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Ni de quel juge l'on convint.

Notre lièvre n'avait que quatre pas à faire,

J'entends de ceux qu'il fait lorsque, près d'être atteint,
Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux calendes,
Et leur fait arpenter les landes.

Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter

D'où vient le vent, il laisse la tortue
Aller son train de sénateur.

Elle part, elle s'évertue,

Elle se hâte avec lenteur.

Lui cependant méprise une telle victoire,
Tient la gageure à peu de gloire,
Croit qu'il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s'amuse à tout autre chose

Qu'à la gageure. A la fin, quand il vit
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit
Furent vains: la tortue arriva la première.
Eh bien! lui cria-t-elle, avais-je pas raison?
De quoi vous sert votre vitesse?
Moi l'emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison? >

Le fabuliste recommande enfin le travail comme la plus sûre et la plus précieuse des ressources humaines.

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Reproduction de Fessard

Le lièvre laisse la tortue
Aller son train de sénateur;
Elle part, elle s'évertue,
Elle se hâte avec lenteur.

La belle et simple histoire, et ingénieuse, et spirituelle, que celle du laboureur et de ses enfants! Le vieux laboureur va mourir. Il fait venir ses enfants et leur confie un grand secret. Il y a un trésor caché dans le domaine de famille. Il ne sait pas en quel endroit; mais que les jeunes gens travaillent, retournent les champs, creusent partout; ils le trouveront. Il n'y avait point d'argent caché, mais à force de bêcher et de fouiller, la terre devint plus fertile et d'un plus grand rapport. Le vrai trésor c'est le travail.

LE LABOUREUR ET SES ENFANTS.

Travaillez, prenez de la peine :

C'est le fonds qui manque le moins.
Un riche laboureur, sentant sa mort prochainė,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
«<<Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents:

Un trésor est caché dedans.

Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver: vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût :
Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse. D
Le père mort, les fils vous retournent le champ,
Deçà, delà, partout; si bien qu'au bout de l'an

Il en rapporta davantage.

D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer, avant sa mort,

Que le travail est un trésor.

Que le travail soit le véritable trésor, le fonds qui ne manque jamais, on le voit bien quand une circonstance ramène à la commune condition, à l'égalité primitive les personnages les plus différents. Que sert, quand on a fait naufrage, d'être noble ou même prince? Du temps de La Fontaine, princes et nobles ne craignaient guère le naufrage; mais il est des naufrages de toutes sortes, et, pendant la Révolution, plus d'un noble émigré, rẻduit à transformer en gagne-pain un art d'agrément appris à moitié pendant son enfance, a dû relire avec mélancolie la fable suivante et en reconnaître la justesse.

LE MARCHAND, LE GENTILHOMME, LE PATRE, ET LE FILS DE ROI.

Quatre chercheurs de nouveaux mondes,

Presque nus, échappés à la fureur des ondes,
Un trafiquant, un noble, un pâtre, un fils de roi,

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