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princesse sera charmée des bontés de Dieu et des douceurs célestes qu'il versera dans son cœur, qui la dégoûteront des plaisirs du monde, dont elle connoît déjà la fausseté et le néant.

Qu'elle éprouve sept jours de suite ce petit exercice, elle trouvera qu'insensiblement son cœur se changera, et, après un mois, elle sera étonnée de se trouver toute autre ; je dis de le faire de suite, car le faire un jour, et en manquer trois, c'est ne rien faire; elle peut ordonner qu'on la réveille un quart d'heure plus tôt qu'elle n'a accoutumé.

Pratiquant fidèlement ces exercices, elle connottra la vérité de ces paroles de David: Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux..

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.

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CONVERSATIONS'.

CONVERSATION PREMIÈRE.

SUR L'INDISCRÉTION?.

VICTOIRE.

Je sors d'un lieu où j'ai bien souffert : il y avoit un très-honnête homme qui étoit bossu; une jeune dame a parlé longtemps devant lui des avantages d'une belle taille; nous avons toussé et fait tous nos efforts pour la faire apercevoir de l'embarras qu'elle causoit, ou pour changer de conversation; mais elle a toujours continué, et s'est enfin emportée sur l'imprudence des bossus qui vont par le monde. Je suis sortie aussi embarrassée que celui pour qui je l'étois.

ADÉLAÏDE.

Voilà une bien grande indiscrétion.

MÉLANIE.

On ne peut trop éviter cette personne-là.

1 Voir, pour cette partie des Conseils et instructions de Mme de Maintenon, la préface du présent volume où le but et l'objet des Conversations sont expliqués.

2 Voir les Entretiens sur l'éducation, p. 332, où cette Conversation est citée.

ROSALIE.

Tout le monde n'a pas des défauts si visibles.

ALEXANDRINE.

Quand on est indiscrète, mademoiselle, on embarrasse toujours, et on ne s'en tient pas à blâmer les bossus.

ROSALIE.

On sait bien qu'il y a des défauts aussi visibles que celui-là, mais n'est-on pas en sûreté quand on n'a rien de remarquable en sa personne ?

ALEXANDRINE.

Et qui est-ce qui n'a pas des endroits qu'il faille traiter avec discrétion? et si ce ne sont pas des défauts aussi visibles, ils n'en sont pas moins sensibles.

ANASTASIE.

On ne se fait pas toujours justice, mademoiselle: les défauts du cœur et de l'esprit ne sont pas si remarquables que ceux du corps; on ne les connoit pas si clairement, on n'en demeureroit pas d'accord si aisément, et on n'en seroit pas si embarrassé.

ALEXANDRINE.

Ah! mademoiselle, si vous connoissiez la personne dont mademoiselle vient de parler, comme je la connois, vous verriez qu'elle n'ouvre jamais la bouche qu'elle ne fâche quelqu'un, et ne fasse trembler tout le monde.

MÉLANIE.

Il faudroit la chasser du commerce des honnêtes

gens.

ALEXANDRINE.

Ce seroit un grand bonheur, si on n'avoit pour vivre en sûreté qu'à se défaire d'elle; mais l'indiscrétion est plus ordinaire qu'on ne pense.

ADÉLAÏDE.

Moi, je suis de l'avis de Me Rosalie, et il me semble que l'on n'a rien à craindre quand on a une figure passable.

ALEXANDRINE.

Croyez-vous donc, mademoiselle, que l'indiscrétion ne va qu'à parler d'un défaut devant une personne qui l'a, et ne comptez-vous pour rien d'importuner, comme font les personnes indiscrètes?

MÉLANIE.

Dites-nous donc ce que c'est que l'indiscrétion.

ALEXANDRINE.

Je ne saurois vous en faire une bonne définition, car les définitions, comme vous le savez mieux que moi, doivent être courtes, et je sens que je parlerois des heures entières sur l'indiscrétion.

VICTOIRE.

Il est dommage, mademoiselle, que je ne sois pas aussi capable d'en parler que vous, car, d'après ce que j'ai vu aujourd'hui, je m'emporterois de bon cœur contre elle.

MÉLANIE.

Il faut que mademoiselle nous la fasse connoître, pour l'éviter.

ALEXANDRINE.

L'indiscrétion est ce qu'il y a de pire pour la société; c'est ce qui fâche continuellement, c'est

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