux,
Et portent autre part ce qu'ils doivent chez eux:

* LA FONTAINE, MOLIERE,

Ils

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Ils gardent,,ces ingrats, leurs carefles pour d'autres,
Nourriffant leurs plaifirs par les junes des nôtres,
N'ont plus pour nos appas qu'un étrange froideur,
Et répondent fort mal à nôtre chaste ardeur.
Ah! que j'ai de dépit que la loi n'autorife,
A changer de marf comme on fait de chemise.
Cela feroit commode, & j'en fai telle ici,
Qui, comme moi, ma foi, le voudroit bien auffi.

* Même beauté, tant foit exquife,
Raffafie, & foule à la fin.

Il me faut d'un & d'autre pain;
Diverfité c'eft ma devife.
Cette maîtreffe un tentet bize
Rit à mes yeux; pourquoi cela?
C'eft qu'elle eft neuve; & celle-là,
Qui depuis long-tems m'eft acquife,
Blanche qu'elle eft en nulle guise.
Ne me caufe d'émotion:

Son cœur dit ouï; le mien dit non;
D'ou vient en voici la raison,
Diverfité c'eft ma devife.

Je l'ai jà dit d'autre façon,
Car il eft bon que l'on déguise,
Suivant la loi de ce dicton,
Diverfité c'eft ma devise.

Madame de Courcelles aux piez de fes juges, pour obtenir le pardon de l'adultere qu'elle avoit commis.

SONNET.

Pour un crime d'amour, dont je ne fuis coupable, Que pour avoir le coeur trop fenfible & trop doux, Dois-je avoir un tiran fous le nom d'un époux, Arbitres fouverains de mon fort deplorable?

LA FONTAINE,

L'im

L'impitoïable autheur des maux dont on m'accable,
Ofe-t-il fe fervir de Themis & de vous,

Pour m'immoler bien-tôt à fes chagrins jaloux
Et me faire perir, pour être trop aimable?

Ah! confultez, de grace, & vos yeux & vos cœurs,
Ils vous infpireront d'être mes protecteurs,
Tout ce que l'amour fait n'eft il pas legitime?

Et vous, qui temperez la fevere Themis,
Pourriez-vous vous refoudre à châtier un crime,
Que la plupart de vous voudroient avoir commis?

LE

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LE COCUAGE.

Que le Cocuage n'est pas un mal, mais un

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bien.

PAuvres gens, dites-moi, qu'est ce que cocuage?

Quel tort vous fait-il? quel dommage? Qu'est-ce enfin que ce mal, dont tant de gens de bien Se moquent avec juste cause?

Quand on l'ignore, ce n'eft rien,

Quand on le fait, c'est peu de chofe.

Vous croïez cependant que c'eft un fort grand cas:
Tâchez-donc d'en douter, & ne reffemblez pas
A celui-là qui bût dans la coupe enchantée.
Profitez du malheur d'autrui.

Si cette hiftoire peut foûlager vôtre ennui,
Je vous l'aurai bien tot contée.

Mais je vous veux premierement

Prouver par bon raifonnement,

Que ce mal dont la peur vous mine & vous confume
N'eft mal qu'en vôtre idée, & non point dans l'effet.
En mettez-vous votre bonnet
Moins aisément que de coûtume?
Cela s'en va-t'il pas tout net?

Voiez-vous qu'il en refte une feule apparence?
Une tache qui nuife à vos plaifirs fecrets?

Ne retrouvez-vous pas toûjours les mêmes traits?
Vous appercevez-vous d'aucune difference?
Je tire donc ma confequence,
H

LA FONTAINE.

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Et dis, malgré le peuple ignorant & brutal,
Cocuage n'eft point un mal.

Ouï, mais l'honneur est un étrange affaire.
Qui vous foûtient que non? Ai-je dit le contraire ?
Et bien l'honneur, l'honneur, je n'entens que ce mot.
Apprenez qu'à Paris ce n'eft pas comme à Rome;
Le cocu qui s'afflige y paffe pour un fot,

Et le cocu qui rit, pour un fort honête homme :
Quand on prend comme il faut cet accident fatal,
Cocuage n'eft point un mal.

Prouvons que c'eft un bien: la chofe eft fort facile.
Tout vous rit; vôtre femme eft souple comme un gan;
Et vous pourriez avoir vint Mignonnes en ville,
Qu'on n'en fonneroit pas deux mots en tout un an.
Quand vous parlez, c'eft dit notable:
On vous met le premier à table:
C'eft pour vous la place d'honneur,
Pour vous le morceau, du Seigneur;

Heureux qui vous le fert! La blondine Chiorme
Afin de vous gagner n'épargne aucun moïen :
Vous étes le Patron; donc je conclus en forme,
Cocuage eft un bien.

Quand vous perdez au jeu, l'on vous donne revanche,
Même vôtre homme écarte & fes As & fes Rois.
Avez-vous fur les bras quelque Monfieur Dimanche,
Mille bourfes vous font ouvertes à la fois.

Ajoûtez que l'on tient vôtre femme en haleine,
Elle n'en vaut que mieux, n'en a que plus d'appas:
Menelas rencontra des charmes dans Helene,
Qu'avant qu'être à Pâris la Belle n'avoit pas.
Ainfi de vôtre épouse: on veut qu'elle vous plaife:
Qui dit prude au contraire, il dit laide ou mauyaife,
Incapable en Amour d'apprendre jamais rien.
Pour toutes ces raifons je perfifte en ma thése,
Cocuage eft un bien.

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