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RACINE (Jean), l'honneur de la poésie française, naquit à la Ferté-Milon en 1639. Dès son enfance il fut mis à Port-Royal-des-Champs, où les célèbres Le Maître et Lancelot prirent un soin particulier de son éducation. Le dernier lui enseigna le grec, et le mit bientôt en état d'entendre les tragédies de Sophocle et d'Euripide, pour la lecture desquelles son élève se passionna. En 1660 Racine composa, au sujet du mariage du Roi, l'ode intitulée la Nymphe de la Seine, qui, jugée la meilleure de toutes celles que publièrent les poètes du temps, lui mérita la protection de Colbert, et donna une haute idée de ce qu'il serait un jour. Ayant perdu son père et sa mère, il se retira à Usez chez un de ses oncles, chanoine et vicaire général, qui lui résigna un prieuré de son ordre. Un procès et l'intrigue lui firent perdre ce prieuré ; ce qui lui donna occasion de composer la comédie des Plaideurs qu'il fit dans la compagnie, et assisté de Despréaux, de La Fontaine, de Chapelle et des plus spirituels seigneurs de la cour. Le sceptre de la scène française était alors tenu par Corneille. Le caractère de grandeur que ce poète sublime avait imprimé à ses personnages semblait défier le pinceau de quiconque oserait marcher sur ses traces; s'élancer dans la carrière que Corneille avait parcourue à pas de géant semblait être le comble de l'audace. Racine, guidé par son génie,

vement à ces définitions, je dirai que les Italiens emploient l'expression suivante : Star in bada senza far nulla, qui signifie niaiser; il est possible que le mot badaud en dérive. Les Espagnols en ont fait le mot Badajo.

sans chercher à imiter celui que tout le monde regardait comme inimitable, se fit une route nouvelle; il entra pour ainsi dire dans le cœur humain et s'en rendit le maître. Il remplit ses chefs-d'œuvre des grands mobiles qui agitent profondément les hommes, la terreur, la pitié et l'amour; il fit verser de douces larmes, et le public équitable sans cesser d'admirer la majesté du génie de Corneille, se plut à rendre hommage aux grâces sublimes et touchantes de Racine. A un talent prodigieux pour la poésie, Racine unissait celui de l'éloquence, qui le fit choisir par Louis XIV pour travailler à l'histoire de son règne. On lui a reproché que ses pièces et ses personnages respiraient trop l'amour. Sans le justifier pleinement à cet égard, il faut remarquer que Racine, né avec un cœur ardent et passionné, se conformait au goût du temps où il écrivait, et surtout à celui de la cour de France, qui ne connaissait alors d'autres charmes pour plaire que l'amour et la galanterie. Racine était d'une taille médiocre; il avait une physionomie agréable, le nez pointu, ce qui, selon Horace, est le signe d'un esprit enclin à la raillerie; il était, en effet, railleur jusqu'au sarcasme, défaut que sa piété lui fit modérer dans ses dernières années. Un abcès qui s'était formé au foie causa la mort de Racine; il expira en proie à des douleurs atroces, que sa résignation et ses sentimens religieux lui aidèrent à supporter. Il était alors âgé de soixante ans. Les quatre vers que Boileau composa pour être mis au bas du portrait de Racine sont l'éloge le plus vrai, et le

plus parfait que l'amitié pouvait faire de ce grand poète.

1.

2.

Du théâtre Français, l'honneur et la merveille,

Il sut ressusciter Sophocle en ses écrits,

Et dans l'art d'enchanter les cœurs et les esprits,
Surpasser Euripide et balancer Corneille.

J'ai vu l'impie adoré sur la terre;

Pareil au cèdre, il cachait dans les cieux
Son front audacieux.

Il semblait à son gré gouverner lé tonnerre,
Foulait aux pieds ses ennemis vaincus,
Je n'ai fait que passer, il n'était déjà plus.

(Chœur d'ESTHER.)

Détestables flatteurs, présent le plus funeste
Que puisse faire aux rois la colère céleste. (PHEDRE.)
Le bonheur des méchans comme un torrent s'écoule.

3.

(ATHALIE.)

4.

Celui qui met un frein à la fureur des flots
Sait aussi des méchans arrêter les complots.

(Id.)

5.

6.

7.

8.

9.

L'amour n'est pas un feu qu'on renfermejen une âme :
Tout nous trahit, la voix, le silence, les yeux,
Et les feux mal couverts n'en éclatert que mieux.

(ANDROMAQUE.)

Un bienfait reproché tient toujours lieu d'offense.

(BÉRÉNICE.)

Si Titus est jaloux, Titus est amoureux.
Et ton nom (Néron) paraîtra dans la race future
Aux plus cruels tyrans une cruelle injure.

(BRITANNICUS.)

(Id.)

La douleur est injuste, et toutes les raisons
Qui ne la flattent pas aigrissent ses soupçons.
10. Tout Picard que j'étais, j'étais un bon apôtre,
Et je faisais claquer mon fouet tout comme un autre.
(LES PLAIDEURS.)

11. Ma foi sur l'avenir bien fou qui se fiera;

(Id.)

Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.
12. Mais sans argent l'honneur n'est qu'une maladie. (Id.)

13. Point d'argent, point de suisse, et ma porte était close. (Id.)

14. On apprend à hurler, dit l'autre, avec les loups. (LES PLAID.) 15. Qui veut voyager loin, ménage sa monture.

16. Pour dormir dans la rue on n'offense personne. (Id.)

(Id.)

17. Oh! dame! on ne court pas deux lièvres à la fois. 18. Enfin quand une femme en tête a sa folie.

(Id.) (ld.)

FIN DU SECOND VOLUME.

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