La grillade fur les charbons,
Bons boudins blancs, bons fauciffons,, Et les marrons fous la cendrée.
Je brave ainfi le froid, la neige & les glaçons.. Qu'on ne me parle plus ni d'été ni d'autonne,, Ni des bouquets que le printems nous donne.. En été chacun met de l'eau dedans fon vin;
En autonne il fent. trop la grape & le raifin. Il est vrai qu'au printems il eft affez potable,. Mais en hiver il eft plus delectable;
Et j'en bois nuit & jour en gratant mes tifons. Pour moi j'aime l'hiver fur toutes les faifons..
* Quand j'ai bien faim, & que je mange, Et que j'ai bien dequoi choisir,. Je reffens autant de plaifir,
Qu'en gratant ce qui me démange. Cher ami, tu m'y fais fonger
Chacun fait des chanfons à boire,
Et moi qui me plais fort à branler la mâchoire Je n'en veux faire qu'à manger.
Qand on fe gorge d'un potage Succulent comme un confommé, Si nôtre corps en est charmé, Nôtre ame l'eft bien davantage. Auffi Satan le faux glouton Pour tromper la femme premiere N'alla pas lui montrer du vin ni de la biere, Mais dequoi branler le menton.
Quatre fois l'homine de courage En un jour peut manger fon foû, Et trop boire peut faire un fou De la perfonne la plus fage.
A-t-on vuidé mille tonneaux,
On n'a bû que la même chose;
Au lieu qu'en un repas on peut doubler la ɖofe De mille differens morceaux.
Quel plaifir lors qu'avec furie. Après la bifque & le rôti Un entremets bien afforti Vient reveiller la mangerie? Quand on dévore. un bon melon, Trouve-t-on liqueur qui le vaille ?
O cher ami Damon, je fuis pour la mangeaille, Et chante toûjours fur ce ton.
* Doux charme de ma folitude, Charmante pipe, ardent fourneau, Qui purges d'humeur mon cerveau, Et mon efprit d'inquietude.
Tabac dont mon ame eft ravie, Lors que je te vois perdre en l'air Auffi promptement qu'un éclair, Je vois l'image de ma vie.
Tu remets dans mon fouvenir Ce qu'un jour je dois devenir, N'étant qu'une cendre animée, Et tout confus je m'apperçois, Que courant après ta fumée, Je paffe auffi vite que toi.
*Affis fur un fagot, une pipe à la main, Triftement accoudé contre une cheminée, Les yeux fixez vers terre, & l'ame mutinée, Je fonge aux cruautez de mon fort inhumain.
L'efpoir qui me remet du jour au lendemain Effaie à gagner tems fur ma peine obstinée, Et me venant promettre une autre deftinée, Me fait monter plus haut qu'un Empereur Romain. Mais à peine cette herbe eft-elle mife en cendre, Qu'en mon premier état il me convient décendre, Et paffer mes ennuis à redire souvent:
Non, je ne trouve point beaucoup de difference De prendre du tabac, à vivre d'efperance, Car l'un n'eft que fumée, & l'autre n'est que vent
JEU.
Ce que c'eft proprement que le feu.
DEguifer d'un beau nom fon ardente avarice,
Pour un plaifir trompeur accroître fes ennuis, Paffer dans le défordre & les jours & les nuits, S'emporter fans refpect fur le moindre caprice, Entrer dans la fureur prefqu'à tous les momens, Mêler à chaque mot cent horribles fermens, Invoquer des démons la puiffance infernale, Avoir le cœur en trouble & le vifage en feu, Hazarder fon falut par une ardeur brutale, Voilà ce qu'aujourd'hui le monde appelle Jeu. * MR. d'ANDILLY.
‡ L'avare & le prodigue ont le cerveau troubl, Dira, fans hésiter, ce Marquis fage & prude, Et qui fans ceffe au jeu, dont il fait fon étude, Attendant fon deftin d'un quatorze ou d'un fept, Voit fa vie ou fa mort fortir de fon cornet. Que fi d'un fort fâcheux la maligne inconftance Vient par un coup fatal faire tourner la chance, Vous le verrez bien-tôt les cheveux heriffez, Et les yeux vers le Cicl de fureur élancez, Ainfi qu'un poffedé que le Prêtre exorcife, Fêter dans fes fermens tous les faints de l'Eglife. - Qu'on le lie, ou je crains, à fon air furieux, Que ce nouveau Titan n'efcalade les Cieux.
La femme adonnée au jeu.
Hé que deviendrois-tu fi le Démon du jeu Verfant dans fon efprit fa ruineuse rage,
Tous les jours mis par elle à deux doits du naufrage, Tu voïois tous tes biens au fort abandonnez Devenir le butin d'un pique ou d'un fonnez? Le doux charme pour toi, de voir chaque journée De nobles champions ta femme environnée, Sur une table longue & façonnée exprès D'un Tournois de Baffette ordonner les apprêts: Ou, fi par un arrêt la groffiere police D'un jeu fi néceffaire interdit l'exercice, Ouvrir fur cette table un champ au Lanfquenet, Ou promener trois dez chaffez de fon cornet:. Puis fur une autre table avec un air plus fombre S'en aller méditer une vole au jeu d'ombre : S'écrier fur un as mal-à-propos jetté,
Se plaindre d'un gano qu'on n'a point écouté, Ou, querellant tout bas le Ciel qu'elle regarde, A la Bête gemir d'un Roi venu fans garde. Chez elle en cet emploi l'aube du lendemain Souvent la trouve encor les cartes à la main, Alors pour fe coucher les quittant non fans peine, Elle plaint le malheur de la nature humaine, Qui veut qu'en un fommeil, où tout s'enfevelit,. Tant d'heures, fans jouër, fe confument au lit. Toutefois en partant la troupe la console, Et d'un prochain retour chacun donne parole. C'eft ainfi qu'une femme en doux amusemens Sait du tems qui s'envole emploïer les momens; C'est ainfi que souvent par une forcenée Une trifte famille à l'hôpital traînée,
Voit fes biens en décret fur tous les murs écrits De fa déroute illuftre effraier tout Paris..
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