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chés que les femmes, parce qu'on les élève avec moins de contraintes.

Ils sont naturellement tyranniques, et veulent des plaisirs, de la liberté, et que les femmes y renoncent; ils sont les maîtres: il n'y a qu'à souffrir de bonne grâce'.

Aimez vos enfants, voyez-les souvent; c'est l'occupation la plus honnête que vous puissiez avoir. N'oubliez rien pour les bien élever et pour leur donner le plus de préservatifs que vous pourrez contre les dangers de leur état.

Imprimez la religion dans leur cœur, et jetez-y la semence de toutes les vertus.

Nourrissez les filles dans la contrainte et la solitude, afin qu'elles se trouvent plus heureuses dans les mariages que la Providence leur aura destinés.

Par rapport au monde.

Exposez-vous au monde, selon la bienséance de votre état; mettez votre confiance en Dieu, et consolez-vous des périls où on y est exposé, par le bien que vous y pouvez faire.

Un des plus grands est l'exemple.

Professez donc hautement votre foi et votre religion, sans en négliger aucune pratique.

Détruisez autant que vous pouvez la vanité, l’immodestie, le luxe, et encore plus les calomnies, les médisances, les railleries offensantes, et tout ce qui est contraire à la charité.

• Voir précédemment, p. 29.

N'épousez les passions de personne; c'est à vous à les modérer, et non pas à les suivre.

Regardez comme vos véritables amis ceux qui vous porteront toujours à la douceur, à la paix, au pardon des injures; et, pour la raison contraire, craignez et n'écoutez pas ceux qui voudront vous exciter contre les autres, quelque apparence de zèle dont ils veulent prétexter leurs intérêts ou ressentiments; défiez-vous des personnes intéressées, ambitieuses, vindicatives; leur commerce ne peut que vous nuire.

Parlez, écrivez et faites toutes vos actions comme si vous aviez mille témoins; comptez que tôt ou tard tout est su; l'écriture surtout est très-dangereuse.

N'ayez jamais tort; ne vous mettez point en état de craindre la confrontation; donnez toujours de bons conseils; excusez les absents.

Encore une fois, n'entrez dans les passions de personne; vous leur plairez moins dans le temps de leur fureur, mais elles vous estimeront dans la suite; sanctifiez toutes les vertus, en leur donnant pour motif l'envie de plaire à Dieu.

Aimez l'État; aimez la noblesse qui en est le soutien; aimez les peuples, protégez-les à proportion du crédit que vous aurez; soulagez-les autant que vous pourrez.

Aimez vos domestiques'; portez-les à Dieu; faites leur fortune jusqu'à un certain point; mais ne contentez point leur vanité et leur avarice; et mettez

1 C'est-à-dire les personnes attachées à votre maison.

par votre sagesse la modération qu'ils devroient mettre à leurs devoirs.

Ne vous familiarisez guère avec eux; pour l'ordinaire, ils en abusent.

Ne soyez point trop attachée aux plaisirs; il faut savoir s'en passer.

Apprenez à vous contraindre.

Ne confiez rien qui puisse vous nuire s'il est redit; comptez que les secrets les mieux gardés ne le sont que pour un temps; soyez én garde contre le goût que vous avez pour l'esprit : il vous fera haïr du plus grand nombre.

On ne donne presque qu'une maxime aux princes, qui est la dissimulation; il ne faut pas montrer tout ce que l'on pense, ni se laisser aller à tous ses mouvements intérieurs; comme on a toujours les yeux sur eux, il est certain qu'ils doivent, autant qu'il leur est possible, avoir un extérieur doux, égal et médiocrement gai; mais la maxime de dissimuler toujours est très-fausse, et les fait tomber dans de grands inconvénients.

Il faut montrer, sans affectation, ce qui est bon à montrer, ou du moins, il ne le faut pas cacher; les exemples le feront bien mieux comprendre.

Une personne à qui vous avez témoigné de l'amitié est malade considérablement vous devez en avoir et en montrer de l'inquiétude; elle meurt: vous devez en avoir de la douleur et ne la point cacher. Vous ne serez aimée qu'autant qu'on vous croira capable d'amitié.

39.-DIALOGUE ENTRE LA PRINCESSE PULCHÉRIE ET UN SOLITAIRE,

COMPOSÉ POUR L'INSTRUCTION DE Mme LA DUCHESSE DE

BOURGOGNE'.

PULCHÉRIE.

Serviteur de Jésus-Christ, qui consumez vos jours dans les exercices d'une vie sainte et pénitente, qui passez une partie de la nuit à louer le Seigneur, à méditer ses bontés, et qui avez plus de commerce avec le ciel qu'avec la terre, je vous prie d'éclairer mes doutes par vos lumières, t de soutenir par vos avis ma volonté chancelante dans le bien.

Je vous prie d'abord de me dire pourquoi je me sens dégoûtée de tous les plaisirs du monde, quoique je les aime encore. Je devrois être la plus heureuse princesse du monde; à l'âge de quinze ans je me vois maîtresse de l'univers, tout m'obéit dans cet empire; mon frère Théodose me donne autorité; une nombreuse cour, empressée à me plaire, me suit sans cesse; ce palais est le plus beau du

1 Ce dialogue n'a pas été composé par Mme de Maintenon, mais par un ecclésiastique qui est probablement Godet-Desmarets, évêque de Chartres; il a été seulement revu et corrigé par elle. Nous avons cru devoir le conserver, parce que les Dames de Saint-Cyr l'avaient compris dans les écrits de Mme de Maintenon, comme étant le complément de l'instruction précédente.

Pulchérie, fille de l'empereur Arcadius, gouverna l'empire d'Orient, sous le nom de son frère Théodose. Les Grecs l'honorent comme sainte.

monde; Constantin et le grand Théodose l'ont enrichi des dépouilles des nations vaincues; sa situation avantageuse, l'art et la nature, tout concourt à l'embellir. Mes richesses sont immenses; ce que l'univers a de plus rare se trouve dans mes trésors; les jeux, les grâces et les ris accompagnent mes pas; tout flatte ici mes inclinations; au milieu de tant d'avantages je m'ennuie à la mort, rien ne me plait; dégoûtée d'un plaisir, j'en cherche un autre plus vif et plus sensible; celui-ci me déplaît comme l'autre, j'en cherche un troisième. Lasse enfin de tous les plaisirs, je trouve des chagrins inépuisables dans ce qui paroît à toute la terre être le comble du bonheur.

LE SOLITAIRE.

Je ne suis pas surpris, ô princesse, de vos ennuis; Salomon, comblé de richesses et de gloire, dans une vive jeunesse, dans l'abondance et les plaisirs, s'ennuyoit comme vous, et il avoue que dans tout ce qui peut flatter l'homme, il n'a trouvé que vanité et affliction d'esprit. Dieu vous destine, Madame, à des plaisirs plus solides; les plaisirs de ce monde coûtent beaucoup, durent peu, sont suivis d'amertumes, rien de plus borné. Si vous passez les limites que la raison prescrit, ce n'est pas un plaisir, mais une peine; manger est un plaisir; manger avec excès est une vraie peine, n'avoir qu'un sommeil inquiet, être livré aux maladies et aux incommodités qui suivent l'intempérance;. se promener est un plaisir, la trop longue promenade est une fatigue et un travail. Si vous passez les bornes prescrites par

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