Il vint à s'ennuyer de cette trifte vie. Il aimoit les Jardins, étoit Prêtre de Flore, Ces deux emplois font beaux: mais je voudroia parmi Quelque doux & difcret ami. Les Jardins parlent peu, fi ce n'eft dans mon Livre ; De façon que laffé de vivre Avec des gens muets, notre homme un beau matin Va chercher compagnie, & fe met en campagne. Se rencontrent en un tournant. L'homme eut peur : mais comment efquiver, &. que faire ? Se tirer en Gafcon d'une femblable affaire L'Ours, très-mauvais complimenteur, Vous voyez mon logis; fi vous vouliez me faire Tant d'honneur que d'y prendre un champêtre repas, J'ai des fruits, j'ai du lait. Ce n'eft peut-être pas De Noffeigneurs les Ours le manger ordinaire, Mais j'offre ce que j'ai. L'Ours l'accepte; & d'aller. Les voilà bons amis avant que d'arriver. Artivés, les voilà, fe trouvant bien ensemble ; Et bien qu'on foit, à ce qu'il semble, Beaucoup mieux feul qu'avec des fots, Comme l'Ours en un jour ne difoit pas deux mots, L'homme pouvoit fans bruit vaquer à fon ou vrage. L'Ours alloit à la chaffe, apportoit du gibier, D'être bon émoucheur, écartoit du visage Que nous avons Mouche appellé. Un jour que le vieillard dormoit d'un profond fomme Sur le bout de fon nez une allant fe placer, Rien n'eft fi dangereux qu'un ignorant ami: FABLE X I. Les deux Amis. DEUX vrais Amis vivoient au Monomotapa : L'un ne poffédoit rien qui n'appartînt à l'autre Les amis de ce pays-là Valent bien, dit-on ceux du nôtre. Une nuit que chacun s'occupoit au fommeil, s'arme, Vient trouver l'autre, & dit: Il vous arrive peu De courir quand on dort: vous me paroiffiez homme A mieux ufer du temps deftiné pour le fomme: N'auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu ? En voici s'il vous eft venu quelque querelle, J'ai mon épée, allons: Vous ennuyez-vous point De coucher toujours feul? Une efclave affez belle Etoit à mes côtés, voulez-vous qu'on l'appelle? Non, dit l'ami, ce n'eft ni l'un ni l'autre point: Je vous rends grace de ce zele. Vous m'êtes, en dormant, un peu trifte apparu ; J'ai craint qu'il ne fût vrai, je fuis vîte accouru. Ce maudit fonge en eft la cause. Qui d'eux aimoit le mieux, que t'en semble, Cette difficulté vaut bien qu'on la propose. De les lui découvrir vous-même. Un longe, un rien, tout lui fait peur Leur divertiffement ne les y portoit pas ; On s'en alloient les vendre, à ce que dit l'Hif toire : Le Charton n'avoit pas deffein De les mener voir Tabarin. Dom Pourceau crioit en chemin, Comme s'il avoit eu cent Bouchers à fes trouffes: C'étoit une clameur à rendre les gens fourds. Les autres animaux, créatures plus douces Bonnes gens, s'étonnoient qu'il criât au fecours: Ils ne voyoient nul mal à craindre. Le Charton dit au Porc: Qu'as-tu tant à te plaindre ? Tu nous étourdis tous, que ne te tiens-tu coi ? Regarde ce Mouton : a-t-il dit un feul mot? Crieroit tout du haut de fa tête. Ils pensent qu'on les veut feulement décharger. Mais quant à moi qui ne suis bon Dom Pourceau raisonnoit en fubtil personnage : |