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LE RHETEUR

Πειθώ τις ἐκάθιζεν ἐπὶ τοῖς χείλεσιν.

Céphale, Athénien, dans sa claire maison,

EUPOLIS.

Donne, depuis vingt ans, des leçons d'éloquence;
Il enseigne, avant tout, le Rythme en conséquence,
Il inventa l'exorde et la péroraison.

Son verbe, au gré de l'heure et selon la saison,
Suit les secrètes lois d'une intime cadence;
Habile à transformer le doute en évidence,
Il sait parler au cœur, aux sens, à la raison.

Athènes, souriante à l'art qui la protège,
Aime à voir, tour à tour, l'archonte ou le stratège,
Maître de la Cité, guide et législateur,

Dominer de la voix tout un peuple en extase
Et moduler, ainsi qu'un chant divin, la phrase
Harmonieuse, éclose aux lèvres du Rhéteur.

THEOPHRASTE

OU

LA LEÇON SUR L'ACROPOLE

Ars severa, gaudium magnum.

THEOPHRASTE

Myron fut statuaire en ce sens enchanté

Où Platon, philosophe, et Sophocle, poète,
S'en allaient tour à tour aux jardins de l'Hymette
Respirer le parfum des roses de l'été.

IRENE

C'est lui le grand sculpteur qui fit, sur l'Acropole,
Triompher la vigueur souple du Discobole
Attentif à son but, sûr de sa volonté.

THEOPHRASTE

Ouvrier d'eurythmie, artisan de beauté,
Ami de Phidias, rival de Polyclète,

Myron sait l'art divin qui recueille et reflète
Jusque dans la nuit sombre un rayon de clarté.

CALLISTE

Voici Ladas, vainqueur en plus d'une olympiade;
Coureur vaillant, il tombe épuisé sur le stade:
Mais le sculpteur a dit : « Qu'il soit ressuscité! »

THEOPHRASTE

Aux bords de l'Eurotas, par les cygnes hanté,
Pour consoler la Grèce en deuil, Sparte inquiète,
Le bon coureur aux pieds légers que rien n'arrête
S'est redressé, debout dans l'immortalité.

IRÈNE

Du héros disparu qui revit sur ce socle

Le monument est beau comme un vers de Sophocle, Tant il a d'harmonie et de sérénité.

THEOPHRASTE

L'œuvre de la nature et de l'humanité
Sans l'art serait caduque, éphémère, incomplète,
Et l'on sent respirer l'âme du jeune athlète
Dans le marbre vivant que Myron a sculpté.

CALLISTE

Ayant vécu d'abord chez les bronziers d'Egine,
En face des frontons qu'Onatas imagine,
Il aime le travail lent et prémédité.

THEOPHRASTE

Lorsqu'il voit qu'au soleil l'austère nudité
Montre le pur contour de la forme parfaite,
La gloire d'un beau corps sans tache est une fête
Pour son noble génie, épris de vérité.

IRÈNE

Il veut qu'un piédestal haut comme un tabernacle Exalte en la blancheur du marbre le miracle Qu'Hérodote raconte et qu'Homère a chanté.

THEOPHRASTE

Son âme fière aima l'exquise pureté

Du svelte et chaste éphèbe à qui le thesmothète
Donne le premier rang dans la palestre, en tête
Des jeunes gens qui sont l'honneur de la Cité.

CALLISTE

Son exemple fait voir ce que l'art d'un grand maître,
Multipliant la vie et les lignes, peut mettre
D'infini dans un corps mortel et limité.

THEOPHRASTE

De l'esprit et du corps étroite parenté;
De l'œuvre et du modèle affinité secrète;
Le visage charmant révèle l'âme honnête
Qui rend l'homme voisin de la divinité.

IRÈNE

Chercheur d'accords parfaits, le grave statuaire
Aborde la nature ainsi qu'un sanctuaire :
Il voit son idéal dans la réalité.

THEOPHRASTE

Malgré l'âpre destin, dans la brièveté

Des jours bornés que l'homme en gémissant regrette, Ses yeux, en ciselant le Gymnaste et l'Aulète, Trouvent l'illusion de l'immortalité.

CALLISTE

C'est pourquoi, sous le ciel resplendissant d'Athènes, Il dresse lentement ces figures hautaines,

Symboles de vertu, de force et de santé.

THEOPHRASTE

Dessinant à loisir le contour souhaité,
Parfois la main hésite et le ciseau s'arrête :
L'art souverain, qui va de conquête en conquête,
N'a point de hâte, ayant pour lui l'éternité.

L'IDYLLE RADIEUSE

La jeune fille blonde apporte une corbeille
Où s'avive en clartés d'argent, de pourpre et d'or,
Le crépuscule chaud de la rose qui dort

Près du lys, pâle ainsi qu'une aube qui s'éveille.

Elle admire l'éclat de sa moisson vermeille :
Corolles que la brise effeuillera, décor
De thyrses inclinés, calices dont le bord
Enivre de miel fauve une dernière abeille.

L'heure passe, divine en sa brièveté;

Le ciel nouveau bleuit la mer orientale,

Et Lycas, le berger-poète que l'Été

Mena de Phylé sombre à l'âpre Corydalle,
S'émerveille de voir en un rêve enchanté
Tout le printemps captif aux bras nus de Myrtale.

A MÉLITÉ PENSIVE

... Οὔτε μελίσσαις

ἄνθεα, ὅσσον ἐμίν Μώσαι φίλαι...
THEOCRITE, Idyll., IX, 34.

Pensive Mélité, quand votre style d'or
Inscrit des mots charmants sur la cire docile,
L'écho, l'écho lointain de l'éternelle idylle
S'éveille, vibre et meurt en un fragile accord.

Voici qu'un émouvant et magique décor
De feuillages légers et clairs, d'ombre mobile
Se reflète au miroir de vos yeux de sibylle,
Dans le bleu crépuscule où le soleil s'endort.
Et l'on entend, à l'heure où se tait la cigale,
Chanter sur des roseaux de longueur inégale
L'espoir ou les regrets des bergers d'autrefois,

Tandis que les rayons
des astres taciturnes
Mêlent, dans la douceur des mystères nocturnes,

Le rythme du silence aux musiques des voix.

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