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voulez les remplir. Soyez laborieuse : nous sommes tous nés pour le travail, et aucun des moments de notre vie n'est à nous. Priez pour moi votre cœur est pur, vos prières seront exaucées. Vous savez mieux que personne mes imperfections et mes besoins.

Je compte sur ce que je vous ai proposé pour demain. Si quelque chose vous en empêchoit, il faut le mander à Mile de Normanville 1.

4.- A Mme DE LA LANDE.

17 mars 1697.

Je parlai hier au soir à M. de Pontchartrain. Il me dit que vous allassiez le trouver les premiers jours du mois prochain. Mais comme votre état ne vous le permettra pas3, il faut que M. de La Lande y aille : cc billet le présentera.

Je ne puis pas aller chez vous, vous ne pouvez pas venir chez moi; cependant vous voulez me voir et je veux que vous me voyiez. Je vous envoie done ma chambre1. Je sais que vous vous y êtes amusée.

1 Demoiselle de Saint-Cyr, qui avait succédé à M1le đê Castéja, comme secrétaire de Mme de Maintenon.

2 J'emprunte cette lettre à la copié qui en fut faite par La Beaumelle. Dans le texte qu'il à arrangé, il l'á abrégée et réunie à la lettre précédente.

* Elle était enceinte.

« C'est un tableau sur éventail où l'on voit au naturel l'appartement de Mme de Maintenon. Le Roi y travaille à son bureau, Mine de Maintenon file, la duchesse de Bourgogne et Mlle d'Au

5.

A Mme DE LA LANDE'.

Saint-Cyr, 8 septembre 1698.

Je suis très-touchée de votre douleur, ma trèschère. Je l'ai toujours prévue et crainte, n'ayant jamais eu bonne idée de ce pauvre enfant. Donnez de bon cœur à Dieu les prémices de votre famille. C'est un ange, et selon toutes les apparences, vous ne manquerez pas d'enfants. Quand vous vous porterez bien, venez ici, vous y trouverez des distractions innocentes qui charmeront votre affliction.

bigné font collation. » (Note des manuscrits de Saint-Cyr.) Pour bien comprendre la scène de cet éventail, il faut lire la note qui se trouve dans les Lettres historiques et édifiantes, t. II, p. 156.

1 J'emprunte cette lettre à la copie qui en fut faite par La Beaumelle, mais elle ne se trouve pas dans sa collection; par compensation, on y voit celle qui suit et dont je n'ai pu retrouver l'origine. Elle est peut-être exacte, moins la dernière ligne que Mme de Maintenon n'a certainement jamais écrite.

« Je suis ravie, ma chère enfant, de vous savoir accouchée heureusement, et accouchée d'un garçon. Je vous l'avois bien dit, qu'on se faisoit les maux plus grands qu'ils n'étoient, et que la tendresse pour l'enfant en diminuoit une partie, et que l'amour pour le père donnoit la force de supporter l'autre. Remerciez Dieu de ses grâces: un mari sage, un fils, de la santé, quels biens souhaiter après cela? Personne ne s'intéresse à vous plus que moi; vous mériterez toujours mon amitié, vous l'aurez toujours. Conservez-vous: tàcher de se bien porter, est un de vos devoirs. Quoi que vous entendiez dire, ne vous alarmez pas*; fiez-vous en moi; on verra que vous êtes favorite d'une favorite. >>

M

Sur la place de sous-gouvernante que Mme de Maintenon lui avait pro

de mon amitié;

Je ne vous assure pas il me semble que vous n'en doutez pas, et vous avez raison1.

6.- CONSEILS AUX DEMOISELLES DE SAINT-CYR, POUR LEUR CONDUITE DANS LE MONDE 2.

1698.

On m'ordonne, mes chers enfants, d'écrire quelque chose pour celles d'entre vous qui serez assez malheureuses pour retourner dans le monde, n'ayant point de vocation pour la religion3. J'appelle celleslà malheureuses parce qu'elles auront plus de difficultés à se sauver et plus de peines pour les affaires temporelles dont les religieuses sont plus éloignées. Mais puisque Dieu a voulu sanctionner tous les états, il faut vous dire par quels moyens vous pouvez le glorifier dans celui du mariage, s'il vous y appelle.

Vous éprouverez dans cet état combien l'obéissance de Saint-Cyr est douce en comparaison de celle qu'il faut avoir pour un mari, dont il faudra étudier l'humeur et les volontés pour aller au-devant de tout ce qu'il peut désirer.

Cependant votre devoir sera de lui obéir en ce qui ne sera pas un péché, et c'est à quoi votre salut

1 Voir plus loin, page 34, une instruction où il est question de Mme de La Lande, devenue veuve.

2 Tiré d'un manuscrit sans titre et détérioré qui renferme principalement les lettres à d'Aubigné et à Mme de Caylus ; p. 319. (Il m'a été communiqué par M. de Monmerqué.)

3 C'est-à-dire pour la vie religieuse.

est attaché; vous devez regarder votre mari comme votre maître; vous devez l'aimer, le respecter, le servir, c'est l'arrêt de Dieu. Il faut lui faire aimer la piété par la douceur et la droiture de la vôtre. Qu'il vous trouve toujours gaie, soumise, occupée de lui, toujours prête à souffrir ses bizarreries, et ne le faisant point souffrir des vôtres.

Que vos prières soient plus ou moins longues, selon son goût; vous prierez parfaitement par cette complaisance. Mais qu'il vous voie fidèle à Dieu; vous n'en aurez pas moins de besoin que pour soutenir la vocation religieuse. Les malheurs du monde, les peines du mariage vous accableront si Dieu ne vous soutient, et il ne vous soutiendra pas si vous cessez de le servir.

L'obéissance pour votre mari est le premier devoir du mariage, l'éducation des enfants le second. Ayez soin de vos enfants avant qu'ils soient au monde, et ne hasardez pas leurs âmes par des indiscrétions, dès que vous êtes grosses.

Offrez-les à Dieu et n'oubliez rien pour les rendre de véritables chrétiens; rendez-leur l'éducation que vous avez reçue; préparez-vous aux chagrins qu'ils vous donneront, car ils exerceront votre patience de toutes façons. S'ils répondent à vos soins, louez Dieu; s'ils n'y répondent pas, attendez-les et les traitez avec douceur. Instruisez votre petit domestique : c'est encore un de vos devoirs '... (Non achevé.)

1 La Beaumelle a inséré quelques phrases de cette instruction dans la lettre de Mme de Maintenon à Mlle d'Osmond sur son ma

7. ENTRETIEN AVEC LES DEMOISELLES DE

LA CLASSE BLEUE1,

SUR LES AMITIÉS DANS LE MONDE, ET LA PERFECTION QU'UNE CHRÉTIENNE Y PEUT ATTEINDRE 2.

1698.

« Je ne puis m'empêcher, nous dit un jour Madame 3, d'être fort surprise et bien fàchée de voir que l'amour du monde règne tant ici, que vous en soyez si occupées, que vous en parliez si souvent et que vous fassiez tant de sortes de projets pour le temps où vous sortirez de la maison. Dans ma jeunesse, on me mit dans un couvent d'Ursulines où toute chose n'étoit pas réglée comme ici; cependant nous n'y parlions point du monde : on n'y pensoit même pas. "

Une maîtresse dit à Madame : « Mes filles ont toujours dans l'esprit qu'elles auront beaucoup de plaisir dans le monde. » >> - Madame reprit : « Eh! ne leur ai-je pas dit qu'il n'y auroit pas de monde

riage, lettre qu'il a si étrangement défigurée. Voir plus loin, P. 49.

Le lecteur doit se souvenir que les demoiselles de la classe bleue avaient de dix-sept à vingt ans, et celles de la classe jaune de quatorze à dix-sept ans. Ces deux classes participaient seules aux instructions que Mme de Maintenon a données pour la conduite des demoiselles dans le monde.

2 Recueil d'instructions, p. 285.

3 Cet entretien a été recueilli par les demoiselles. Il en est à peu près de même de tous ceux où il est question du monde et du mariage.

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