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période asphyxique, le défaut de nutrition continuerait, malgré l'arrivée du sang, uniquement parce que ce liquide se trouverait privé d'oxygène.

Que faut-il penser de tous ces efforts de la physiologie expérimentale et de toutes ces conceptions de cabinet pour arriver à surprendre le mécanisme intime de l'épilepsie? Devons-nous, avec Falret, condamner à peu près complétement toutes ces théories en disant qu'elles ne sont que d'ingénieuses hypothèses présentées avec art, appuyées de preuves plus spécieuses que réelles, qui ne résisteront pas à l'épreuve du temps et de l'observation médicale et qui, du reste, sont incapables de nous éclairer réellement sur la nature de cette maladie; qu'elles ont le tort de vouloir expliquer par un seul et même mécanisme des phénomènes qui apparaissent dans des circonstances essentiellement différentes pour le médecin, urémie, éclampsie, épilepsie proprement dite, convulsions partielles, convulsions générales ? Je crois le reproche mal fondé, car les théories réellement physiologiques, les modernes, n'ont jamais eu la prétention de nous faire connaître la nature même de cette cause primitive et générale qui fait que l'épilepsie se perpétue chez un individu et se transmet à ses descendants. Elles avaient seulement pour objectif d'expliquer les conditions physiologiques du phénomène convulsif, conditions qui peuvent et doivent même être toujours identiques, quelle que soit la cause dont ce phénomène n'est qu'un des effets. A ce titre, il est bien évident que les tentatives de la pathologie expérimentale sont loin d'avoir été infructueuses.

On peut d'abord déclarer que l'accès, même considéré dans son ensemble, est un phénomène réflexe ou plutôt qu'il est un composé de phénomènes réflexes.

La partie sensitive du mécanisme réflexe existe, quoi qu'on en dise, et on peut la retrouver dans toutes les circonstances, même quand la cause première de l'épilepsie est centrale. Un tubercule de la moelle ou des lobes cérébraux ne provoque des accès, à certains moments d'exaltation ou de congestion ambiante, que parce qu'il constitue une épine dont l'action stimulante va se réfléchir dans les centres locomoteurs. Les crises déterminées par une impression morale sont encore dues à un ébranlement qui, parti des cellules de la couche corticale, vont dans ces mêmes centres se réfléchir vers le système musculaire. A plus forte raison est-il facile de la saisir lorsque l'épilepsie est déterminée et entretenue par une maladie

viscérale, ou par des blessures soit accidentelles, soit artificielles des nerfs; lorsqu'elle est créée par la présence d'un corps étranger dans les téguments, ou dans les fosses nasales, ou dans l'oreille. Dans ce dernier cas, l'influence de l'impression est tellement incontestable qu'il suffit de supprimer le corps étranger pour guérir radicalement l'affection convulsive.

Dans l'épilepsie d'origine périphérique, l'aura dessine même pour ainsi dire le trajet du courant sensitif provocateur. C'est si vrai que des médecins ont pu arrêter des crises en plaçant une ligature sur le parcours de l'aura et en l'empêchant ainsi d'arriver à destination. Plusieurs auteurs regardent l'aura comme l'image d'un courant, non pas centripète, mais centrifuge, comme une irradiation sensitive du centre nerveux malade qui, dans son état d'exaltation, ébranlerait à la fois les nerfs moteurs et les nerfs sensitifs. Il est très-possible que les choses se passent en effet de cette façon dans quelques circonstances, et que parfois l'aura ne soit qu'une sensation subjective traduisant la surexcitation morbide d'un centre sensitif. Mais c'est tout justement parce qu'il est sensitif que ce centre doit être distinct du foyer moteur où s'élabore la force convulsive; et en même temps qu'il engendre en lui-même la sensation subjective, il peut par un conducteur sensitif central envoyer un courant inconscient vers le foyer locomoteur.

Dans l'épilepsie artificiellement créée chez les cobayes, les caractères offerts par la zone épileptogène prouvent encore la nécessité d'une impression provocatrice et la puissance plus grande qu'acquiert cette impression lorsqu'elle est inconsciente. Il semble qu'alors l'ébranlement échappe à une cause de dissémination et qu'il se concentre plus complétement vers le centre moteur. L'existence d'un courant partant de cette surface est démontrée par ce fait qu'il suffit de couper les filets qui s'y rendent pour lui enlever sa propriété. Ce courant, à aptitude spéciale, paraît avoir besoin de se développer avec toutes les conditions anatomiques que les filets nerveux terminaux trouvent dans les téguments, car l'irritation de ces filets dans leur continuité ne donne lieu à aucun résultat.

Si l'impression résultant du courant centripète est simple, il n'en est plus de même des réactions qu'elle provoque. Les courants centrifuges sont multiples et donnent lieu à des phénomènes morbides de physionomies différentes. L'axe cérébro-rachidien semble répercuter l'ébranlement qu'il a reçu tout d'abord sur le grand sympa

thique. Celui-ci exprime sa mise en activité en faisant contracter outre mesure les fibres musculaires des vaisseaux qu'il tient plus particulièrement sous sa domination. Cette excitation est générale et retentit à la fois sur toutes les parties du sympathique et par suite sur tout le système vasculaire, comme l'atteste le pouls qui est petit et comprimé par le spasme du contenant. Les douleurs viscérales, les borborygmes, l'émission du sperme, la sueur des mains, les troubles hépatiques sont aussi des conséquences de la perturbation du système nerveux ganglionnaire. Toutefois, l'action réflexe atteint son plus haut degré dans le département du sympathique cervical. Là, la contraction vasculaire est tellement intense qu'elle aboutit à l'effacement complet de la lumière des vaisseaux. D'où la pâleur si caractéristique du visage. La même surexcitation se produit dans les filets ciliaires qui, émanant des ganglions cervicaux, vont animer les fibres radiées de l'iris. Celles-ci luttent avec le plus grand succès contre les fibres circulaires qui reçoivent leur innervation du moteur oculaire commun, et il en résulte une dilatation active de la pupille. Le resserrement des vaisseaux n'est pas limité à la face. Il a lieu dans toute la tête et par conséquent dans le cerveau. Čet organe devenant ainsi exsangue, ne peut plus fonctionner, et à la pâleur du visage vient s'ajouter un nouveau résultat, la perte de connaissance qui entraîne elle-même la chute du corps. Ce sommeil de l'intelligence me semble en effet devoir être attribué à l'anémie des lobes cérébraux; car tout se passe ici comme dans une syncope qui survient pendant un bain de pieds ou lorsqu'on passe brusquement à la station debout après être resté longtemps dans le décubitus dorsal, alors que le sang est dévié de l'extrémité céphalique, comme dans le cas du bain de pieds, ou qu'il ne peut plus y atteindre parce que le cœur n'a pas proportionné ses efforts systoliques aux nouvelles conditions que lui impose tout à coup la station verticale. Car l'électrisation du sympathique 'cervical reproduit exactement la même série de faits, surtout si on agit, comme l'ont fait Donders et Callenfels, sur les rameaux qui se rendent à la base du crâne. Enfin, une saignée trop abondante donne lieu au même résultat chez l'homme que chez les animaux, et il en est de même surtout après la ligature des carotides.

Lorsque le sympathique subit seul l'action réflexe, tout se borne à la pâleur du visage, la perte de connaissance et la chute. On a alors le petit mal. Si l'incitation est faible, si l'effacement des vaisseaux et

l'anémie ne sont point complets, il n'y a pas chute, il y a simplement vertige et absence de courte durée. Si la contraction est irrégulière et si elle se fait seulement par places, les points restés vascularisés peuvent engendrer des idées délirantes. Une autre conséquence beaucoup plus éloignée de ces anémies, soit générales, soit partielles, est la démence. On comprend en effet que les cellules cérébrales finissent par éprouver la dégénérescence graisseuse à la suite d'accès répétés qui sont venus tant de fois troubler leur nutrition.

Toutefois, même dans ce qu'on est convenu d'appeler le petit mal, l'excitation réflexe n'est pas toujours limitée au grand sympathique. Elle peut retentir sur le noyau du facial et sur celui du nerf masticateur, et donner lieu à quelques convulsions partielles des muscles de la face et des mâchoires, convulsions qui restent souvent à l'état d'ébauche. Dans le grand mal, à ces contorsions d'avantgarde succèdent bien vite des contractions tétaniques dans les muscles de la glotte, du cou et du tronc, ce qui indique que les centres moteurs de l'axe cérébro-spinal prennent, en même temps que le sympathique, une large part à l'action réflexe provoquée par l'impression sensitive. Le spasme de la glotte produit, au moment où il débute, le cri mécanique qui coïncide avec la chute. Celui des muscles du cou comprime les jugulaires et apporte une gêne au retour du sang du département céphalique. Celui des muscles du tronc vient entraver la respiration et déterminer une asphyxie mécanique qui contribue encore à produire une stase veineuse. C'est à ce moment que le visage passe de la pâleur à une rougeur livide. Il est donc assez naturel d'attribuer avec Brown Sequard ce changement de coloration à la gêne de la circulation déterminée par le spasme tétanique. Cependant M. Bresson voit là l'effet d'une simple réaction vasculaire. Tous les vaisseaux préalablement resserrés se dilateraient, comme ils le font après qu'on les a forcés à se contracter sous l'influence du froid, ou de l'alcool, ou d'un acide. Il regarde même cette dilatation consécutive au resserrement comme tout à fait active, et il l'attribue à des fibres musculaires et à des nerfs dilatateurs que personne n'a jamais pu voir. Je suis loin de nier complétement la possibilité de cette congestion de réaction, puisqu'elle semble en effet être dans les lois de l'innervation vasomotrice. Il y a donc peut-être lieu d'en tenir compte. Mais je crois que dans tous les cas elle est ici tout à fait secondaire et que l'état congestionnel de la tête tient surtout aux phénomènes tétaniques

des muscles de la respiration et de ceux du cou, car la rougeur et le gonflement de la face sont tels qu'il est évident que la cause invoquée par Bresson serait insuffisante. En voyant un accès d'épilepsie, on reste convaincu qu'il y a identité avec le spectacle offert par l'asphyxie. L'épileptique a la tête congestionnée à la façon d'un homme qu'on étrangle.

C'est lorsque cette imminence d'asphyxie va atteindre son plus haut degré qu'éclatent les convulsions cloniques qui se substituent ainsi aux contractions tétaniques. En vertu de quoi s'opère cette substitution et quel est le mécanisme de la période convulsive? Il est d'abord une condition qu'il me paraît difficile de ne pas accepter, quoiqu'elle soit inexplicable, c'est que les lobes cérébraux continuent à rester anémiés, tandis que le reste de l'encéphale et la tête se congestionnent de plus en plus. Pour des raisons qui nous échappent, les vaisseaux du cerveau ne se relâchent point. Leur spasme persiste comme si leurs vaso-moteurs étaient plus irritables et sentaient davantage l'effet de l'impression sensitive. Ce qui le donne à supposer, c'est que la perte de connaissance continue et est tout aussi complète que dans la première période. Il est vrai que certains auteurs ont pensé qu'un afflux considérable de sang dans le cerveau pouvait enrayer son fonctionnement aussi bien que la privation de ce liquide alimentaire; et que, commencée par le mécanisme de l'anémie, la perte de connaissance se continuait par le mécanisme de la congestion. Mais les autopsies, en nous montrant que la protubérance, le bulbe, le cervelet sont seuls congestionnés, semblent donner raison à la première opinion. Quoi qu'il en soit, il est bien certain que le cerveau n'intervient qu'en se supprimant luimême. Il ne joue pas un rôle actif. La physiologie expérimentale nous le démontre du reste en nous faisant voir qu'on obtient encore des accès chez les animaux auxquels on a enlevé les lobes cérébraux. C'est donc à tort qu'on a dit que les convulsions étaient engendrées par la congestion du cerveau succédant à son anémie. En réalité, la condition qui semble dominer la période convulsive est celle-ci anémie et mort fonctionnelle des lobes cérébraux, afflux de sang dans le reste de l'encéphale et persistance de son fonctionnement. C'est tellement vrai que dans l'ordre de la sensibilité nous voyons la même démarcation exister. La sensibilité générale réflexe persiste. Le contact du doigt fait fermer les paupières qui obéissent au trijumeau et au facial. Dans le même mo

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