Et vu chacun en fentinelle, S'écria: Quoi, ces gens fe moqueront de moi ! Eux feuls feront exempts de la commune loi ! Non, par tous les Dieux, non. Il accomplit fon dire. La Lune alors luifant, fembloit contre le Sire Tant de différens perfonnages. Il élevoit fa queue, il la faifoit briller, Pendant quoi nul Dindon n'eût ofé fommeiller. Les pauvres gens étant à la longue éblouis, pris: Autant de mis à part: près de moitié fuc combe, Le compagnon les porte en fon garde-manger. Le trop d'attention qu'on a pour le danger Tome II. FABLE XIX. Le Singe. IL eft un Singe dans Paris A qui l'on avoit donné femme: Le pere en rit, fa femme eft morte, Que l'on croit qu'il battra toujours. FABLE X X. Le Philofophe Scythe, UN Philofophe auftere, & né dans la Scythie, Se propofant de fuivre une plus douce vie, Voyagea chez les Grecs, & vit en certains lieux Un Sage affez femblable au Vieillard de Virgile, Homme égalant les Rois, homme approchant des Dieux, Et, comme ces derniers, fatisfait & tranquille. Laiffez agir la faux du Temps: Ils iront affez-tôt border le noir rivage. Le Scythe retourné dans sa trifte demeure, Prend la ferpe à son tour, coupe & taille à toute heure : Confeille à fes voisins, prescrit à fes amis Un univerfel abattis. Il ôte de chez lui les branches les plus belles, Il tronque fon Verger contre toute raison, Sans observer temps ni faifon, Lunes ni vieilles ni nouvelles. Tout languit & tout meurt, Ce Scythe exprime bien Sij Un indifcret Stoicien. Celui-ci retranche de l'ame Defirs & paffions, le bon & le mauvais, FABLE XXI. L'Eléphant & le Singe de Jupiter. AUTREFOIS l'Eléphant & le Rhinocéros, En difpute du pas & des droits de l'Empire, Voulurent terminer la querelle en champ clos. Le jour en étoit pris, quand quelqu'un vint leur dire Que le Singe de Jupiter, Portant un caducée, avoit paru dans l'air. Qu'en qualité d'Ambaffadeur Il venoit trouver fa Grandeur. Il attend maître Gille, & le trouve un peu lent A lui préfenter fa créance. Va faluer fon excellence. Qu'il croyoit que les Dieux euffent à fa querelle, Qu'on foit Mouche ou bien Eléphant ? Il fe vit donc réduit à commencer lui-même. Mon coufin Jupiter, dit-il, verra dans peu Un affez beau combat de fon trône fuprême : Toute la Cour verra beau jeu. Quel combat? dit le Singe, avec un front févere. L'Eléphant repartit: quoi, vous ne favez pas Que le Rhinocéros me difpute le pas ? Qu'Eléphantide a guerre avecque Rhinocere? Vous connoiffez ces lieux ils ont quelque renom. Vraiment je fuis ravi d'en apprendre le nom, Repartit maître Gille; on ne s'entretient guere De femblables sujets dans nos vaftes lambris. L'Eléphant honteux & furpris, Lui dit, & parmi nous, que venez - vous donc faire ? Partager un brin d'herbe entre quelques fourmis. Nous avons foin de tout : & quant à votre af faire, |