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Une meute appaifa la noife.

Le Chat dit au Renard; Fouille en ton fac, ami : Cherche en ta cervelle matoise

Un ftratagême für: Pour moi, voici le mien.
A ces mots, fur un arbre il grimpa bel & bien.
L'autre fit cent tours inutiles,

Entra dans cent terriers, mit cent fois en défaut
Tous les confreres de Brifaut,
Par-tout il tenta des alyles;

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Et ce fut par-tout fans fuccès;

La fumée y pourvut, ainsi que les Baffets. Au fortir d'un terrier deux Chiens aux pieds agiles

L'étranglerent du premier bond.

Le trop d'expédiens peut gâter une affaire: On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire :

N'en ayons qu'un, mais qu'il foit bon.

FABLE X V.

Le Mari, la Femme & le Voleur. UN mari fort amoureux,

Fort amoureux de fa femme,

Bien qu'il fût jouiffant, fe croyoit malheureux.

Tome 11.

H

Jamais œillade de la Dame,
Propos flatteur & gracieux,

Mot d'amitié, ni doux fourire,
Déifiant le pauvre Sire,

N'avoit fait foupçonner qu'il fût vraiment chéri.
Je le crois, c'étoit un mari.
Il ne tint point à l'hymenée
Que, cortent de fa deftinée >
Il n'en remerciât les Dieux.
Mais quoi? fi l'amour n'affaisonne
Les plaifirs que l'hymen nous donne,
Je ne vois pas qu'on en foit mieux.
Notre époule étant donc de la forte bâtie
Et n'ayant careffé fon mari de fa vie,
Il en faifoit fa plainte une nuit. Un voleur
Interrompit la doléance.

La pauvre femme eat fi grand peur,
Qu'elle chercha quelque assurance
Entre les bras de fon époux.

Ami voleur, dit-il, fans toi ce bien fi doux
Me feroit inconnu. Prends donc en récompenfe
Tout ce qui peut chez nous être à ta bienféance,
Prends le logis auffi. Les voleurs ne font pas
Gens honteux, ni fort délicats.
Celui-ci fit fa main. J'infere de ce conte
Que la plus forte paffion,

C'est la peur elle fait vaincre l'averfion;
Et l'amour quelquefois ; quelquefois il la
dompte.

J'en ai pour preuve cet amant,
Qui brûla sa maison pour embrasser sa Dame,
L'emportant travers la flamme.
J'aime affez cet emportement :

Le conte m'en a plû toujours infiniment :
Il est bien d'une ame Espagnole,
Et plus grande encore que folle.

FABLE XVI.

Le Tréfor & les deux Hommes.

UN

N homme n'ayant plus ni crédit, ni ref-
fource,

Et logeant le diable en fa bourse,
C'est-à-dire, n'y logeant rien,

S'imagina qu'il feroit bien

De fe pendre, & finir lui-même fa mifere, Puifqu'auffi-bien fans lui la faim le viendroit faire ;

Genre de mort qui ne duit pas

A gens peu curieux de goûter le trépas.
Dans cette intention, une vieille masure
Fut la scene où devoit fe paffer l'aventure:
Il y porte une corde, & veut avec un clou
Au haut d'un certain mur attacher le ficou.

La muraille vieille & peu forte,

S'ébranle aux premiers coups, tombe avec un tréfor.

Notre défefpéré le ramafe & l'emporte :
Laiffe-là le licou, s'en retourne avec l'or,
Sans compter : ronde ou non, la fomme plut
au fire.

Tandis que le galant à grands pas fe retire,
L'homme au tréfor arrive, & trouve fon argent

Abfent.

Quoi, dit-il, fans mourir je perdrai cette fomme ?

Je ne me pendrai pas? Et vraiment s'y ferai, Ou de corde je manquerai.

Le lacs étoit tout prêt, il n'y manquoit qu'un

homme :

Celui-ci fe l'attache, & fe pend bien & beau.

Ce qui le confola peut-être,

Fut qu'un autre eût pour lui fait les frais du cordeau.

Auffi-bien que l'argent le licou trouva maître,

L'avare rarement finit fes jours fans pleurs : Il a le moins de part au tréfor qu'il enferre, Thefaurifan pour les voleurs,

Pour fes parens, ou pour la terre. Mais que dire du troc que la Fortune fit? Ce font là de fes traits: elle s'en divertit.

Plus le tour est bisarre, & plus elle est contente.

Cette Déeffe inconftante

Se mit alors en l'efprit

De voir un homme fe pendre,
Et celui qui fe pendit,

S'y devoit le moins attendre.

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D'animaux malfaifans c'étoit un très-bon plat: Ils n'y craignoient tous deux aucun, quel qu'il pû être.

Trouvoit-on quelque chofe au logis de gâté, L'on ne s'en prenoit point aux gens du voifinage: Bertrand déroboit tout : Raton, de son côté, Etoit moins attentif aux Souris qu'au fromage.

Un jour, au coin du feu, nos deux maîtres fripons

Regardoient rôtir des marons :

Les escroquer étoit une très-bonne affaire;

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