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S'empara : c'est une rusée.

Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates, un jour
Qu'il était allé faire à l'aurore sa cour
Parmi le thym et la rosée.

Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Janot lapin retourne aux souterrains séjours.
La belette avait mis le nez à la fenêtre.

<< O dieux hospitaliers ! que vois-je ici paraître !
Dit l'animal chassé du paternel logis.
Hola! madame la belette,

Que l'on déloge sans trompette,

Ou je vais avertir tous les rats du pays. »
La dame au nez pointu répondit que la terre
Etait au premier occupant.

« C'était un beau sujet de guerre,
Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant !
Et quand ce serait un royaume,
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l'octroi

A Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi. »

Jean lapin allégua la coutume et l'usage:

« Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui, de père en fils,
L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupant, est-ce une loi plus sage?

Or bien, sans crier davantage, Rapportons-nous (1), dit-elle, à Raminagrobis. »

(1) Rapportons-nous-en.

LA FONTAINE.

C'était un chat vivant comme un dévot ermite,

Un chat faisant la chattemite (1),

Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras, Arbitre expert sur tous les cas.

Jean lapin pour juge l'agrée.

Les voilà tous deux arrivés

Devant sa majesté fourrée.

Grippeminaud leur dit : « Mes enfants, approchez, Approchez; je suis sourd: les ans en sont la cause. » L'un et l'autre approcha, ne craignant nulle chose. Aussitôt qu'à portée il vit les contestants,

Grippeminaud, le bon apôtre,

Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre

Loin de chercher à se nuire, il faut secourir le voisin, pour qu'il vous aide en un besoin vousmême. « Il se faut entr'aider; c'est la loi de nature, » dit La Fontaine d'un ton plus grave qu'à son ordinaire; car c'est un principe qui lui est particulièrement cher, et, ailleurs, répétant les mêmes expressions presque impérieuses:

Telle est la loi de l'univers:

Si tu veux qu'on t'épargne, épargne aussi les autres.

(1) Faire la chatte mite, faire la chatte doucereuse.

[graphic]

Reproduction de Fessard.

Grippenaud, le bon apôtre,

Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.

Pour avoir manqué à cette loi, et n'avoir pas secouru le chien mourant de faim, l'âne fut à son tour abandonné du chien et étranglé sans façon par le loup.

L'ANE ET LE CHIEN.

;

Il se faut entr'aider ; c'est la loi de nature.
L'âne un jour pourtant s'en moqua;
Et ne sais comme il y manqua :

Car il est bonne créature.

Il allait par pays, accompagné du chien,
Gravement, sans songer à rien,

Tous deux suivis d'un commun maître.

Ce maître s'endormit. L'âne se mit à paître :
Il était alors dans un pré

Dont l'herbe était fort à son gré.

Point de chardons pourtant; il s'en passa pour l'heure : Il ne faut pas toujours être si délicat;

Et, faute de servir ce plat,

Rarement un festin demeure (1).

Notre baudet s'en sut enfin

Passer pour cette fois. Le chien, mourant de faim,
Lui dit: « Cher compagnon, baisse-toi, je te prie:
Je prendrai mon dîné dans le panier au pain. »
Point de réponse, mot (2): le roussin d'Arcadie

(1) Reste sans qu'on y touche.

(2) L'âne ne souffle mot,

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