Page images
PDF
EPUB

ment l'œil est insensible à la lumière, parce que la sensibilité visuelle a son centre définitif dans la couche optique qui suit les destinées des lobes cérébraux.

Non-seulement les centres locomoteurs sont en situation de fonctionner, mais ils sont évidemment exaltés, puisqu'ils donnent lieu à des convulsions intenses. Cette exaltation doit, selon moi, être attribuée au concours de plusieurs circonstances. En premier lieu, par le fait même de l'inertie du cerveau, les centres locomoteurs se trouvent débarrassés du frein qui, dans l'état physiologique, tempère leur énergie. Comme chez les animaux auxquels on a enlevé le centre intellectuel, toutes les manifestations motrices acquièrent un plus haut degré d'intensité. En outre, l'être psychique n'est plus là pour rectifier les écarts de l'appareil nerveux de la locomotion En second lieu, le propre même de l'épilepsie est d'amplifier le pouvoir réflexe des cellules motrices et de les maintenir dans un état d'exaltation tel que la moindre étincelle suffit pour donner lieu à une réaction considérable. C'est cette aptitude du terrain qui constitue le fond même de la maladie, la prédisposition spéciale. Une troisième circonstance est représentée par la congestion dont les parties postérieures de l'encéphale deviennent le siége, à l'exclusion du cerveau. Toutefois, Kussmall et Tenner supposent pour ces parties une condition tout à fait opposée au moment des convulsions. A la suite d'expériences qui ont consisté les unes en saignées abondantes, les autres en ligatures placées sur les artères se rendant à la tête, ils ont cru pouvoir conclure que l'anémie du cerveau produisait le vertige et la perte de connaissance, tandis que l'anémie de la région postérieure de l'encéphale produisait les convulsions. Il est bien vrai que les pertes de sang et la ligature des carotides peuvent amener des troubles convulsifs, mais elles n'agissent probablement qu'en créant la condition première de l'accès, c'est-à-dire en rendant exsangues les lobes cérébraux. Chez l'homme, du reste, et chez plusieurs animaux, la ligature des carotides réalise tout justement le mélange d'anémie en avant et de congestion en arrière, puisque les parties postérieures reçoivent leur sang des vertébrales qui restent libres et qui s'efforcent même de suppléer les carotides. Mais ce qui condamne avant tout l'interprétation de ces auteurs, c'est que dans les autopsies cette congestion partielle se montre de la manière la plus évidente. Enfin, il est un quatrième élément qui joue bien certainement le rôle capital, c'est l'action toxique de l'acide carbonique. On ne peut le con

100

PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX.

tester, puisqu'il y a asphyxie, d'où accumulation de ce gaz dans le sang, et puisqu'il est démontré que les convulsions font partie de la symptomatologie de l'empoisonnement par l'acide carbonique. C'est même cette intoxication qui donne la forme clonique, car l'état primitif de surexcitation ne devrait que faire continuer le tétanos. Elle agit d'autant plus qu'elle trouve un terrain dont le pouvoir réflexe est exalté. Il est probable aussi que c'est l'asphyxie elle-même qui vient ultérieurement mettre un terme aux convulsions qu'elle a provoquées. Il arrive un moment où le défaut d'oxygène rend les centres moteurs tout à fait incapables de la moindre manifestation, d'autant plus qu'ils sont épuisés par l'énorme dépense qu'ils viennent de fournir.

TRENTIÈME LEÇON.

MESSIEURS,

J'ai cherché à déterminer physiologiquement le mécanisme des différentes phases de l'accès épileptiforme. Je dois maintenant exposer les raisons qui m'ont conduit à placer cette maladie dans l'histoire de la protubérance. Je pourrais au besoin m'appuyer sur un précédent fourni par Notnagel, qui a publié un mémoire dans lequel il a réuni un certain nombre d'observations tendant à prouver que le mésocéphale est le seul et véritable siége de l'épilepsie. Mais je ne crois pas devoir être aussi exclusif que cet auteur. Il me paraît en effet évident qu'au moment de l'accès, toutes les parties des centres nerveux qui sont affectées au mouvement entrent en scène, et que par conséquent, à ce moment, le siége de la maladie s'épanouit de manière à envahir à la fois la protubérance, le corps strié, le bulbe, la moelle et même le cervelet; mais je pense que dans ce jeu d'ensemble la protubérance représente le plus souvent le foyer d'où s'irradie l'impulsion morbide, car elle seule se prête, par sa position anatomique et ses connexions, à ces irradiations dans tous les sens. Elle est le nœud de l'encéphale, le carrefour d'où l'ébranlement peut se porter à la fois dans toutes les directions. Il semble aussi que c'est elle qui subit la première l'influence de l'aura, et que c'est là que l'étincelle vient tout d'abord mettre le feu aux poudres. En effet, si on observe avec attention le début d'une attaque, on constate qu'avant que les membres et le tronc n'entrent en scène, avant que l'asphyxie ne commence, les mâchoires sout spasmodiquement resserrées, ou que le maxillaire inférieur exécute des mouvements de diduction. C'est donc le nerf masticateur qui transmet la première action réflexe, et ce nerf a son noyau d'origine dans la protubérance. Il est vrai que presque toujours les muscles de la face se contractent en même temps d'une manière grimaçante, et que par conséquent le

II POINCARE.

7

facial, nerf à origine bulbaire, entre aussi immédiatement en scène. Mais il est si près de la protubérance qu'il est mis en jeu dans toutes les maladies de cet organe, et qu'il prend naturellement part de suite à son exaltation. Partie du centre mésencéphalique, la conflagration se propage même en haut avant de s'étendre plus loin dans le bulbe; car les mouvements désordonnés du globe oculaire sont là pour attester que les moteurs oculaires communs, qui prennent naissance sur les pédoncules cérébraux, sont mis en réquisition de trèsbonne heure. Ce n'est qu'après que, suivant la traînée descendante, le feu vient envahir les noyaux des hypoglosses et des glosso-pharyngiens et provoque les convulsions de la langue et le spasme du pharynx. Plus tard encore, il gagne le pneumo-gastrique et le spinal, et finit par embrasser successivement de haut en bas tous les nerfs rachidiens. Cet envahissement progressif se faisant simultanément audessus et au-dessous de la protubérance, prouve bien que celle-ci est le point de l'appareil de la locomotion que vient frapper l'aura ; qu'elle est le quartier général des opérations convulsives de la crise épileptique. Elle n'est peut-être pas le point de départ de tous les phénomènes de l'accès, car rien ne prouve qu'elle commande l'innervation vaso-motrice de la tête; mais elle est certainement le pivot autour duquel viennent se grouper tous les symptômes appartenant au système musculaire de la vie de relation.

D'autres faits viennent encore abonder dans le même sens. Il paraît démontré que les convulsions s'établissent beaucoup plus facilement lorsque l'impression provocatrice part d'un point innervé par les branches du trijumeau, et qu'elle est ainsi amenée à la protubérance d'une façon tout à fait directe. C'est pour cela que les crises se montrent si fréquemment et si rapidement chez les enfants en travail de dentition et chez l'adulte atteint de carie dentaire. Tissot a vu une épilepsie engendrée par la présence d'un corps étranger dans l'oreille. Chez un autre malade, elle était due à l'existence de larves dans les sinus frontaux. Dans ces deux cas, l'expulsion ou l'extraction de ces causes de titillation du trijumeau suffirent pour amener la guérison. Un individu est devenu épileptique après avoir reçu des plombs dans les téguments de la partie supérieure du cou. Trousseau n'a-t-il pas été conduit par sa haute expérience à faire rentrer dans l'épilepsie ces affections que l'on comprend en clinique sous la désignation de tic douloureux, et qui consistent en une névralgie de la 5 paire avec convulsions épileptiformes des muscles de la face.

Dans la transmission par hérédité, l'épilepsie pourrait se réduire à des manifestations partielles et concentrées, pour ainsi dire, dans la sphère d'action de la protubérance. La physiologie expérimentale vient elle-même justifier cette interprétation de l'enchainement des phénomènes convulsifs, puisqu'elle nous montre que chez les animaux la région épileptogène reçoit sa sensibilité du trijumeau. Il semble que l'impression inconsciente a besoin d'arriver aussi directement que possible à la protubérance pour donner lieu à l'explosion de l'ensemble symptomatique de l'accès. Il semble même que c'est plus spécialement le mésocéphale qui est rendu malade par la section du sciatique ou de la moelle, puisque ce centre et le seul nerf qu'il fournit sont devenus ineptes à la sensibilité tactile. L'anesthésie est en effet une des conditions les plus indispensables de la zone épileptogène. On dirait que la section a pour effet de déterminer des troubles de nutrition du système nerveux, qui ont pour résultat de modifier la partie du mésocéphale affectée à la sensibilité, de telle façon qu'elle devient impropre à sentir et que tous les ébranlements qu'elle reçoit se reportent immédiatement en totalité sur la partie affectée à la motilité.

Une autre preuve, pour moi, du rôle capital que joue ici la protubérance, c'est la salivation si caractéristique de l'accès épileptique; car le trijumeau peut être regardé, d'après ce qui se passe dans les névralgies, comme un des nerfs stimulateurs de la sécrétion salivaire. Du reste, nous avons vu dans la physiologie normale que l'irritation de la protubérance provoque manifestement une hypersécrétion salivaire.

Tel est, Messieurs, le mécanisme probable des convulsions des épileptiques. Ainsi compris, il peut s'appliquer aussi bien aux convulsions de l'éclampsie et de l'urémie et même à la plupart des convulsions des enfants. Car, je le répète, la physiologie, dans l'état actuel de la science, ne peut que chercher le mode de génération des phénomènes convulsifs, sans prétendre pénétrer la nature intime de l'affection générale qui leur donne naissance chez les épileptiques. La seule chose qu'on puisse donner comme probable, c'est que l'épilepsie n'est pas une névrose; qu'elle est la conséquence d'une modification matérielle des centres locomoteurs, puisque les recherches faites en France, en Angleterre et en Hollande, démontrent que ces parties de l'axe sont spécialement altérées. Il est à supposer aussi que les sections de la moelle et du nerf sciatique n'engendrent l'épi

« PreviousContinue »