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tations l'influence d'une cause déterminante, qui peut consister dans une frayeur, l'onanisme, l'ébranlement nerveux produit par le coït et les excès alcooliques, une lésion d'un nerf ou des centres nerveux, un choc sur la tête, une affection utérine, et, chez les enfants, dans le travail de la dentition ou dans la présence de vers intestinaux. Elle se manifeste sous forme d'accès plus ou moins éloignés, qui à leur tour peuvent affecter deux physionomies essentiellement différentes et désignées par les dénominations de grand mal et de petit mal.

L'arrivée du grand mal est presque toujours précédée d'un phénomène précurseur qui a reçu le nom d'aura. Ce prodrome varie dans son aspect. Il peut consister en une sensation de froid, ou de chaleur, ou de chatouillement, ou de douleur. Ces sensations semblent naître d'un point quelconque de la périphérie et remonter avec la rapidité de l'éclair jusque dans l'encéphale. D'autres fois, l'aura appartient à un des organes des sens, et ce sont alors des impressions subjectives de lumière, d'odeur, ou de sons qui annoncent l'arrivée des accès. Dans d'autres circonstances, c'est du système musculaire lui-même que part le signe précurseur, et il consiste en un frémissement musculaire très-localisé. Enfin, l'aura peut appartenir à l'encéphale et consister en des hallucinations, des illusions. Un fait qu'il est bon de constater au point de vue de l'analyse physiologique, c'est qu'on a pu quelquefois empêcher l'accès en mettant une ligature sur le trajet de l'aura, et en l'empêchant ainsi de gagner la région encéphalique. Sitôt que l'aura est arrivée à sa destination, le visage pâlit; il devient exsangue. Il survient une perte de connaissance absolue, qui persistera tant que durera l'accès. A son retour à l'état normal, le malade ne se souviendra de rien. Cette perte de connaissance donne lieu à une chute immédiate. L'épileptique ne choisit pas sa place comme l'hystérique. Il tombe suivant les lois de la pesanteur, n'importe où, sur un meuble, dans le feu, dans un précipice. En même temps qu'il tombe, il pousse un cri qui représente un acte purement automatique. C'est le résultat d'un spasme réflexe des muscles de la glotte et du thorax. Dans le même moment surviennent des contractions tétaniques sans oscillation des parties. La tête est seulement étendue et contournée de côté. Le spasme tétanique porte aussi sur les actes végétatifs. La respiration est suspendue. Le cœur bat à peine, parce qu'il reste en contraction permanente. Les vaisseaux se resserrent, d'où petitesse du pouls. Il en résulte forcément une stase veineuse qui substitue une teinte bleuâtre à la teinte pâle du visage.

Au bout d'une demi-minute, la période tétanique est remplacée par une phase clonique ou convulsive. Les secousses débutent par les muscles de la face, de la langue, du larynx et du pharynx, c'est-àdire sous l'instigation de nerfs qui viennent du bulbe. Mais en même temps il y en a dans les muscles qu'anime le seul nerf moteur partant de la protubérance, le masticateur, car il y a des mouvements de diduction de la mâchoire. Puis les convulsions deviennent trèsrapidement générales. La langue est projetée au dehors et peut être divisée par les dents. Une écume abondante sort de la bouche, par suite, dit-on, de la pression que le maxillaire inférieur fait éprouver aux glandes salivaires; moi, je crois qu'il y a avant tout une hypersécrétion déterminée par les filets sécréteurs du trijumeau. Cette expulsion de salive sert pour ainsi dire de détente à la crise convulsive. La teinte asphyxique disparaît de plus en plus. Le pouls prend de l'ampleur. Des sueurs abondantes se produisent. Le malade tombe dans un collapsus général suivi d'un véritable coma. Il se réveille un instant pour se livrer ensuite à un sommeil réparateur. Pendant l'accès, il s'établit une ligne de démarcation très-nette entre la sensibilité spéciale et la sensibilité tactile réflexe. Celle-ci est conservée et même exaltée, tandis que la première est complétement éteinte. Si peu qu'on touche la conjonctive, les paupières se referment aussitôt. Si on jette de l'eau froide sur le corps, immédiatement les convulsions s'exagèrent d'une manière considérable. Mais la pupille reste immobile devant l'approche d'une vive lumière et conserve sa dilatation exagérée.

Il est une forme qu'on observe surtout dans les asiles d'aliénés et qui consiste en une série de crises convulsives se succédant à de courts intervalles. Entre les crises, le malade est en proie à un délire sombre, et presque toujours l'accès est suivi d'une manie furieuse avec tendance à l'homicide.

Dans le petit mal, le symptôme qui frappe le plus les yeux fait défaut. Il n'y a point de convulsions. Le malade ne tombe même pas; il a le temps de s'asseoir. Il perd la notion de tout ce qui l'entoure et de tout ce qui se passe autour de lui. Pour l'observateur, il a seulement un air d'hébétude et d'étonnement tout à fait caractéristique. Quelquefois, cependant,. on aperçoit quelques oscillations des muscles de la face. C'est surtout dans cette forme qu'on a eu l'occasion d'observer des phénomènes comparables à ceux que nous avons signalés dans la physiologie normale de la protubérance. Le

sujet se précipite irrésistiblement en avant, ou bien il exécute un mouvement de rotation; puis il tombe comme étourdi et un instant après il se relève n'ayant nullement conscience de ce qui vient d'avoir lieu. Il est une manifestation plus légère encore que le petit mal et qui a reçu le nom d'absence. Dans une conversation, le malade s'arrête tout à coup au milieu d'une phrase, au milieu même d'un mot; il semble mort comme être intellectuel; puis, au bout d'un temps qui paraît long aux assistants, mais qui en réalité est excessivement court, il reprend la phrase ou le mot exactement où il l'a laissé, sans s'apercevoir le moins du monde de l'interruption. S'il est en train de se livrer à une occupation quelconque, il la suspend brusquement et la reprend ensuite sans se douter qu'il l'a cessée. Ajoutons enfin que Trousseau admet une forme qu'il a appelée larvée, et qui vient à l'appui de notre localisation. Certains accès seraient remplacés par une névralgie du trijumeau, qui appartient à la protubérance, ou par ce tic des muscles de la face qui se rencontre encore assez souvent dans les maladies de ce centre nerveux.

L'anatomie pathologique de cette affection est loin d'être faite et d'avoir donné des résultats identiques entre les mains de tous les observateurs. Ainsi, dans le traité de Delasiauve, on trouve 20 autopsies sans lésion et 70 cas d'altérations très-variables d'une ou plusieurs parties de l'encéphale : tubercules, foyers de ramollissement, scléroses, induration et hypertrophie du corps pituitaire, développement anormal du cerveau, ossifications des méninges, vices de conformation du crâne et par suite de son contenu. Sont aussi consignées des altérations chroniques de la moelle, des névrômes, des névrites et même toutes les espèces de troubles nutritifs dont peuvent être atteints les divers organes du thorax et de l'abdomen. Schoerer a rencontré dans les cas récents une congestion considérable de l'isthme de l'encéphale; et dans les cas anciens, une hypérémie accompagnée d'une exsudation albumineuse. Dans ces dernières conditions, un examen plus intime lui a permis de constater un certain degré d'épaississement et d'induration des parois des vaisseaux; un commencement de sclérose de la névroglie; et même, dans quelques points, la dégénérescence graisseuse et le ramollissement des éléments nerveux. Jaccoud a été témoin de la première période. Mais lui, il prétend que la lésion est limitée au bulbe et qu'elle va en s'éteignant vers la protubérance. Il avoue toutefois que partout les méninges, les veines ventriculaires, les plexus choroïdes

II. POINCARÉ.

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présentaient l'injection violacée qu'on observe dans toutes les asphyxies lentes. D'après Luys, les altérations ne sont pas exclusivement localisées à la région bulbaire. Elles peuvent intéresser nonseulement la protubérance, mais encore le cervelet, les pédoncules cérébraux et les corps striés. Il a réuni un grand nombre d'observations qui tendent à prouver que tout le système locomoteur est pris à la fois. Toutes ces parties présenteraient même à l'œil une teinte jaune ocrée des plus accentuées. Il a rencontré 6 fois sur 9 épileptiques des lésions des pyramides antérieures marchant de pair avec des altérations des corps rhomboïdaux et des folioles du cervelet. Deux fois les corps striés étaient atteints et la lésion occupait le corps strié du côté opposé au lobe cérébelleux malade. Ajoutons enfin que des médecins anglais, qui s'étaient attachés à rechercher l'état anatomique des centres nerveux dans la folie, ont trouvé la sclérose de la protubérance et d'une partie du bulbe, 18 fois sur 30; et ces 18 fous étaient en même temps épileptiques.

Analyse physiologique. Nous venons de grouper dans le sommaire descriptif les faits d'observation fournis par la pathologie humaine. Avant de chercher à pénétrer le mécanisme de l'accès épileptique, nous devons mettre en regard des données précédentes celles, déjà nombreuses et surtout très-curieuses, que la pathologie expérimentale nous a procurées.

En faisant ses expériences sur la conductibilité, Brown Sequard constata qu'à la suite des sections faites sur la moelle, un certain nombre de cobayes devenaient épileptiques au bout de quelques jours. Il fit dès lors une série d'expériences ayant pour but de lui faire connaître les conditions de production de cette épilepsie artificielle. Il vit ainsi qu'on pouvait obtenir ce résultat, même en variant l'étendue et le siége de la section, soit en coupant la moelle transversalement et presque complétement, soit en sectionnant les cordons postérieurs et les cornes postérieures; ou bien isolément les cordons postérieurs, les antérieurs, les latéraux; soit enfin à l'aide d'une simple piqûre. Mais c'est surtout par la section des cordons postérieurs qu'on provoque le plus sûrement l'épilepsie expérimentale. On a encore bien plus de chances de succès en faisant cette section des cordons postérieurs entre la 7o dorsale et la 3e lombaire. A partir de la 3° lombaire jusqu'à la terminaison coccygienne, la moelle est de moins en moins capable de produire l'épilepsie. Des recherches de date plus récente ont démontré que les lésions de

l'axe médullaire n'étaient pas seules susceptibles d'engendrer l'épilepsie artificielle. On l'obtient en coupant simplement le nerf sciatique. Jusqu'à présent le résultat n'a encore fait défaut que 3 fois. Il n'est pas toujours nécessaire de couper le nerf dans sa totalité. Il suffit souvent d'une section très-incomplète, ou même d'une simple compression exercée un instant par les mors d'une pince. Elle a même apparu dans un cas de fracture du fémur. Lorsqu'après la formation du cal le nerf sciatique cessa d'être irrité, les symptômes d'épilepsie disparurent. On produit aussi l'aptitude aux accès en coupant les racines du nerf sciatique. On l'obtient encore, mais plus exceptionnellement, par la section du nerf sciatique poplité interne. Mais jusqu'à présent il a été impossible de la produire par la division d'aucun autre nerf. Depuis, on l'a provoquée encore par l'irritation du bulbe, des pédoncules cérébraux et des tubercules quadrijumeaux. Enfin, Westphal a trouvé que l'on peut produire une attaque immédiate d'épilepsie chez les cobayes en leur frappant violemment la tête.

L'apparition de la maladie n'est immédiate que dans ce dernier cas. Après la section du sciatique, elle n'apparaît jamais au plus tôt avant le 6 jour, et elle peut se faire attendre jusqu'au 71 jour. En général, après la lésion de la moelle, elle ne se montre qu'au bout de 4 ou 5 semaines. Plus la section de la moelle est considérable, plus en général l'épilepsie est précoce. Les animaux qui sont bien nourris et bien soignés sous tous les rapports sont atteints plus tard que ceux qui sont mal alimentés, exposés au froid et à l'humidité. Plus l'animal est âgé, plus il prête à la réussite de l'expérience. Chose singulière! le climat des États-Unis, dit Brown Sequard, semble être une cause de retard. Pendant un certain temps on a cru que cette épilepsie artificielle ne pouvait prendre naissance que chez les cobayes. Mais depuis, Brown Sequard l'a obtenue chez les lapins, Talbot chez le chat. Enfin, Dieulafoy l'a vue se développer chez l'homme, sous l'influence d'une lésion accidentelle du nerf sciatique.

Une circonstance qui a fait que l'existence des épilepsies artificielles a été si longtemps méconnue, et que bien des animaux n'ont pas passé, à tort, pour avoir été rendus épileptiques, c'est que la lésion de la moelle ou du nerf sciatique ne fait que créer l'aptitude aux accès, et que ceux-ci ne se manifestent ordinairement que lorsqu'on irrite une région déterminée de la surface cutanée, à laquelle

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