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naître. C'est en cela, suivant moi, que consiste la science Logique; et c'est ce qui m'autorise à la regarder comme la véritable Philosophie première ou science première. D'un autre côté, elle est une seule et même chose avec la science de nos perceptions, l'Idéologie; car il nous est impossible de parvenir à la connaissance exacte de nos moyens de connaître, autrement que par l'observation attentive de leurs effets, et de la manière dont nous formons, nous exprimons, et nous combinons nos idées : ainsi ces trois sciences, Philosophie première, Idéologie et Logique, sont une seule et même chose.

Le volume que je vous présente en ce moment ne renferme donc pas toute la Logique; il n'est qu'une suite des deux premiers que j'ai publiés : il ne forme avec eux qu'un seul Traité dont il est le complément. C'est pour cela que je me suis refusé jusqu'à présent le plaisir de vous dédier les deux premières parties. J'ai attendu que l'ouvrage fût complet pour vous l'offrir.

A qui cet hommage pouvait-il être plus légitimement dû qu'à vous qui, sous le titre modeste de Rapports du physique et du moral de l'homme,

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nous avez réellement donné toute son histoire, autant du moins que le permet l'état actuel de nos connaissances? Vous l'avez tracée de la manière à la fois la plus vaste et la plus sage, la plus éloquente et la plus exacte; et tous ceux qui voudront jamais se conformer au précepte sublime de l'oracle de Delphes, vous devront une éternelle reconnais

sance.

Pour moi, mon ami, j'ai le bonheur de vous avoir des obligations particulières. Indépendamment de celles qui sont étrangères à la science, et dont je ne parle pas ici, quoique j'aime à me les rappeler sans cesse, je me vante que votre ouvrage m'a été utile avant même qu'il fût achevé, que vos conversations me l'ont été encore davantage, et que

d'entre

c'est à vous que j'ai dû jusqu'au courage prendre les recherches auxquelles je me suis livré› et jusqu'à l'espérance qu'elles pourraient avoir quelque utilité.

Aussi, le succès que j'ambitionne le plus, c'est que mon ouvrage puisse être regardé comme une conséquence du vôtre, et que vous-même n'y voyiez qu'un corollaire des principes que vous avez ex

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posés. Un pareil résultat serait extrêmement avantageux non-seulement pour moi, mais pour la science elle-même, qui dès-lors se trouverait replacée sur ses véritables bases: car, si je mérite cet éloge, l'intention de Locke est remplie; sa grande idée est réalisée; et suivant son désir, l'histoire détaillée de notre intelligence est enfin une portion et une dépendance de la physique humaine.

Mais, mon ami, il est une chose que je désire encore bien davantage; c'est que vous me conserviez les sentimens qui font le charme de ma vie.

Je vous salue au nom de l'amitié et de la

vérité.

DESTUTT-TRACY.

ÉLÉMENS

D'IDÉOLOGIE.

TROISIÈME PARTIE.

LOGIQUE.

Hominum intellectui non plumæ addendæ,
sed potiùs plumbum et pondera 1.

BACON.

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

SUIVANT l'opinion commune, la Logique est l'art de raisonner. Telle que je la conçois, elle n'est pas cela: elle est, ce me semble, ou doit être une science purement spéculative, consistant uniquement dans l'examen de la formation de nos idées, du mode de leur expression, de leur combinaison et de leur

1 En effet, les hommes ont toujours été trop vite dans leurs recherches; bornons-nous à bien observer nos facultés intellectuelles : nous ne sommes point encore en état de faire des systèmes complets de philosophie rationnelle

déduction; et de cet examen résulte ou résultera la connaissance des caractères de la vérité et de la certitude, et des causes de l'incertitude et de l'er

reur.

Quand cette science sera faite et bien faite, et quand elle possédera des vérités incontestables, alors on pourra, avec assurance en déduire les principes de l'art de raisonner, c'est-à-dire, de l'art de conduire son esprit dans la recherche de la vérité, qui comprend également l'art d'étudier et celui d'enseigner, ou, en d'autres termes, celui d'acquérir des connaissances vraies, et celui de les communiquer clairement et exactement, soit par des leçons parlées ou écrites, soit dans la simple con

versation.

Jusque-là, toutes les règles que l'on pourra prescrire au raisonnement seront, suivant moi, téméraires et hasardées. Ce seront de véritables recettes empiriques qui, n'étant fondées sur aucune théorie certaine et complète, n'auront tout au plus, pour appui, que quelques observations plus ou moins imparfaites et sans liaison suffisante entre elles. Telles sont, à mon avis, toutes celles qu'on nous a données jusqu'à présent. Je ne prétends point pour cela ni les accuser toutes sans distinction, de manquer de justesse, ni encore moins méconnaître le mérite

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