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Loua très fort sa politesse;

Trouva le dîner cuit à point;

Bon appétit surtout; renards n'en manquent point.
Il se réjouissait à l'odeur de la viande

Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande.
On servit, pour l'embarrasser,

En un vase à long col et d'étroite embouchure.
Le bec de la cigogne y pouvait bien passer;
Mais le museau du sire était d'autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,

Honteux comme un renard qu'une poule aurait pris,
Serrant la queue, et portant bas l'oreille.

Trompeurs, c'est pour vous que j'écris:
Attendez-vous à la pareille.

Il y avait des hommes aussi, mais qui prenaient autant de plaisir que leurs petits garçons à ces récits courts, naïfs et malins. Car les hommes ont des soucis, des travaux, des misères, ils ont besoin de ce délassement que donnent les jolies inventions et les imaginations amusantes. Il le savait bien, le malin et indulgent bonhomme, et il disait finement, avec un léger sourire:

Le monde est vieux, dit-on, je le crois; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.

Il y a chez La Fontaine des fables qui n'ont d'autre objet que d'être agréables, de nous montrer un petit tableau intéressant, gai, varié et plaisant. Par exemple le Coche et la Mouche.

LE COCHE ET LA MOUCHE.

Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,

Six forts chevaux tiraient un coche.

Femmes, moines, vieillards, tout était descendu :
L'attelage suait, soufflait, était rendu.

Une mouche survient, et des chevaux s'approche,
Prétend les animer par son bourdonnement,
Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment
Qu'elle fait aller la machine,

S'assied sur le timon, sur le nez du cocher.
Aussitôt que le char chemine,

Et qu'elle voit les gens marcher,

Elle s'en attribue uniquement la gloire,
Va, vient, fait l'empressée: il semble que ce soit
Un sergent de bataille allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens et hâter la victoire.
La mouche, en ce commun besoin,
Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin ;
Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire.
Le moine disait son bréviaire :

Il prenait bien son temps! une femme chantait:
C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait !

Dame mouche s'en va chanter à leurs oreilles,
Et fait cent sottises pareilles.

Après bien du travail, le coche arrive au haut:

Respirons maintenant! dit la mouche aussitôt : J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine. Çà, messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine.

Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S'introduisent dans les affaires :

Ils font partout les nécessaires,

Et, partout importuns, devraient être chassés.

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