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СНАР. СІІ.

évacuer. Le reste de l'Italie se reposa avec 1504. crainte, ne pouvant croire que la trève, signée à l'abbaye de Notre-Dame de la Méjorade, mit fin à des inimitiés aussi violentes, et ne reconnoissant point dans le partage des états qu'avoit établi la force, une balance de pouvoir qui put maintenir long-temps la tranquillité (1).

(1) Fr. Guicciardini. L. VI, p. 341. — N. Macchiavelli Legaz. seconda alla corte di Francia. Lett. I et seq. p. 501 et seq. Jacopo Nardi stor. Fior. Lib. IV, p. 160.— Fr. Belcarii Comm. Rer. Gallic. Lib. X, p. 283. On voit par une lettre de Nicolas Valori à la seigneurie, que la ratification de la trève étoit arrivée à la cour de France, à Lyon, dès le 11 février; cependant Léonard, T. II, la rapporte au 31 mars. Legazione di Nicolo Macchiavelli alla corte di Francia. Lett. IX et X, p. 533.

CHAPITRE CIII.

Repos et servitude de l'Italie; petites guerres en Romagne et en Toscane; Jules II soumet à l'Église les villes de Pérouse et de Bologne.

1504 1506.

LA trève signée entre les rois de France et CHAP. CIII. d'Espagne, au mois de février 1504, avoit rendu 1504. le repos à l'Italie, puisque ces deux puissans monarques pouvoient dès lors décider du sort de cette contrée sans la consulter, et que les petits états italiens, soumis désormais à la politique ultramontaine, attendoient la permission de leurs alliés pour prendre ou pour poser les armes. Quelque humiliante, quelque triste et précaire que fût cette paix, elle fut reçue avec joie par les peuples; leur épuisement et la lassitude de leurs souverains la rendoient nécessaire. Il leur falloit du temps pour rassembler de, nouvelles forces, qu'ils useroient dans de nouveaux combats: il falloit du temps aussi pour qu'on pût oublier les maux funestes de la guerre, et qu'on osât recourir à ce remède terrible, mais passager, de maux permanens. Les premiers mois de paix rendent aux forces vi

CHAP. CII. tales d'une nation leur action long-temps sus

1504

СІп.

pendue; l'agriculture, les manufactures, le commerce renaissent d'eux-mêmes; le pouvoir retourne des commandans militaires aux magistrats et aux tribunaux civils, dont le joug paroît plus léger : si l'on éprouve encore quelques vexations, on les regarde comme les conséquences de l'état dont on vient de sortir, et non de celui dans lequel on entre; le retour des habitudes long-temps suspendues rappelle à chaque homme son enfance, sa jeunesse ou des temps plus heureux. On croit entrer dans une ère nouvelle de prospérités; et l'imagination dépassant les bornes même du possible, le peuple demande à la paix la restitution de tout ce que lui a ôté la guerre; il veut qu'elle réalise tous ses rêves et tous ses souvenirs non moins fantastiques qu'eux. Cependant les mois s'écoulent, et l'âge avancé ne retrouve point les jouissances de la jeunesse ; les fortunes dissipées par la guerre ne renaissent point en un clin d'oeil ; les impôts qu'elle a fait augmenter ne sont point supprimés, tandis les abus de la paix reparoissent bien plus rapidement que les institutions utiles. Les puissans laissent entrevoir leurs projets d'usurpation, les intrigans s'élèvent à la faveur et à l'importance; la force qui devroit être protectrice devient hostile pour la société ; et le peuple sentant enfin les chaînes dont on

que

le charge, désire de nouveau les rompre par la CHAP. CHI guerre, quelque terrible et quelque douloureuse 1504. qu'elle soit.

Aucun des états de l'Italie n'avoit obtenu par la trève, ou ne pouvoit espérer par la paix qu'on négocioit encore, ce qui sans doute avoit été le but de ses désirs avant le commencement des hostilités, un gouvernement conforme aux intérêts du peuple. Le royaume de Naples, déchu de son indépendance, étoit soumis à une nation étrangère, et gouverné par un vice-roi ; le duché de Milan avoit de même perdu son indépendance et ses anciens souverains. Les Espagnols n'étoient pas plus aimés dans les régions du midi de l'Italie, que les Français dans celles du nord. Tous deux offensoient égale→ ment la nation soumise, par leurs mœurs étrangères, et par l'insolence de leurs mépris. Les mécontens qui, en 1494, avoient désiré avec ardeur une révolution, et avoient secondé les armes qui devoient l'opérer, n'avoient obtenu nulle part une réforme qui les dédommageât de toutes leurs souffrances. Cependant leurs forces étoient épuisées comme leurs espérances déçues, et ils se soumettoient à une tyrannie pire que celle qu'ils avoient voulu renverser, pour acheter à ce prix quelque intervalle de repos.

La république de Venise n'avoit pris presque aucune part à la guerre qui, pendant dix ans,

1504.

CHAP. CII. avoit ravagé toute l'Italie; elle avoit échappé à ses calamités, et la prospérité de son territoire excitoit l'envie des peuples voisins, qui avoient vu piller leurs villes et ravager leurs campagnes. Pendant ces dix ans, elle avoit acquis le Crémonois dans le duché de Milan, trois ou quatre forteresses en Pouille, et deux petits états en Romagne, tandis que ses pertes en Morée et en Dalmatie avoient été à peu près équivalentes. Au milieu de révolutions aussi importantes que celles qui avoient rempli ces dix années, de si petites conquêtes ne sembloient pas avoir assez de valeur pour exciter vivement la jalousie des autres états; mais les Vénitiens étoient seuls heureux au milieu d'une nation souffrante, et les autres Italiens ne pouvoient leur pardonner de n'avoir pas partagé les revers communs. Le pape ne songeoit qu'à exciter contre eux les Ultramontains, dont il auroit dû plutôt chercher à délivrer l'Italie; les Florentins, qui avoient eu à se plaindre des Vénitiens, désiroient leur ruine; et Macchiavel, l'habile Macchiavel, en mission à la cour de France, souffloit le feu de la vengeance, et se réjouissoit de voir Maximilien, Louis XII et Ferdinand projeter déjà le partage des états de la seule république qui pût maintenir à l'Italie son indépendance (1).

(1) Seconda Legazione di Nicolo Macchiavelli alla corte di

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