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paleur. Il montra ces sentimens après sa vic- CHAP. XIX. toire, et il disposa de toute la partie de la famille de François Sforza qui étoit tombée entre ses mains, d'après cette dureté impitoyable, avec laquelle la médiocrité se venge du génie, quand la fortune lui devient favorable. Parmi les prisonniers du roi se trouvoient deux fils du grand François Sforza, Louis-le-Maure et Ascagne, un neveu légitime, Hermès, et deux bâtards, Alexandre et Contino, tous trois fils de Galéas, enfin un pelit neveu, François, fils de Jean Galéas et d'Isabelle d'Aragon, que celle-ci avoit eu l'imprudence de remettre à Louis XII. Le roi contraignit ce dernier à revêtir en France l'habit monastique (1). Il fit enfermer le cardinal Ascagne dans la même tour de Bourges où luimême avoit été deux ans prisonnier. Il fit jeter les trois fils de Galéas dans une prison obscure. Louis-le-Maure, plus dangereux qu'eux tous, par ses grands talens, son éloquence, son esprit insinuant, le souvenir de son père, et la compassion qu'inspiroient sa fortune et ses malheurs, fut amené à Lyon où se trouvoit alors le roi. Il fut introduit dans cette ville en plein midi, au milieu d'une foule infinie, qui se réjouissoit de sa misère; il demanda avec instance

(1) Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 247. Raynald. Annal. eccles. 1499, S. 24, p. 485. Diario Ferrarese. T. XXIV, p. 384

CHAP. XCIX.

à voir le roi, mais cette grâce lui fut refusée; et 1500. après avoir été transféré de Pierre-en-Scise au Lis Saint-George, il fut enfermé dans le château

de Loches, où il finit ses jours après dix ans de captivité, de solitude absolue, de rigoureux traitemens et de douleurs (1).

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(1) Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 252. Chronica Veneta. T. XXIV, p. 161. - Uberti Folieta Genuens. hist. Lib. XII, p. 675. — P. Bizarro Sen. Populique Genuens. hist. Lib. XVI, P. 378. Fr. Belcarii Comm. Rer. Gall. Lib. VIII, p. 241. Orlando Malavolti storia di Siena. Parte III, L. VI, f. 106 v. Mémoires du chevalier Bayard. Ch. XVI, T. XV des Mémoires pour servir à l'hist. de France, p. 1. — Ag. Giustiniani Ann. di Genova. Lib. V, f. 256. — Arnoldi Ferroni. Lib. III, P. 41.

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CHAPITRE C.

Conquête de la Romagne et invasion de la Toscane par César Borgia. - Alliance de Louis XII avec Ferdinand-le-Catholique contre don Frédéric d'Aragon. Ils se partagent le royaume de Naples.

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L'ÉGLISE avoit pour chef, à la fin du quinzième siècle, l'homme le plus immoral de la chrétienté, un homme qu'aucune pudeur ne contenoit dans ses débauches, qu'aucune bonne foi ne lioit dans ses traités, qu'aucun sentiment de justice n'arrêtoit dans sa politique, qu'aucune compassion ne modéroit dans ses vengeances. Ce prêtre, qui prétendoit encore être le défenseur de la foi et le vengeur des hérésies, n'avoit pas plus de respect pour la religion dont il étoit le premier pontife, que pour les choses humaines. Il scandalisoit les fidèles par des décisions contraires aux lois reconnues de son Eglise, autant que par sa conduite. Les divorces des princes, les voeux des prélats, les trésors destinés par les chrétiens à la guerre sacrée, tout étoit à ses yeux subordonné à la

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politique, tout étoit sacrifié au moindre avantage temporel ou de lui-même, ou de son fils.

Mais si quelque chose peut justifier, ou expliquer du moins cette profonde immoralité du souverain de Rome, c'est la déplorable corruption du pays soumis à son gouvernement. L'état de l'Eglise étoit peut-être alors, de tous les pays de la terre, le plus mal administré : chaque jour tant d'exemples de brigandage, de perfidie et de férocité se renouveloient, l'habitude de les voir répéter avoit tellement diminué l'hor"reur qu'ils sont faits pour inspirer, que la morale publique avoit perdu une de ses plus grandes garanties, dans l'étonnement et l'effroi, que devroient toujours causer la violation de ses règles fondamentales.

La partie du territoire de l'Eglise qui est plus rapprochée de Rome, avoit passé presqu'en, entier sous la domination de deux puissantes, familles, Orsini et Colonna. Les Orsini étendoient surtout leur domination sur le patrimoine de Saint Pierre, à l'occident du Tibre; les Colonna, sur la Sabine et la Campagne de. Rome, à l'orient et au midi du même fleuve. Les premiers étoient considérés comme chefs des Guelfes, les seconds des Gibelins; et ces noms de factions, qui ne désignoient plus des, opinions opposées, mais seulement le souvenir d'anciennes haines, donnoient cependant plus..

d'acharnement à toutes les querelles qui ensanglantoient Rome et son territoire. Toute la noblesse se rangeoit encore sous ces deux étendards; les Savelli et les Conti suivoient d'ordinaire le parti Gibelin; les Vitelli, celui des Guelfes.

Ces familles avoient fondé leur puissance sur la profession des armes et l'amour des soldats, tandis que les gouvernemens avoient imprudemment abandonné la défense de l'état à des mercenaires. Tous les Orsini et tous les Colonna, tous les Savelli, tous les Conti, tous les Santa Croce, tous les nobles feudataires romains enfin étoient condottièri: chacun d'eux avoit sous ses ordres une compagnie de gendarmes plus ou moins nombreuse, qui lui étoit absolument dévouée; chacun traitoit séparément avec les rois, les républiques ou les papes, pour se mettre à leur service; chacun, pendant les intervalles de repos que lui laissoient les guerres étrangères, se retiroit dans un de ses châteaux, le fortifioit avec soin, et s'efforçoit d'aguerrir ses vassaux, pour trouver parmi eux des recrues. Ainsi, plus une famille comptoit de jeunes chefs, plus elle se sentoit puissante.

Les guerres fréquentes et acharnées des Colonna avec les Orsini, avoient absolument chassé les agriculteurs de la campagne. Tous les

CHAP. C.

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