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NERE STAN.

Cruel! qu'attends-tu donc pour affouvir ta rage?
Il ne refte que moi de ce fang glorieux

Dont ton père et ton bras ont inondé ces lieux,

Rejoins un malheureux à fa trifte famille,

Au héros dont tu viens d'affaffiner la fille.

Zaïre!

Tes tourmens font-ils prêts ? je puis braver tes coups;

Tu m'as fait éprouver le plus cruel de tous.
Mais la foif de mon fang, qui toujours te dévore,
Permet-elle à l'honneur de te parler encore?

En m'arrachant le jour, fouviens-toi des chrétiens,
Dont tu m'avais juré de brifer les liens ;
Dans fa férocité, ton cœur impitoyable,
De ce trait généreux ferait-il bien capable?
Parle; à ce prix encor je bénis mon trépas.

OROS MANE allant vers le corps de Zaïre.

CORAS MIN.

Hélas! Seigneur, où portez-vous vos pas! Rentrez, trop de douleur de votre ame s'empare, Souffrez que Néreftan...

NERE STAN.

Qu'ordonnes-tu, barbare?

OROSMANE après une longue pause. Qu'on détache fes fers. Ecoutez, Corafmin, Que tous les compagnons foient délivrés foudain. Aux malheureux chrétiens prodiguez mes largeffes; Comblés de mes bienfaits, chargés de mes richesses, Jufqu'au port de Joppé vous conduirez leurs pas.

CORAS MIN.

Mais, Seigneur....

OROS MANE.

Obéis, et ne réplique pas,

Vole, et ne trahis point la volonté suprême
D'un foudan qui commande, et d'un ami qui t'aime;
Va, ne perds point de temps, fors, obéis...
(à Nérestan. )
Et toi,

Guerrier infortuné, mais moins encor que moi,
Quitte ces lieux fanglans, remporte en ta patrie
Cet objet que ma rage a privé de la vie.
Ton roi, tous tes chrétiens, apprenant tes malheurs,
N'en parleront jamais fans répandre des pleurs.

Mais fi la vérité par toi se fait connaître,
En déteftant mon crime, on me plaindra peut-être.
Porte aux tiens ce poignard, que mon bras égaré
A plongé dans un fein qui dut m'être facré;
Dis-leur que j'ai donné la mort la plus affreuse
A la plus digne femme, à la plus vertueufe
Dont le ciel ait formé les innocens appas;
Dis-leur qu'à fes genoux j'avais mis mes Etats;
Dis-leur que dans fon fang cette main s'est plongée;
Dis que je l'adorais, et que je l'ai vengée. (il fe tue. )
(aux fiens.)

Respectez ce héros, et conduifez fes pas.

NERE STAN.

Guide-moi, Dieu puiffant, je ne me connais pas.
Faut-il qu'à t'admirer ta fureur me contraigne,
Et que, dans mon malheur, ce foit moi qui te plaigne ?

Fin du cinquième et dernier acte.

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DE

ZAIRE.

EDITION (a) DITION de 1740:

Peut-il fuivre une loi que mon amant abhorre?
La coutume en ces lieux plia mes premiers ans.

(b) Ibid.

Des Lufignan ou moi l'empire de ces lieux. (c) Ibid.

Qui naquit, qui fouffrit, qui mourut en ces lieux,
Qui nous a raffemblés, qui m'amène à vos yeux.

(d) Edition de 1738:

Mais il eft trop honteux d'avoir une faibleffe. (e) Ibid.

Quel caprice odieux, que je ne conçois pas.

(1) CES vers rappellent ceux de Bérénice:

Titus, ah! plût au ciel, que fans bleffer ta gloire,
Un rival plus puiffant voulût tenter ma foi,

Et pût mettre à mes pieds plus d'empires que toi !
Que de fceptres fans nombre il pût payer ma flamme!
Que ton amour n'eût rien à donner que ton ame!
C'eft alors, cher Titus, qu'aimé, victorieux,
Tu verrais de quel prix ton cœur est à mes yeux.

(2) Molière, dans la comédie des Fâcheux, dit, en parlant des jaloux :

De ces gens dont l'amour eft fait comme la haine.

On retrouve dans la fcène des deux amans du Dépit amoureux, plufieurs fentimens de la feconde fcène du quatrième acte entre Orofmane et Zaïre :

Madame, il fut un temps où mon ame charmée....

Plufieurs des mouvemens paffionnés du rôle de Vendôme se retrouvent auffi dans celui de Don Garcie, perfonnage d'une comédie héroïque de Molière, prefque oubliée. Il n'eft pas vraisemblable que M. de Voltaire ait fongé à imiter ces morceaux de Molière; et nous n'avons fait ce rapprochement que pour faire remarquer comment les deux poëtes français qui ont le mieux connu les hommes, les deux feuls qui aient été philosophes, se font rencontrés, lorfqu'ils ont eu à traiter des fituations analogues entre elles.

(3) Ce vers eft une imitation de celui de Virgile: Nec ignara mali miferis fuccurrere difco.

(4) On trouve dans un poëme de l'abbé du Jarry :

Tandis que les fapins, les chênes élevés,
Satisfont en tombant aux vents qu'ils ont bravés.

(5) Hermione dit en parlant de Pyrrhus :

Il ne s'informe pas

Si l'on fouhaite ailleurs fa vie ou fon trépas.

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ADELAIDE

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A DELAÏDE

DU GUES CLIN,

TRAGE DI E.

Représentée en 1734, et reprise en 1765.

Théâtre. Tome II.

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