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COUC Y.

Eh bien, puifque la honte avec le repentir,
Par qui la vertu parle à qui peut la trahir,
D'un fi jufte remords ont pénétré votre ame;
Puifque, malgré l'excès de votre aveugle flamme,
Au prix de votre fang vous voudriez sauver

Ce fang dont vos fureurs ont voulu vous priver;
Je peux donc m'expliquer, je peux donc vous apprendre
Que de vous-même enfin Coucy fait vous défendre.
Connaiffez-moi, Madame, et calmez vos douleurs.
( à Adélaïde.)
Vous, gardez vos remords; et vous, féchez vos pleurs.
Que ce jour à tous trois foit un jour falutaire.
Venez, paraissez, Prince, embrassez votre frère.
(le théâtre s'ouvre, Nemours paraît.)

(au Duc.)

SCENE V.

VENDOME, ADELAIDE, NEMOURS, COUCY.

NEMOURS!

ADELA ïDE.

VENDO ME.
Mon frère !

A DELA ï D E.
Ah Ciel!

VENDO ME.

Qui l'aurait pu penser?

NEMOURS s'avançant du fond du théâtre.

J'ofe encor te revoir, te plaindre et t'embraffer.

VENDO ME.

Mon crime en eft plus grand, puisque ton cœur l'oublie.

A DELA ïDE.

Coucy, digne héros, qui me donnez la vie!

VENDO ME.

Il la donne à tous trois.

COUC Y.

Un indigne affaffin

Sur Nemours à mes yeux avait levé la main;
J'ai frappé le barbare; et, prévenant encore
Les aveugles fureurs du feu qui vous dévore,
J'ai fait donner foudain le fignal odieux,
Sûr que le repentir vous ouvrirait les yeux.

VENDO ME.

Après ce grand exemple, et ce fervice infigne,
Le prix que je t'en dois, c'eft de m'en rendre digne.
Le fardeau de mon crime eft trop pesant pour moi;
Mes yeux, couverts d'un voile et baiffés devant toi,
Craignent de rencontrer, et les regards d'un frère,
Et la beauté fatale à tous les deux trop chère.

NEMOUR S.

Tous deux auprès du roi, nous voulions te fervir. Quel eft donc ton deffein? parle.

VEND OM E.

De me punir, De nous rendre à tous trois une égale justice; D'expier devant vous, par le plus grand fupplice, Le plus grand des forfaits, où la fatalité, L'amour et le courroux m'avaient précipité. J'aimais Adélaïde, et ma flamme cruelle, Dans mon cœur défolé, s'irrite encor pour elle. Coucy fait à quel point j'adorais fes appas, Quand ma jalouse rage ordonnait ton trépas;

Dévoré, malgré moi, du feu qui me possède,
Je l'adore encor plus... et mon amour la cède.
Je m'arrache le cœur, je la mets dans tes bras;
Aimez-vous: mais au moins ne me haïssez pas.
NEMOURS à fes pieds.

Moi vous haïr jamais! Vendôme, mon cher frère !
J'ofai vous outrager.... vous me fervez de père.

ADELA ïD E.

Oui, Seigneur, avec lui j'embrasse vos genoux ;
La plus tendre amitié va me rejoindre à vous.
Vous me payez trop bien de ma douleur foufferte.

VENDO ME.

Ah! c'eft trop me montrer mes malheurs et ma perte! Mais vous m'apprenez tous à fuivre la vertu.

Ce n'eft point à demi que mon cœur eft rendu. ( à Nemours.)

Trop fortunés époux, oui, mon ame attendrie
Imite votre exemple, et chérit fa patrie.
Allez apprendre au roi, pour qui vous combattez,
Mon crime, mes remords, et vos félicités.
Allez; ainfi que vous, je vais le reconnaître.
Sur nos remparts foumis amenez votre maître;
Il eft déjà le mien : nous, allons à fes pieds
Abaiffer fans regret nos fronts humiliés.
J'égalerai pour lui votre intrépide zèle;
Bon français, meilleur frère, ami, sujet fidèle;
Es-tu content, Coucy?

COUC Y.

J'ai le prix de mes foins, Et du fang des Bourbons je n'attendais pas moins.

Fin du cinquième et dernier acte.

D'A DE LA IDE.

(a) DA

ANS l'édition de 1765, la fcène commençait par ces vers :

Enfin c'eft trop attendre, enfin je dois connaître,
Dans les derniers momens qui me reftent peut-être,
Si, volant aux combats, j'y dois porter un cœur
Accablé d'infortune, ou fier de fon bonheur.

(b) VENDO ME. Vous qui me tenez lieu de rois et de patrie, Vous dont les jours. . . .

ADELA ïd E.

Je fais que je vous dois la vie.

(c) Edition de 1765.

Le Bourguignon, l'Anglais, dans leur trifte alliance,
Ont creusé par nos mains les tombeaux de la France;
Votre fort eft douteux, vos jours font prodigués
Pour vos vrais ennemis qui nous ont fubjugués.
Songez qu'il a fallu trois cents ans de conftance
Pour faper par degrés cette vafte puiffance ;
Le dauphin vous offrait une honorable paix.

VEND O ME.

Non, de fes favoris je ne l'aurai jamais ;
Ami, je hais l'Anglais, mais je hais davantage
Ces lâches confeillers dont la faveur m'outrage:
Ce fils de Charles fix, cette odieufe cour,
Ce miniftre infolent m'ont aigri fans retour;
De leurs fanglans affronts mon ame eft trop frappée ;
Contre Charle, en un mot, quand j'ai tiré l'épée,
Ce n'eft pas, cher Coucy, pour la mettre à fes pieds,
Pour baiffer dans fa cour nos fronts humiliés,

Pour fervir lâchement un miniftre arbitraire.

COUCY.

Non, c'eft pour obtenir une paix nécessaire.
Gardez d'être réduit au hasard dangereux.

(d) Enflé de fa victoire et teint de votre fang, Il m'ose offrir la main qui vous perça le flanc.

(e) Mais je mériterais la haine et le mépris

Du héros dont mon cœur en fecret eft épris,
Si jamais d'un coup d'œil l'indigne complaisance
Avait à votre amour laiffé quelque espérance.
Vous penfez que ma foi, ma liberté, mes jours,
Vous étaient afservis pour prix de vos fecours.

(f) coUC Y.

Il a payé bien cher ce fatal facrifice.

VENDO ME.

Le mien coûtera plus; mais je veux ce service:
Oui je le veux, ma mort à l'instant le suivra;
Mais du moins avant moi mon rival périra.

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