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fendre, ils se soumirent successivement, à me- CHAP. «. sure que les Espagnols vinrent les sommer de 1501. le faire. Les seules villes de Manfredonia et de Tarente soutinrent un siége; celui de Manfrédonia fut court, mais celui de Tarente fut fort long, encore que Gonzalve de Cordoue le dirigeât lui-même. La ville située dans une île, unie par deux ponts au continent, et pourvue abondamment de vivres, étoit assez forte pour défier long-temps les efforts des assiégeans; et Jean de Guevara, comte de Potenza, gouverneur du jeune Ferdinand, qui y commandoit, se reposant sur la force de la place, évitoit les sorties, les escarmouches, et tous les petits combats qui auroient pu épuiser sa garnison. Enfin Gonzalve de Cordoue, ayant transporté une vingtaine de bateaux armés, dans le bassin de dix-huit milles de circuit, que les Tarentins nomment la Mer intérieure; le comte de Potenza qui de ce côté ne craignoit aucune attaque, et n'avoit élevé aucune fortification, se montra disposé à capituler, d'autant plus que Gonzalve lui fit offrir les conditions les plus honorables et les plus avantageuses. Le général du roi Catholique jura sur l'hostie, de la manière la plus solennelle, qu'il accorderoit au jeune Ferdinand, duc de Calabre, la liberté de se retirer où bon lui sembleroit. La ville fut livrée à cette condition, et le jeune prince se hâta, selon

CHAP. C. l'ordre qu'il en avoit reçu de son père, de 1501. prendre le chemin de Bitonte, pour se rendre

dans la partie du royaume qu'occupoient les Français. Mais à peine fut-il arrivé dans cette ville, qu'il y fut arrêté par ordre de Gonzalve, ramené à Tarente, puis embarqué et envoyé prisonnier en Espagne, malgré ses réclamations et celles de son gouverneur, qui se reprochoit amèrement de l'avoir précipité dans le piége. Gonzalve de Cordoue étoit un homme religieux jusqu'à la superstition et au fanatisme; il se rendoit néanmoins coupable par politique, du plus insigne parjure; mais ayant renoncé à éclairer sa propre conscience, il la remettoit à son directeur, et il trouva des théologiens qui 'lui dirent et qui publièrent pour lui, que le serment qu'il avoit fait, il l'avoit prêté pour son maître, non pour lui-même; en sorte qu'il n'étoit point personnellement lié; et que son maître ne l'étoit pas davantage, puisque Gonzalve s'étoit engagé pour lui à son insu (1).

Ainsi tomba, pour ne plus se relever, cette branche de la maison d'Aragon, qui avoit régné à Naples avec tant de lustre pendant soixantecinq ans, et qui avoit eu une si grande influence

(1) Paul Jove, qui rapporte ce sophisme, paroît le regarder Jui-même comme un argument auquel il n'y a rien à répliquer. Vita magni Consalvi. L. I, p. 195 - 199. Fr. Guicciardini. Lib. V, p. 270. — Fr. Belcarii Comm. Lib. IX, p. 251.

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CHAP. C.

sur les progrès des lettres italiennes. Frédéric, par sa retraite trop précipitée, s'ôta les moyens 1501. de profiter des chances avantageuses que ne pouvoit manquer de lui présenter la discorde entre les monarques rivaux qui s'étoient partagé son royaume. Il mourut en Anjou, le 9 septembre 1504. Son fils don Ferdinand, duc de Calabre, mourut en Espagne, seulement en 1550, après avoir été marié deux fois, mais toujours, d'après la politique espagnole, avec des femmes dont la stérilité avoit été reconnue. Alfonse, le second fils, qui avoit suivi son père en France, mourut à Grenoble en 1515, non sans soupçon de poison; le troisième, César, mourut à Ferrare, à l'âge de dix-huit ans. Parmi les filles du roi Frédéric, la seule Charlotte, mariée au comte de Laval, a laissé une postérité (1)..

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(1) Summonte hist. di Napoli. Lib. VI, cap. IV, p. 537. Muratori Annali d'Italia. Ann. 1501, T. X, p. 7. Nicolas, comte de Laval, gouverneur et amiral de Bretagne, qui épousa Charlotte, ne laissa qu'une fille, Anne de Laval, mariée à François de la Trémoille: c'est par elle que la maison de la Trémoille á revendiqué des droits sur le royaume de Naples.

TOME XIII.

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CHAP. CI.

CHAPITRE CI.

Guerre dans le royaume de Naples entre Louis XII et Ferdinand-le-Catholique; révolte d'Arezzo; conquêtes de César Borgia; massacre de Sinigallia; bataille de Cérignoles; les Français chassés du royaume Naples.

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Les ultramontains, qui au commencement du 1501. seizième siècle faisoient la guerre en Italie, në

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dissimuloient point les sentimens de défiance de mépris ou de haine qu'ils entretenoient pour la nation qu'ils venoient combattre. Ces sentimens se montrent à découvert dans les écrits des contemporains; et comme les événemens subséquens les ont plus d'une fois justifiés, ils ont contribué à établir dans toute l'Europe un préjugé défavorable contre la nation qui finit par succomber. Cependant, à cette époque, du moins, l'aversion des ultramontains pour les Italiens n'étoit autre chose que la haine commune à tous les barbares contre les nations plus civilisées. Ils sentoient la supériorité d'esprit, de jugement, de connoissances de leurs en

nemis; mais ils se révoltoient contre elle. Ils CHAP. CI. représentoient ces avantages comme nécessai- 1501. rement liés à la dissimulation et à la perfidie; ils prenoient pour eux-mêmes la palme de la valeur ouverte et celle de la franchise, et ils abandonnoient avec mépris aux Italiens celle de la finesse et de la souplesse. Chaque nation, en se comparant à eux, s'attribuoit des qualités incompatibles avec ces artifices mesquins, partage d'un peuple trop civilisé; elles parloient tour à tour de la bonne foi teutonique, de la rude franchise helvétique, de l'honneur français, de la loyauté castillanc. Cependant chacune de ces nations sembla prendre à tâche de donner dans le cours de peu de mois, en Italie même, des preuves d'une mauvaise foi què les plus diffamés parmi les politiques italiens n'avoient jamais égalée.

Maximilien d'Autriche, qui avoit la prétention d'être plus encore chevalier que roi, n'avoit pas jusqu'alors pris une part importante aux affaires d'Italie; ce fut plus tard, et dans ses démêlés avec Venise, qu'il montra surtout son mépris pour ses engagemens. Cependant son inconséquence avoit déjà rendu son alliance fatale à tous ceux à qui il l'avoit vendue : elle avoit trompé les Pisans, elle avoit causé la ruine de Louis Sforza, elle venoit encore de contribuer à celle de Frédéric d'Aragon. Ce roi de

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