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CHAP. CI. moient à leur approche, et à peine pouvoient1503. ils obtenir, à force de prières et d'argent, qu'on leur tendît du haut des murs, avec des cordes, quelques vivres dans des corbeilles. Ives d'Allègre s'étant arrêté un seul jour à Atripalda, prit la route de Naples ; mais en approchant de cette ville, il apprit bientôt qu'elle s'étoit soulevée, et que la garnison qu'il y avoit laissée s'étoit enfermée dans les châteaux avec les trésoriers du roi, les magistrats français et les partisans plus déclarés de la France. Il tourna alors vers Capoue et Suessa, et sans s'arrêter dans l'une ou l'autre de ces villes, il poursuivit jusqu'à Gaète, et il rassembla les débris de l'armée française entre cette forteresse et Tragitto (1).

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Les Espagnols' vainqueurs s'avançoient dans tous les sens sur les traces des fuyards, et occupoient toutes les provinces du royaume. Fabrice Colonna marchoit sur l'Aquila, et soumettoit les Abruzzes; Prosper Colonna se faisoit ouvrir les portes de Capoue et de Suessa, et se rendoit maître de la Campagna Felice, chassant les Français au-delà du Garigliano. Toutes les villes de la Pouille et de la Capitanate, instruites les premières de la victoire, avoient aussi les pre

(1) Pauli Jovii Vita Consalvi. Lib. II, p. 224. — Alfonso de Ulloa Vita di Carlo V. L. I, f. 28 v. - Fr. Guicciardini. L. V, p. 304.

mières fait leur soumission au vainqueur. Les Calabres avoient embrassé le même parti dès la nouvelle de la bataille de Séminara. D'Aubigny se défendoit encore dans le fort d'Angitula; mais quand il fut instruit à n'en pouvoir douter du désastre de ses compagnons d'armes, il capitula, se dévouant seul à demeurer prisonnier de guerre, tandis que tous les soldats qui servoient sous ses ordres eurent la liberté de retourner en France (1).

Gonzalve de Cordoue reçut à Acerra des députés napolitains qui venoient lui porter les clefs de leur ville, et lui demander la confirmation de ses privilèges; il la promit au nom de son maître. Il fit le 14 mai son entrée solennelle dans la capitale du royaume. Le lendemain il reçut au nom du roi Ferdinand le serment des six seggi ou tribus, qui représentoient la noblesse et le peuple de Naples. Les deux châteaux dans lesquels les Français s'étoient retirés, et qu'on étoit accoutumé à voir opposer la plus longue résistance aux armées qui les assiégeoient, succombèrent en peu de jours aux attaques de Piétro Navarra qui, le premier, avoit introduit à la guerre l'art de faire jouer des mines avec la poudre, et qui, par ces explosions inattendues, avoit inspiré aux soldats

(1) Pauli Jovii Vila magni Consalvi. L. II, p. 224. — Raynaldi Annal. eccles. 1503, §. 6, p. 540.

СНАР. С1.

1503.

CHAP. CI. ennemis une terreur que leurs chefs n'avoient 1503. point pu vaincre. Lorsque le 11 juin le jeu des

mines de Navarra renversa une moitié des murailles du château Neuf, sur leurs défenseurs, et ouvrit aux Espagnols une effroyable brèche par laquelle ils montèrent à l'assaut, Gonzalve de Cordoue abandonna à ses soldats tout le pillage des riches magasins qui y avoient été rassemblés, et des trésors qu'on avoit cru y mettre en sûreté. Cependant à peine ce pillage étoit-il achevé que beaucoup de soldats accoururent auprès de Gonzalve pour se plaindre qu'ils n'y avoient eu aucune part. « Pour >> vous dédommager, allez piller mon propre >> palais », leur dit gaîment le général; et en effet, celui où il avoit été logé, et qui appartenoit au prince de Salerne, fut immédiatement pillé par les Espagnols (1).

Le château de l'OEuf, bâti sur un roc isolé, au pied du promontoire de Sant-Elmo, et au milieu des flots, fut pris vingt-un jours après le château Neuf, et par les mêmes moyens. L'explosion renversa une partie du rocher sur la chapelle, où dans ce moment même le commandant du fort avoit assemblé un conseil de

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(1) Pauli Jovii Vita magni Consalvi. Lib. II, p. 225. Alfonso de Ulloa Vita di Carlo V. L. I, f. 29. Jacopo Nardi. L. IV, p. 150. Fr. Guicciardini. L. VI, p. 307. Fr. Belcarii. Lib. IX, p. 269,

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1503.

guerre; presque tous ceux qui y assistoient fu- CHAP. CL. rent écrasés par les débris de la montagne. Le royaume entier se trouva ainsi soumis aux Espagnols, à la réserve de Gaète où s'étoient réunis les restes de l'armée française; de Santa-Sévérina, où le prince de Rossano étoit assiégé, et de Vénosa, où Louis d'Ars s'illustra par une longue et valeureuse résistance (1).

(1) Pauli Jovii Vita magni Consalvi. L. II, p. 228. — Alf. de Ulloa l'ita di Carlo V. L. I, f. 3o v. Fr. Guicciardini. Summonte istorie di Napoli. L. VI, c. IV,

L. VI, p. 308. p. 553.

CHAP. CII.

CHAPITRE CII.

Guerre des Vénitiens avec les Turcs. Mort
d'Alexandre V1. Élection de Pie III et de
Jules II. Revers de Valentinois; défaite des
Français au Garigliano. Trève entre la
France et l'Espagne.

ES

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Les deux plus importantes révolutions que
pût éprouver l'Italie, l'expulsion de la dynastie
des Sforza, et celle de la branche bâtarde
d'Aragon, la conquête du Milanez par les Fran-
çais, et celle du royaume de Naples par les
Espagnols, s'étoient accomplies sans que le plus
puissant et le plus sage des états italiens, sans
que la république de Venise pût prendre part à
l'une ou à l'autre. Venise s'étoit, il est vrai, enga-
gée dans une alliance nominale avec Louis XII,
contre la maison Sforza, mais sans s'associer
activement à la guerre. Elle n'étoit point in-
tervenue dans le traité de partage du royaume de
Naples à Grenade; elle n'avoit point défendu
la maison d'Aragon, ou contribué à la préci-
piter du trône; elle étoit demeurée étrangère à
la
guerre qui avoit éclaté
presque immédiate-

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