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CHAP. C. cheté au prix de treize cents ducats, et l'ar1500. mée qui avoit fait une si honteuse campagne,

reprit le 18 juillet le chemin de Lombardie (1).

La retraite de l'armée française mit les Florentins au désespoir. Comptant sur sa puissante assistance, et ne pouvant faire une double dépense en même temps, ils avoient licencié leurs propres soldats; en sorte qu'ils se trouvoient presque absolument désarmés; aussi les Pisans n'eurent-ils point de peine à leur reprendre Librafratta, et le bastion de la Ventura. De plus, Louis XII, selon l'usage des puissans qui se trouvent associés à de plus foibles qu'eux, rejetoit sur les Florentins toute la faute des mauvais succès, causés par l'indiscipline de ses propres troupes. Son indignation étoit extrême contre la république, qu'il accusoit d'avoir mal pourvu son camp de vivres, d'avoir mal secondé ses généraux, et surtout de s'être obstinée à choisir Beaumont, de préférence à Ives d'Allègre. Il fallut songer à se justifier auprès de celui de qui on avoit lieu de se plaindre, et en même temps, il fallut adoucir le refus que crut devoir faire la république, de conduire l'année suivante une nouvelle armée française devant

(1) Fr. Guicciardini. Lib. V, p. 256.

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Scipione Ammirato.

Lib. XXVII, p. 260.Jacopo Nardi Hist. L. IV, p. 112. —
Historie di Gio. Cambi. T. XXI, p. 151.

Pise, pour attaquer cette ville avec plus d'avan- CHAP. C. tage (1).

1500.

Après cette campagne malheureuse, Florence resta sans forces, et entourée d'ennemis : les villes rivales de Gênes, de Lucques et de Sienne, se réjouissoient de son humiliation, et assistoient ouvertement les Pisans. Dans le territoire florentin même, le mécontentement et la disposition à la révolte s'accroissoient avec les malheurs de la métropole. A Pistoia les deux anciennes factions des Cancellieri et des Pancia tichi, recommencèrent une guerre civile dont on avoit cru tout souvenir perdu, pendant un siècle entier d'un gouvernement plus ferme. Au commencement de l'année 1501, tous les Pan- 1501. ciatichi furent chassés de la ville; le 25 février on les condamna comme rebelles, on brûla leurs maisons, et on abandonna leurs biens aux soldats. Les Cancellieri les poursuivirent ensuite dans la campagne jusqu'à Saint-Michel, et les assiégèrent dans l'église de ce nom; mais ils y furent surpris par les partisans des Panciatichi, qui se rassemblèrent en grand nombre pour délivrer leurs chefs, et les assiégeans y perdirent plus de deux cents des leurs (2). La

p. 113.

(1) Fr. Guicciardini. L. V, p. 257. Jacopo Nardi. L. IV,
Scipione Ammirato. Lib. XXVII, p. 261.
Scipione Ammi-

(2) Fr. Guicciardini. Lib. V, p. 258.

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CHAP. C.

république florentine qui n'avoit presque plus 1501. de soldats sous ses ordres, et dont le trésor

étoit épuisé par les demandes continuelles du roi de France, ne pouvoit ni tenir la campagne contre Pise, ni contenir les Pistoiois, ni punir les chefs de ces séditions nouvelles.

Le plus triste avenir sembloit menacer la liberté de la Toscane; une jalousie invincible aveugloit tous les voisins de Florence, et les faisoit conspirer à sa ruine; une fermentation universelle faisoit craindre de nouvelles révoltes parmi ses sujets; l'instabilité d'un gouvernement qui se renouveloit tous les deux mois, et qui ne conservoit nulle part la tradition de son ancienne politique, inspiroit une égale défiance aux étrangers et aux citoyens. Venise avoit adopté la protection de la famille usurpatrice, qui vouloit remonter sur le trône; les ducs de Milan et les rois de Naples ne tenoient plus alternativement la balance de l'Italie; et le roi de France qui avoit succédé à l'un et qui alloit renverser l'autre, ne protégeoit plus la république. Le pape, son plus proche voisin, étoit en même temps son ennemi le plus dangereux, car sacrifiant tout sentiment de devoir, tout soin de l'indépendance de

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rato. Lib. XXVII, p. 262. Jacopo Nardi. L. IV, p. 117. Istor, di Gio. Cambi. T. XXI, p. 152. Michel Angelo Salvi delle historie di Pistoia T. III, Lib. XVIII, p. 15-28.

l'Église, aussi bien que toute bonne foi et toute CHAP. a pudeur, à l'agrandissement de son fils, il com- 1501. binoit les perfidies et les faux sermens avec les armes spirituelles et temporelles, pour soumettre la Toscane à César Borgia.

La république en désarmant, comme sa pauvreté la forçoit à le faire, sembloit témoigner à ses voisins ses dispositions pacifiques; cependant elle fournit précisément ainsi à César Borgia le prétexte qu'il attendoit pour commencer les hostilités. Celui-ci, après avoir pris Faenza le 22 avril 1501, se disposoit à attaquer Jean Bentivoglio, seigneur de Bologne, lorsque le condottière Rinuccio de Marciano, licencié par les Florentins, passa au service de ce seigneur avec sa compagnie; le pape et son fils se récrièrent aussitôt sur ce que la république envoyoit des secours à leurs ennemis, et cherchoit seulement à les déguiser par une ruse grossière (1).

César Borgia s'étoit avancé vers la frontière du Bolonois jusqu'à Castel San Piero, sur la route d'Imola. Il y reçut un ordre de Louis XII de ne point passer outre, parce que Bentivoglio s'étoit mis sous la protection spéciale de la France (2). Il s'abstint en effet de l'attaquer, mais

(1) Jacopo Nardi Hist. Lib. IV, p. 117.

(2) Fr. Guicciardini. L. V, p. 263. — Raynaldi Annal. eccles. 1501, §. 16, p. 507.

1501.

CHAP. G. il profita du moins de l'effroi qu'il lui causoit, pour lui dicter de nouvelles conditions. Il obtint de lui la cession de Castel Bolognèse, entre Imola et Faenza; la promesse d'un tribut de neuf mille ducats, et celle de cent hommes d'armes et deux mille fantassins, que Borgia comptoit employer contre Florence. Pour prix de cette alliance, le perfide Borgia révéla à Bentivoglio les intelligences qu'il avoit formées avec les Marescotti, famille puissante, riche, et assurée d'une nombreuse clientelle, qui jusque alors avoit paru toute dévouée au prince. Bentivoglio chargea son fils Hermès d'assassiner Agamemnon Marescotti, chef de cette famille. Il fit massacrer ensuite trente-quatre de ses frères, fils, filles ou neveux, et deux cents de leurs parens ou amis. Jusqu'à ce que cette boucherie fût achevée, les portes de Bologne demeurèrent fermées. Bentivoglio contraignit tous les fils des familles les plus nobles à y prendre part, pour les rendre à leur tour l'objet du ressentiment du parti contre lequel il vouloit sévir, et pour les attacher à lui par la crainte des représailles (1).

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Le duc de Valentinois n'avoit jamais compté

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(1) Diario Ferrarese. T. XXIV, Rer. Ital. p. 395. Gio. Cambi. T. XXI, p. 156. Fr. Guicciardini. Lib. V, p. 263. - Jac. Nardi. L. IV, p. 118. — Scipione Ammirato. L. XXVII, p. 263.

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