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La cruauté des femmes ne vient que du respect exceffif qu'on a pour elles.

* 11 faut apprendre à vivre à ce fexe volage,
Et lui faire fentir que l'on a du courage.
Qui fouffre fes mépris les veut bien recevoir.
Si nous avions l'efprit de nous faire valoir,
Les femmes n'auroient pas la parole fi haute.
O qu'elles nous font bien fieres par nôtre faute!
Je veux être pendu, fi nous ne les verrions
Sauter à nôtre coût plus que nous ne voudrions,
Sans tous ces vils devoirs dont la plupart des hommes
Les gâtent tous les jours dans le fiecle où nous fommes.

Les rigueurs des femmes ne font pas toûjours des mar ques de leur indifference.

Que le cœur d'une femme eft mal connu de vous
Lorfque de fes refus vous étes en courroux !
Et que vous favez peu ce qu'il veut faire entendre.
Lorfque fi foiblement on le voit fe défendre!
Toûjours nôtre pudeur combat dans ces momens
Ce qu'on peut nous donner de tendres fentimens.
Quelque raifon qu'on trouve à l'amour qui nous
domte,

On trouve à l'avouër toûjours un peu de honte;
On s'en défend d'abord, mais de l'air qu'on s'y prend
On fait connoître affez que nôtre cœur fe rend;
Qu'à nos voeux par honneur nôtre bouche s'oppofe,
Et que de tels refus promettent toute chose.

* MOLIERE,

Portrait d'une coquette.

t Hé! que deviendras-tu? fi fole en fon caprice, N'aimant que le fcandale & l'éclat dans le vice, F 6

Bien

MR. DESPREAUX.

Bien moins pour fon plaifir que pour t'inquieter,
Au fond peu vicieufe elle aime à coqueter?

Entre nous, verras-tu d'un efprit bien tranquille
Chez ta femme aborder & la Cour & la Ville?
Tout, hormis toi, chez toi rencontre un bon accueil;
L'un eft païé d'un mot, & l'autre d'un coup d'œil.
Ce n'est que pour toi feul qu'elle eft fiere & chagrine,
Aux autres elle eft douce, agréable, badine:
C'est pour eux qu'elle étale & l'or & le brocard,
Que chez toi fe prodigue & le rouge & le fard,,.
Et qu'une main favante avec tant d'artifice
Bâtit de fes cheveux le galant édifice.

Dans fa chambre, croi-moi, n'entre point tout le jour,.
Si tu veux poffeder ta Lucrece à ton tour;
Atten, difcret mari, que la Belle en cornette
Le foir ait étalé fon teint fur la toilette,
Et dans quatre mouchoirs de fa beauté falis
Envoïe aux blanchiffeurs fes roses & fes lys.
Alors tu peux entrer: mais fage en fa prefence
Ne ya pas murmurer de fa fole dépense.
D'abord l'argent en main païe & vite & contant.
Mais non, fai mine un peu d'en être mécontent,
Pour la voir auffi tôt fur fes deux piés hauffée
Déplorer fa vertu fi mal récompenfée.
Un mari ne veut pas fournir à fes befoins.
Jamais femme après tout a-t-elle coûté moins?
A cinq cens Louis d'or tout au plus chaque année
Sa dépense en habits n'eft-elle pas bornée?

Les coquettes deviennent prudes quand elles n'ont plus dequoi faire des conquêtes.

Tant qu'elles ont des cœurs attiré les hommages Elles ont sû jouir de tous leurs avantages: Mais voïant de leurs yeux tous les brillans baiffer Au monde qui les quitte on les voit renoncer,

* MOLIERE.

E

Et du voile pompeux d'une haute fageffe
De leurs attraits ufez déguifer la foibleffe.
Ce font là les recours des coquettes du tems.
Il leur eft dur de voir deferter les galans.
Dans un tel abandon leur fombre inquietude
Ne voit d'autre recours que le métier de prude;
Et la feverité de ces femmes de bien

Cenfure toute chofe & ne pardonne rien;
Hautement d'un chacun elles blâment la vie,
Non point par charité, mais par un trait d'envie,
Qui ne fauroit fouffrir qu'un autre ait les plaifirs,
Dont le penchant de l'âge a fevré leurs désirs,

STANCE S..

Laiffez-là nos jeunes défirs
Ou vôtre vertu s'intéreffe;
Cette rigueur pour les plaifirs
Sent le chagrin de la vieilleffe.

Autrefois vous avez été

De ces belles que l'on renomme,
Et jamais vôtre cruauté

N'a fait mourir un honête homme,

Vous fûtes jeune comme nous;
Pour confoler vôtre trifteffe
Nous aurons enfin comme vous
Tous les dégoûts de la vieilleffe.

Nos traits devenus odieux,
Nos beautez toutes effacées
Seront la honte de nos yeux,
Et la douceur de nos pensées.

St. EYREMONT.

Mais

Mais aujourdhui que nos appas
Refpirent l'amour & la joje,
Pourquoi ne jouirons-nous pas
Des biens que le Ciel nous envoïe?

Lors, que vos efprits languiffans.
Perdent ces douceurs légitimes,
Des moindres plaifirs de nos fens→→
Votre chagrin fe fait des crimes.

Toûjours vôtre severité"
S'oppose à nôtre jeune envie,
Et d'une fotte antiquité
Tire une régle à nôtre vie,

Ou laiffez-nous vivre en ces lieux
Comme il plaît à nos deftinées;
Ou veuille la bonté des Cieux
Borner le cours de vos années,

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ef de la civilitè d'une femme de ne rebuter un amant : que par un air d'indifference...

* Eft-ce qu'au fimple aveu d'un amoureux transport-
Il faut que nôtre honneur fe gendarme. fi fort?
Et ne peut-on répondre à tout ce qui le touche,
Que le feu dans les yeux & l'injure à la bouche?
Pour moi, de tels propos je me ris fimplement,
Et l'éclat là-deffus ne me plaît nullement.
J'aime qu'avec douceur nous nous montrions fages,
Et ne fuis point du tout pour ces prudes fauvages,
Dont l'honneur eft armé de griffes & de dents,
Et veut au moindre mot dévisager les gens,
Me préferve le Ciel d'une telle fageffe!
Je veux une vertu qui ne foit point Diableffe,
Et crois que d'un refus la difcrete froideur
N'en eft pas moins puiffante à rebuter un cœur.

• MOLIERL

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On fe fait aimer plus facilement d'une femme qui
n'a jamais aimé, que d'une autre qui est
déja éprife pour quelqu'un.

C'eft dans leur grand mépris & dans leur humeur fiere:
Que nôtre ame à fes voeux doit voir plus de lumiere ;
Puifque le fort nous donne à conquerir un cœur.-
Que défend feulement une fimple froideur,
Et qui n'oppofe point à l'ardeur qui nous preffe
De quelque attachement l'invincible tendreffe.
Un coeur préoccupé réfifte puiflamment,

Mais quand une ame eft libre on la force aisément,
Et toute la fierté de fon indifference

N'a rien dont ne triomphe un peu de patience.
Ne leur cachons donc plus le pouvoir de leurs yeux,
Faifons de notre flame un éclat glorieux,

Et bien loin de trembler de l'exemple, des autres,...
Du rebut de leurs vœux enflons l'espoir des nôtres :
Peut-être pour toucher leurs feveres appas
Aurons-nous des fecrets que les autres n'ont pas¿..
Et fi de leurs fiertez l'imperieux caprice
Ne nous fait éprouver un deftin plus propice,
Au moins eft-ce un bonheur en ces extrémitez
Que de voir avec foi fes rivaux rebutez.

Les femmes, accordent facilement des faveurs aux:
faux dévots, parce qu'il eft de l'intérêt de
ceux-ci de garder le fecret.

Leur honneur avec eux ne court point de hazard,.
Et n'a nulle difgrace à craindre de leur part.
Tous ces galans de Cour, dont les femmes font foles
Sont bruyans dans leurs faits & vains dans leurs

pas

roles; De leurs progrès fans caufe on les voit le targuer, Us n'ont point de faveurs qu'ils n'aillent divulguer;

Et

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