Il devait être canonisé un siècle après par le pape Alexandre III.

Jamais prince ne fut plus regretté de ses sujets. Il n'avait point illustré son règne par de brillantes conquêtes; il n'avait point cherché la gloire des armes ; mais il avait gouverné si prudemment dans des temps difficiles et laissé de si sages lois à la nation, que nous verrons désormais le peuple anglais réclamer toujours les us et coutumes du bon saint Édouard.

1065. Harold II, fils de Godwin, se fait couronner sans opposition à la mort d'Édouard, car le petit neveu de ce roi, le faible Edgar, n'était qu'un fantôme de prétendant. Un rival bien autrement redoutable attendait le nouveau souverain: c'etait Guillaume, duc de Normandie, surnommé le Conquérant.

Quel terrible adversaire que ce prince normand ! Déjà, du vivant d'Édouard, il avait déclaré hautement ses prétentions à la couronne; Harold même s'était engagé, avec serment, à les soutenir, lorsque jeté par une tempête sur les terres du comte de Ponthieu, il avait eu besoin d'implorer l'appui de Guillaume contre ce seigneur.

Mais Harold ne voulut tenir aucun compte de ses promesses, et quand le duc les lui rappela, il répondit à ses messagers "que son serment, n'ayant pas été "libre, ne l'engageait ni devant Dieu, ni devant les "hommes."

Voyant l'attitude orgueilleuse que prenait Harold, Guillaume en appelle aussitôt au jugment du pape, dont les décisions étaient alors fort respectées.

Le pontife Alexandre II lui donne raison, et de plus lui envoie une bannière consacrée qui devait faire planer la victoire sur ses nombreux bataillons.

En effet, on vit accourir sous cet étendard bénit nonseulement les sujets de Guillaume, mais les plus vaillants soldats de toutes les provinces de France. Le nombre des cavaliers s'éleva bientôt à cinquante

mille, celui des fantassins à près de vingt mille, tous marchant comme un seul homme sous les ordres du guerrier habile qui ne manquait point d'exalter leur croyance dans l'excellence de sa cause, dans la sainteté de ses droits. Après huit mois de préparatifs, au mois d'août 1066, trois mille bâtiments, de toute dimension et de tout genre, se trouvèrent réunis pour l'invasion. Le vaisseau de Guillaume, présent de sa femme Mathilde, portait sur la proue une image d'or, représentant un enfant qui, de la main droite, montrait l'Angleterre, et, de la gauche, tenait sur sa bouche une trompette d'ivoire.

Ils débarquèrent le 29 septembre à Pevensey, et marchèrent immédiatement sur Hastings. On raconte qu'au moment où Guillaume mit le pied sur le sol anglais, il fit un faux pas et tomba. Des voix crièrent : "C'est signe de malheur !" Mais le héros se relevant aussitôt, répondit: "J'ai saisi cette terre de mes mains, et, par Dieu! tant qu'il y en a, elle est à nous !"

66

66

Paroles hardies qui remplirent de confiance les cœurs faibles et électrisèrent les forts.

Harold en ce moment repoussait les Danois, qui, sous la conduite de son propre frère, Tostig, s'étaient joints aux Normands pour l'attaquer d'un autre côté; cependant il vole où le menace un danger plus grand.

1066.-Rien n'est terrible, mes amis, comme la description de cette bataille d'Hastings! D'un côté, voyez Harold et ses deux frères, Gurth et Léofwin, et sa vaillante armée rangée sur une pente, en masse compacte et immense. L'étendard royal, brodé de perles et d'or, flotte sur leurs fronts. Ils portent tous la hache d'armes, lourde et meurtrière.

Sur la hauteur opposée, voyez Guillaume à la tête de ses archers et arbalétriers; derrière le prince, au second rang, vient la grosse infanterie, revêtue de cottes de mailles; puis cinq divisions de chevaliers,

son espoir et son orgueil! La bannière papale est portée en tête par Tourtain le Beau, fier de ce dangereux

honneur.

Le combat s'engage dès la point du jour; le choc est effroyable; de part et d'autre on déploie un courage invincible. Les Normands semblent ployer un instant sous les coups redoublés de la hache d'armes: ni boucliers, ni corselets de fer ne peuvent leur résister; l'armée chancelle; Guillaume, son casque à la main, parcourt les lignes pour démentir le bruit de sa mort que les Anglais faisaient courir; il crie à tous les rangs: "Je suis encore en vie, et, avec l'aide de Dieu, je serai 66 encore vainqueur !"

Les Normands reprennent courage. La lutte recommence plus sanglante que jamais. Enfin la victoire reste à Guillaume, car le roi Harold vient de tomber sur le champ de bataille: une flèche, tirée au hasard, lui est entrée dans l'œil et l'a renversé sans vie. Avec ce héros a fui toute l'espérance des braves Anglais; ses deux vaillants frères l'avaient précédé dans la tombe.

Ainsi finit cette mémorable journée qui vit couler tant de sang! C'était le 14 octobre 1066.

Sur la colline où le dernier roi saxon avait trouvé la mort, Guillaume fit élever une magnifique abbaye qu'il appela l'Abbaye de la Bataille, selon le vœu qu'il en avait fait à saint Martin, patron des soldats normands.