Page images
PDF
EPUB

de bon cœur ce qui est ordonné et encore tout ce qui peut plaire à Dieu. L'amour fait tout embrasser; rien ne paroît difficile. »

8.-INSTRUCTION AUX DEMOISELLES DE LA CLASSE JAUNE,

SUR L'AMOUR DES PARENTS'.

1698.

Mine de Maintenon étant à la classe jaune prit occasion de ce qu'on lisoit dans une homélie qu'il falloit aimer ses parents plus que toute autre personne, et aimer Dieu plus que ses parents, de recommander aux demoiselles de ne jamais oublier cette maxime; elle la fit répéter à plusieurs, puis elle demanda à Mie de Neuilli s'il n'y avoit aucun cas où il fallût mettre ses parents en oubli pour satisfaire à l'obligation de préférer Dieu à ses parents. Elle lui dit que cela se fait quand on les quitte pour être religieuse : « Oui, dit Mme de Maintenon, en voilà un très-essentiel; comment entendez-vous cette parole de Notre-Seigneur : Laissez aux morts le soin d'ensevelir les morts? — C'est, répondit la demoiselle, qu'il faut laisser les affaires temporelles à ceux qui demeurent dans le monde.-Cela est très-bien répondu, reprit Me de Maintenon; oui, dès que l'on a tant fait que de se rendre religieuse, il faut abandonner aux séculiers tout ce qui regarde leurs affaires, et

1 Lettres édifiantes, t. VI, p. 685.

n'en plus faire les siennes. Ces dames par exemple, qui sont ici religieuses, ne doivent non plus se mêler des affaires de leurs parents que si elles étoient mortes; elles doivent se contenter de prier Dieu pour eux et de les consoler selon lui quand elles les voient, sans s'entremettre de leurs affaires. Mais croyez-vous, ajouta-t-elle, qu'il n'y ait que les religieuses qui doivent sacrifier l'amour de leurs parents au devoir de leur état? Une personne mariée est souvent obligée à un plus grand détachement que les religieuses mêmes; n'arrive-t-il pas qu'après avoir choisi un mari dans son voisinage, afin de ne pas s'éloigner de ses parents, on se voit dans la nécessité de le suivre quelquefois jusque dans les pays étrangers? les uns vont à l'Amérique pour y faire fortune, ils mènent leurs femmes; d'autres vont en campagne, d'autres vont dans quelques frontières exercer leurs charges: une femme se voit obligée de s'arracher du sein de ses parents. Bien plus, qu'il survienne un différend entre votre mari et votre père, en sorte que vous ne puissiez le voir sans encourir la disgrâce du premier, vous voilà obligée d'entrer dans les intérêts de votre mari que vous n'aimez peut-être guère, contre ceux d'un père ou d'un frère que vous aimez peut-être beaucoup; mais votre premier devoir doit être à l'égard de votre mari, car dès que vous l'avez épousé, vous êtes à lui, et Dieu a dit que l'homme quitteroit son père et pour s'attacher à sa femme. »

sa mère

9. INSTRUCTION

-

SUR LES DEVOIRS D'UNE DAME DE PAROISSE.

1698.

[ocr errors]

Mme de Gruel pria Mme de Maintenon de parler aux demoiselles de sa classe sur les devoirs d'une dame de paroisse. « C'est une matière, dit-elle, dont je ne puis bien les instruire, parce que je n'en ai aucune expérience; cependant la plupart peuvent en avoir besoin, plusieurs peuvent le devenir. Il n'est pas tout à fait aisé, dit Madame, de donner sur cela des règles générales, parce que dans chaque condition, outre les obligations de l'état, on a encore à remplir les desseins particuliers de Dieu; par exemple, je me trouve dans ce cas : je vais rarement à ma paroisse parce que je me suis chargée de Saint-Cyr, que j'y suis nécessaire pour le bien que Dieu veut que j'y fasse, soit aux Dames, soit aux demoiselles; sans cela j'irois toujours assurément, car une des principales obligations des bons chrétiens est d'assister aux services, instructions et offices qui se font en sa paroisse; mais ne pouvant y aller moi-même par la raison que je viens de dire, j'ai soin d'y envoyer mes domestiques, et je me fais rendre compte s'ils y sont exacts, car l'Église qui nous oblige d'entendre la messe sous peine de péché mortel, ordonne aussi d'aller à la grand'messe et au prône au moins une fois en trois semaines, c'est-à-dire de trois dimanches l'un; mais les personnes pieuses ne s'en tiennent pas là, et y vont toutes les semaines s'il leur est pos

[ocr errors]

sible; et quand on est logé si loin de l'église qu'il est impossible que toute la maison y aille, on a soin du moins que chacun à son tour satisfasse à son devoir une fois en trois semaines.-Et à l'égard de leur curé, dit Mme de Saint-Périer, comment feront-elles? car il me semble qu'ils sont souvent mal avec le seigneur de leur paroisse? Il est vrai, dit Mme de Maintenon, mais il faut faire tout de son mieux avec lui, et si on est obligé de soutenir ses droits, car c'est souvent sur cela qu'ils ont des différends, on ne doit pas moins les respecter, quand même, ce qui pourroit fort bien arriver, il seroit frère ou parent d'un de vos valets ou de quelques autres personnes semblables; il n'est plus question de ce qu'il est par sa naissance, il ne faut voir en lui que son caractère de ministre de Jésus-Christ, qui vous le doit rendre infiniment respectable. Et si par malheur votre curé n'étoit point de bonnes mœurs, qu'il fût ivrogne, par exemple, faudroit-il lui manquer de respect et lui désobéir? Martigny, qu'en pensez-vous? — Je crois, dit la demoiselle, qu'il faudroit toujours respecter son caractère, et lui obéir en tout ce qui regarderoit son ministère, mais se bien garder de suivre de pareils exemples. Cela est fort bien répondu, dit Mme de Maintenon; oui, il faudroit toujours respecter son caractère qui est, comme vous le savez, ineffaçable; mais il vous seroit fort permis de n'avoir pas en lui la confiance que vous auriez en un homme saint et vertueux; d'ailleurs il faudroit toujours lui rendre les devoirs dus à son caractère, comme d'être assidu à ses instructions s'il en fait, de lui payer fort

exactement les dîmes. - Et à l'égard des pauvres de ses terres? reprit la maîtresse. Ce sont, répondit Mme de Maintenon, les premiers pauvres qu'il faut assister, après cependant ceux de vos proches qui en auroient besoin. Mais pourquoi croyez-vous qu'on soit obligé d'assister les pauvres de ses terres préférablement aux autres? Parce que c'est sur eux et par eux ordinairement qu'on a les revenus de son bien, et qu'il est juste de les assister. Il y a de pieuses dames de paroisse qui prennent soin des malades, qui leur portent ou leur font porter du bouillon et autres soulagements; cela est fort bien; il y en a d'autres qui leur envoient ce qui reste sur leur table, afin que rien ne soit perdu; mais comme plusieurs d'entre vous ne seront pas en état de faire de grandes aumônes, il faudra au moins qu'elles en fassent de petites, selon leurs moyens comme de les aller voir, les consoler, les instruire, leur donner de bons conseils et choses semblables dont on trouve assez d'occasions quand on a bonne volonté. C'est encore un devoir du seigneur de prêter la main au curé pour arrêter les désordres : par exemple, si dans un village le libertinage y étoit, si au lieu d'entendre la messe les dimanches, on alloit au cabaret; si au lieu d'aller à vêpres, on passoit ce temps en danses et en jeux. Le curé ne manque pas de défendre ces choses-là, mais souvent il n'est pas obéi, on fait peu de cas de ses ordres; quand cela est, le seigneur doit l'appuyer, avertir les officiers de la justice, faire punir ceux qui ne veulent point se soumettre et qui s'obstinent dans leur désobéissance et scandalisent

« PreviousContinue »