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douze cents hommes d'armes, autant de che- CHAP. XCIX. vau-légers, et trois mille fantassins. Lucio Malvezzi l'accompagna, et bientôt le bruit de son évasion s'étant répandu dans Alexandrie, les soldats ne songèrent plus qu'à s'enfuir ou se cacher, et toute l'armée se dissipa (1).

Les Français entrèrent dans Alexandrie le matin suivant ; ils dévalisèrent les soldats italiens qu'ils y trouvèrent encore, et ils livrèrent la ville au pillage. Cependant San-Sévérino, pour excuser sa fuite, publioit qu'il avoit reçu des ordres pressans de Louis-le-Maure de revenir à Milan. Quelques-uns crurent que les lettres qu'il alléguoit avoient été falsifiées par son frère le comte de Caiazzo; et dans le désordre universel, on ne put point éclaircir s'il étoit perfide ou trompé, aussi Louis-le-Maure ne lui retira point sa confiance. Cependant les Français avoient passé le Pô, ils attaquèrent Mortara, et ils reçurent la capitulation de Pavie avant d'être arrivés jusqu'aux portes de cette ville. En même temps les Vénitiens s'étoient rendus maîtres de la forteresse de Caravaggio, et leurs avant-postes arrivoient jusqu'à Lodi. Une fermentation extrême régnoit dans toutes les villes de Lombardie, et à Milan même, le peuple déjà soulevé, tua en plein midi Antoine Lan

(1) Franc. Guicciardini. Lib. IV, p. 228. - Petri Bembi hist, Ven. Lib. IV, p. 87.— Chronica Veneta. T. XXIV, p. 99.

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driano, trésorier du duc, comme il sortoit du château (1). Sforza sentant l'impossibilité de se maintenir plus long-temps, fit partir ses enfans pour l'Allemagne, sous la garde de son frère le cardinal Ascagne, avec les restes de son trésor, alors réduit à 240,000 ducats. Il tira de captivité François Sforza, fils de Jean Galéaz, son neveu et son prédécesseur, et il le remit à sa mère, Isabelle d'Aragon, en la pressant cependant de le soustraire à la jalouse défiance de Louis XII. Isabelle, à qui il montroit une affection tardive, le craignoit plus encore que ses ennemis au lieu de passer en Allemagne, elle préféra attendre les Français, et remettre son fils entre leurs mains; mais ces vengeurs qu'elle. avoit invoqués se montrèrent bientôt plus cruels encore pour elle, que l'usurpateur auquel elle se félicitoit d'avoir échappé (2).

Louis-le-Maure fit entrer dans le château de Milan, qu'on regardoit comme presque imprenable, des provisions et des munitions de guerre. qui suffisoient pour soutenir un long siége. II en porta la garnison à trois mille fantassins, sous des officiers choisis avec soin : il en donna le commandement à Bernardino de Corte, natif de Pavie, qu'il avoit élevé, et en qui il avoit tant

(1) Josephi Ripamontii hist. Urbis Mediolani. Lib. VII, p. 659.

(2) Idem. Lib. VII, p. 65g.

de confiance qu'il le préféra à son frère Ascagne, CHAP. XCIX. encore que celui-ci se fût offert à s'enfermer 1499. dans le château. Il laissa le commandement de Gênes à Agostino et Giovanni Adorno; il distribua des grâces aux principaux gentilshommes de Milan, et le 2 septembre, il sortit de sa capitale, sous la protection d'un petit corps de troupes que commandoient Galéaz de SanSévérino, et Lucio Malvezzi; il prit par la Valteline la route de l'Allemagne (1). Cependant à peine étoit-il sorti du château de Milan, que le comte de Caiazzo s'approcha de lui, pour lui déclarer, que puisqu'il abandonnoit ses états, il dégageoit par là ses soldats de leur serment de fidélité, et les laissoit maîtres de pourvoir à leur propre sûreté. En même temps il arbora les étendards de France, et avec cette même troupe formée aux dépens du duc de Milan, il suivit ce prince en ennemi, jusqu'à ce qu'il fût sorti de ses états. Sforza arrivé à Como, s'embarqua sur le lac, pour Bellagio, d'où il se rendit à Bormio, et ensuite à Inspruck (2).

(1) Jacopo Nardi hist. Fior. Lib. III, p. 104. Josephi Ripamontii. Lib. VII, p. 65g. — Arnoldi Ferroni. Lib. III, p. 38. (2) Fr. Guicciardini. L. IV, p. 230. Burchardi Diarium. T. V, p. 580. Raynald. Annal, eccles. 1499, §. 17, p. 582. Chronica Ve-.

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Petri Bembi hist. Veneta. Lib. IV, p. 88.

neta. T. XXIV, p. 100.

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Barth. Senarega de reb. Genuens.

T. XXIV, p. 568. - Fr. Belcarii Comın. Lib. VIII, p. 235,

TOME XIII.

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CHAP. XCIX.

Les Français s'avançoient rapidement pour 1499. profiter du soulèvement de la Lombardie et de la terreur de la famille Sforza. A six milles de Milan, ils trouvèrent des députés de cette ville, qui venoient leur offrir les clefs de ses portes, en se réservant cependant de traiter avec le roi lui-même, lorsqu'il viendroit prendre possession de ses nouveaux états. Crémone déjà assiégée par les Vénitiens, offrit aussi aux Français de se rendre à eux; mais ceux-ci renvoyèrent les députés de cette ville aux généraux de la république. Gênes se soumit avec la même rapidité; les Adorni et Jean-Louis de Fieschi se disputant à qui montreroit plus d'empressement pour la France. Enfin le commandant du château de Milan, que Sforza avoit choisi entre tous les siens, pour lui confier cette place importante, n'attendit pas même le premier coup de canon; le douzième jour depuis l'arrivée des Français, il leur rendit sa forteresse, moyennant une grosse somme d'argent; mais ceux mêmes qui l'avoient corrompu lui témoignèrent tant de mépris, que ne pouvant supporter l'opprobre où il s'étoit plongé, il mourut désespéré peu de jours après (1).

La conquête du duché de Milan n'avoit coûté

(1) Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 231.- Jacopo Nardi hist. Fior. Lib. III, p. 105.—Petri Bembi hist. Ven. Lib. IV, p. 88. Ag. Giustiniani Cron. di Genova. Lib. V, f. 255.

aux Français que vingt jours. Le peuple, fatigué du gouvernement auquel il avoit été soumis jusque alors, s'étoit rangé de lui-même sous le joug des étrangers. Louis XII, averti de l'accueil qu'on avoit fait à ses capitaines, se hâta de passer en Italie, pour prendre possession de sa nouvelle conquête. A son approche, tous les ordres de citoyens s'avancèrent jusqu'à trois milles de Milan pour le recevoir : quarante enfans revêtus de drap d'or et de soie le précédèrent à son entrée; ils chantoient des hymnes devant lui, en l'appelant le grand roi et le libérateur de leur patrie. Les sénateurs, les juges, le clergé, la noblesse, les marchands, s'empressoient tous autour de Louis XII, comme s'il apportoit à leur pays la paix et la liberté (1).

Le premier soin de Louis XII fut de s'affermir dans sa possession nouvelle, par des traités avec les états d'Italie ses voisins. Il trouva dans sa capitale des ambassadeurs de tous ces états, à la réserve du seul roi de Naples don Frédéric. Il accueillit avec faveur le marquis de Mantoue, auquel il savoit gré de n'être pas entré au service de Louis Sforza; mais avant de consentir à recevoir sous sa protection le duc de Ferrare ou Jean Bentivoglio, seigneur de Bologne, il exigea d'eux le payement de sommes considé

(1) Nauclerus. Lib. II, apud Raynald. Annal. eccles. 1499, §. 20, p. 483.

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