Mais que lui fervoit-il? Quand le mal eft certain, La plainte ni la peur ne changent le deftin; Et le moins prévoyant est toujours le plus fage. FABLE XIII Tircis & Amarante. POUR MADEMOISELLE DE SILLERY. J'AVOI 'AVOIS Efope quitté, Veut revoir fur le Parnaffe Surtout quand ce font de celles Chez moi fe parlent en rime. Amenons des Bergers, & puis nous rimerons Tircis difoit un jour à la jeune Amarante Qui nous plaît & qui nous enchante! Des plus doux fentimens que puiffe avoir un cœur ? Amarante auffi-tôt replique: Comment l'appellez-vous ce mal? Quel eft fon nom? L'amour. Ce mot eft beau: dites-moi quelques marques A quoi je le pourrai connoître : que fent-on? Des peines près de qui le plaifir des Monarques Eft ennuyeux & fade on s'oublic, on se plaît Toute feule en une forêt. Se mire-t-on près d'un rivage? Ce n'est pas foi qu'on voit, on ne voit qu'une image Qui fans ceffe revient, & qui fuit en tous lieux : Pour tout le refte on eft fans yeux. Il est un Berger du village Dont l'abord, dont la voix, dont le nom fait rougir: On foupire à fon fouvenir: On ne fait pas pourquoi, cependant on foupire; On a peur de le voir encor qu'on le defire. Amarante dit à l'inftant, Oh! oh! c'eft-là ce mal que vous me prêchéz tant? Il ne m'eft pas nouveau: je pense le connoître. Quand la Belle ajouta : Voilà tout justement L'autre penfa mourir de dépit & de honte. Il est force gens comme lui, Qui prétendent n'agir que pour leur propre compte ; Et qui font le marché d'autrui. FABLE XIV. Les Obfeques de la Lionne. Auffi-tôt chacun accourut Pour s'acquitter envers le Prince Il fit avertir fa Province, Un tel jour, en tel lieu : ses Prévôts y feroient Et pour placer la compagnie. Le Prince aux cris s'abandonna ; Je définis la Cour un pays où les gens Tächent au moins de le paroître. On diroit qu'un efprit anime mille corps: C'est bien là que les gens font de fimples refforts. Pour revenir à notre affaire, Le Cerf ne pleura point : comment l'eût-il pu faire ? Cette mort le vengeoit : la Reine avoit jadis Bref il ne pleura point. Un flatteur l'alla dire, La colere du Roi, comme dit Salomon, Nos facrés ongles venez, Loups, Ce traître à fes auguftes mânes. Le Cerf reprit alors: Sire, le temps des pleurs Et je l'ai d'abord reconnue. Ami, m'a-t-elle dit, garde que ce convoi, Quand je vais chez les Dieux, ne t'oblige à des larmes. Aux champs Elyfiens j'ai goûté mille charmes, Converfant avec ceux qui font faints comme C iij moi. |