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СКАР. СІ.

Dans le temps même que la guerre entre la 1503. France et l'Espagne prenoit dans le royaume de Naples une nouvelle activité, l'archiduc Philippe d'Autriche, fils de Maximilien, et gendre de Ferdinand et Isabelle, traversoit la France pour se rendre dans sa souveraineté des Pays-Bas. Peu de mois auparavant il avoit accompagné sa femme, pour la première fois, à la cour d'Espagne; il en étoit reparti abruptement le 22 décembre 1502, laissant Ferdinand jaloux de lui, Isabelle mécontente de son manque d'égard pour sa fille, et Jeanne, dont la seconde grossesse étoit avancée, dans un état de désespoir qui troubla sa raison. Philippe, à son entrée en France, y fut accueilli avec le respect qu'on lui avoit prodigué dès son premier passage. Il désiroit la paix pour l'avantage de ses états des Pays-Bas; il la désiroit encore pour augmenter son crédit à la cour de Castille, et il entreprit avec empressement de s'en faire le médiateur. Deux ambassadeurs des rois d'Aragon et de Castille l'accompagnoient; ils intervinrent aux conférences que Philippe eut avec Louis XII, et le 5 avril ils signèrent avec eux, à Lyon, un traité de paix entre les deux monarchies. Tous les droits de la France au royaume de Naples devoient être donnés pour dot à madame Claude

T. I, p. 457. — Fr. Guicciardini. Lib. V, p. 299. - Fr. Belcarii.
L. IX, p. 264. — Jacopo Nardi. Lib. IV, p. 149.

1505.

de France, fille de Louis XII, que Charles, fils CHAP. CT. de Philippe, et depuis Charles-Quint, devoit épouser. Les deux époux enfans devoient être déclarés roi et reine de Naples; mais jusqu'à la consommation de ce mariage, le traité de partage de Grenade devoit recevoir son exécu-tion (1).

Cette convention paroissoit mettre fin à la guerre à des conditions équitables, mais dont tout l'avantage étoit pour l'Espagne, puisque l'objet en contestation étoit cédé en entier à l'héritier de cette monarchie. Aussi Philippe avoitil montré beaucoup d'empressement pour conclure; et comme les pouvoirs qu'il avoit produits étoient illimités, Louis XII ne douta pas que le traité de Lyon ne fût ratifié ; il ne songea plus à faire passer des secours à ses lieutenans en Italie, auxquels il se contenta de recommander d'éviter tout engagement, jusqu'à ce que l'échange des ratifications mit un terme définitif aux hostilités. Mais Gonzalve de Cordoue, après avoir été si long-temps confiné dans un angle du royaume de Naples, commençoit à entrevoir la possibilité

(1) Petri Martyris Anglerii epistola. 255. — Saint-Gelais, hist. de Louis XII, p. 170. Raynaldi Annal. eccles. 1503, §. 3, p. 539.-Fr. Guicciardini. Lib. V, p. 299. Jacopo Nardi L. IV, p. 150. Orl. Malavolti stor. di Siena. P. III, L. VI, f. 111 v. Istor, di Giov. Cambi, p. 192. - Fr. Belcarü. L. IX, P. 265.

CHAP. CI. de le reconquérir tout entier. Il ne vouloit pas 1503. devoir à un traité ce qu'il pouvoit obtenir à

force ouverte; et ses maîtres, dès qu'ils connurent mieux la situation des affaires, eurent la même ambition, et refusèrent leur ratification au traité de Lyon.

Ferdinand d'Andradès avoit pris le commandement de l'armée de Calabre; il avoit réuni aux troupes amenées par Porto Carréro, le reste de celles de Hugues de Cardone, et après leur avoir payé leurs soldes arriérées, il les conduisit au travers de la Calabre jusque près de Séminara. C'étoit dans ce même lieu que sept ans auparavant Ferdinand II et Gonzalve avoient été battus par d'Aubigny; et Terra-Nova, où le même d'Aubigny avoit remporté une victoire plus récente sur les Espagnols, n'étoit qu'à peu de distance; aussi ce général français s'avançoitil avec confiance, ne doutant point que par une troisième victoire il ne délivrât la Calabre de ses ennemis. Encore que ses forces fussent un peu inférieures à celles d'Andradès, il le fit défier au combat. Les deux armées se rencontrèrent le 21 avril, au passage de Fiume Secco, entre Gioia et Séminara. Emmanuel Bénavidès, qui commandoit l'avant-garde espagnole, s'arrêta sur une des rives du fleuve pour parlementer avec d'Aubigny, qui étoit sur l'autre rive. Pendant que ce dernier étoit distrait par

cette conférence, Carvajal, qui commandoit CHAP. CI. l'arrière-garde espagnole, passa le fleuve un 1503, mille et demi plus haut, et vint tomber sur les derrières de l'armée française, en même temps qu'elle étoit attaquée de front. Un moment de confusion et de désordre la perdit; la gendarmerie rompue fut forcée à s'enfuir, et d'Aubigny avec elle : Honoré et Alfonse de San-Sévérino, qui commandoient le second et le troisième corps d'armée, composés de Calabrois, ne firent pas une longue résistance: tous deux furent faits prisonniers, et en demi-heure de temps presque toute l'infanterie française fut passée au fil de l'épée. D'Aubigny s'étoit enfui à Gioia, où il retrouva le capitaine de son infanterie Malherbe; ils poursuivirent ensemble leur course, mais arrivés à la forteresse d'Angitula, ils furent obligés de s'y enfermer, parce que les Espagnols étoient à leurs trousses: ceux-ci ne vouloient pas laisser échapper de leurs mains le général français qu'ils redoutoient le plus; et à peine étoit-il entré dans Angitula, qu'ils l'y assiégèrent (1). A peu près dans le temps où d'Andradès dis

p. 301.

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Alf.

Zurita

(1) Pauli Jovii Vita magni Consalvi. L. II, p. 220. de Ulloa Vita di Carlo V. L. I, f. 26. — Fr. Guicciardini. L. V, Jacopo Nardi hist. Fior. Lib. IV, p. 150. Anales de Aragon. T. V, Lib. V, c. 15. Annal. eccles. Raynaldi. 1503, §. 5, p. 53g. — Fr. Belcarii. L. IX, p. 266. Ferroni. Lib. III, p. 51.

Arn.

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CHAP. CI.

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sipoit l'armée d'Aubigny à Séminara, Gonzalve 1505. de Cordoue vit arriver à Barlette un corps de

deux mille Allemands que lui amenoit Octavien Colonna, et qui, après être sorti des montagnes de la Carniole, s'étoit embarqué à Trieste. Il y avoit sept mois que Gonzalve étoit enfermé dans Barlette, et il avoit réussi par la force de son caractère, et son talent pour manier les esprits, à y soutenir la constance de ses soldats, au milieu de toutes les privations. Toutes les villes de son voisinage étoient au pouvoir des Français, à la réserve de celle d'Andria; mais aussitôt qu'il eut reçu les troupes allemandes, qu'il avoit si longtemps attendues, il résolut d'entrer en campagne, et il fit passer à Piétro Navarra, et à don Luis de Erréra, l'ordre de lui amener de Tarente le plus de soldats qu'ils pourroient. Nemours, de son côté, averti des mouvemens qu'on remarquoit dans Barlette, voulut aussi réunir ses meilleurs officiers. Il écrivit à André Matthieu d'Aquaviva, qui étoit à Conversano, de se rendre à Altamura, pour y rencontrer Louis d'Ars, et revenir avec lui. Ces deux officiers eurent quelque correspondance ensemble, pour concerter leur marche; une des lettres de Louis d'Ars tomba entre les mains de Piétro Navarra, et celui-ci, connoissant par elle la marche d'Aquaviva, lui dressa une embuscade à son passage. Aquaviva, surpris par une attaque inattendue,

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