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et de Jérusalem, et il ne dissimula pas qu'il comptoit soutenir ces titres avec toutes les forces d'un puissant empire (1).

Tant de passions agitoient alors l'Italie, que cette seconde invasion des Français, qui après l'épreuve qu'on avoit faite de la première, devoit être redoutée de tout le monde, éloit devenue au contraire l'espoir de plusieurs puissants états; en sorte qu'avant de l'entreprendre Louis XII trouva le moyen de changer le système des alliances de son prédécesseur, et de s'assurer d'utiles coopérateurs pour les conquêtes qu'il méditoit.

La guerre de Pise, qui étoit demeurée allumée comme un flambeau destiné à exciter un nouvel incendie, avoit plus contribué qu'aucune autre circonstance à changer les affections *des divers partis. Cette guerre avoit ruiné les Florentins, elle leur avoit fait éprouver toute la mauvaise foi de Charles VIII et de ses lieutenans, elle leur avoit laissé le vif regret de s'être fiés aux promesses de la France. La même guerre, après avoir flatté vivement les espérances de Louis-le-Maure, ne promettoit plus qu'à ses rivaux le prix auquel il prétendoit luimême. Il étoit trompé pour la seconde fois par ses propres calculs, en suivant cette politique

(1) Fr. Belcarii Comm. Rer. Gallic. L. VIII, p. 216.

CHAP. XCIK.

1498.

CHAP. XCIX. astucieuse dont il se glorifioit, tant; et il com1498. mençoit à désirer de se rapprocher des Floren

tins, pour chasser de Pise les Vénitiens, après avoir en quelque sorte donné lui-même cette ville à ces derniers. D'autre part, les Vénitiens qui se vantoient d'avoir défendu, d'avoir sauvé deux fois Louis-le-Maure, ressentoient tant d'indignation de ce qu'ils appeloient son ingratitude, qu'ils étoient disposés à commettre, pour se venger de lui, la même faute qu'on lui avoit si vivement reprochée, et à lui susciter un antagoniste plus puissant qu'eux et que lui (1).

En effet, à peine eurent-ils appris la mort de Charles VIII, qu'ils ordonnèrent au secrétaire de leur république résident à Turin, de passer auprès de son successeur: bientôt ils le firent suivre par trois ambassadeurs chargés d'excuser les hostilités précédentes, et de les faire considérer comme conséquences d'une querelle terminée par la mort du dernier roi. Le pape, qui vers le même temps avoit résolu de dégager son fils César Borgia des ordres sacrés, et de le faire passer du rang de cardinal à celui de prince temporel, saisit de son côté, avec empressement, cette occasion d'exciter de nouvelles guerres, et de vendre tout ensemble à un puissant allié, l'appui de sa souveraineté temporelle, et les

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(1) Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 193. — Fr. Belcarii Commentar. Lib. VIII, p. 217.

grâces spirituelles dont il disposoit. Il savoit que CHAP. XCIX. le roi de France avoit besoin de lui pour satis- 1498. faire à la fois ses passions et sa politique; que marié depuis vingt ans à une fille de Louis XI, qu'il n'avoit jamais aimée, il désiroit se séparer d'elle; qu'amoureux depuis long-temps aussi de la veuve de son prédécesseur, il désiroit l'épouser, et conserver ainsi la Bretagne à la France. Alexandre VI pouvoit seul sanctionner ce divorce et cette union nouvelle; il le fit offrir par ses ambassadeurs, et il comptoit bien mettre à un prix élevé le scandale qu'il donneroit ainsi à la chrétienté. Les Florentins envoyèrent de leur côté des ambassadeurs à Louis XII, pour confirmer leur ancienne alliance, et rappeler à sa mémoire tout ce qu'ils venoient de souffrir pour la cause française. Tous ces ambassadeurs furent également bien reçus par le nouveau roi; il cntama avec tous des négociations, bien décidé cependant à ne point tenter d'expédition en Italie, qu'il n'eût auparavant assuré les frontières françaises par de nouveaux traités avec tous ses voisins (1).

En effet, il consacra la première année de son règne au soin de l'administration intérieure de ses états, et à des négociations étrangères qui demeurèrent ensevelies dans le silence du ca

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CHAP. XCIX. binet. On put seulement juger que celles qu'il 1498. entretenoit avec le pape, avoient eu pour résultat un complet rapprochement des deux cours, lorsqu'on vit Georges d'Amboise, favori de Louis XII, et archevêque de Rouen, recevoir le 17 septembre le chapeau de cardinal. Dans le mois suivant César Borgia renonça en plein consistoire à la pourpre romaine, prenant pour prétexte la violence que lui avoit faite son père pour le faire entrer dans les ordres. Il partit ensuite pour la France, afin d'y traiter au nom d'Alexandre le divorce du roi. Peu s'en fallut cependant que pour avoir usé de trop de finesse, il ne perdît le prix auquel il espéroit vendre cette grâce. Il prétendit n'avoir point apporté la bulle du pape qui annulloit le précédent mariage de Louis. Celui-ci, averti par l'évêque de Cettes que la bulle étoit expédiée, au lieu d'exiger qu'elle lui fût remise, fit prononcer le divorce le 12 décembre 1498, par les juges ecclésiastiques qu'il tenoit sous sa dépendance; et passa le 8 janvier 1499, à de secondes noces avec Anne de Bretagne. César Borgia se hâta alors de se réconcilier avec le roi, de signer le traité en discussion entre eux, et de lui remettre la bulle de son père; en échange il reçut de Louis le duché de Válence en Dauphiné, et il prit le titre de duc de Valentinois, au lieu de celui de cardinal évêque de Valence en Espagne,

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qu'il avoit porté jusque alors. Mais il ne pardonna cAP. XCIX. point à l'évêque de Cettes d'avoir révélé au roi son secret, et de lui avoir fait comprendre qu'une fois la bulle expédiée, encore qu'elle ne lui fût pas délivrée, sa conscience devoit être. en repos. L'évêque de Cettes mourut peu après, empoisonné par Borgia (1).

Pendant que Louis XII formoit des alliances nouvelles en Italie, et qu'il se préparoit à y porter ses armes, la guerre se continuoit en Toscane; elle avoit recommencé autour de Pise, dès le mois d'octobre 1497, à l'époque où avoit fini l'armistice stipulé par les rois de France et d'Espagne; cependant elle n'avoit été marquée par aucun événement de quelque importance jusqu'au mois de mai 1498. Les Pisans à cette époque envoyèrent Jacob Savorgnano, capitaine vénitien à leur solde, dans l'état de Volterra pour le ravager. Il en revenoit chargé de butin, avec sept cents chevaux et mille fantassins, lorsqu'il fut attaqué près de San Régolo, par le comte Rinuccio de Marciano, et par Guillaume

(1) Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 207. Jacopo Nardi hist. Fior. Lib. III, p. 95. - Macchiavelli Frammenti istor. p. 127. Les Annales ecclésiastiques de Raynaldus sont d'une brièveté extrême sur ce divorce et sur toutes ces transactions scandaleuses; l'auteur se contente de rapporter le texte de l'historien français Ferronius, ad Ann. 1498, §. 4 et 5, T. XIX, p. 471. L'évêque de Beaucaire est fort court aussi. Comment. Rer. Gallic. L. VIII, p. 222. Fr. Ferroni Rer. Gallic. Lib. III, p. 37.

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