Page images
PDF
EPUB

tives. Il est cependant deux faits, ceux de Senac et de Rostan, qui semblent indiquer que les impressions passent particulièrement par le centre, car elles arrivent encore quand il n'y a que la couche postérieure de compromise. Ces deux faits joints à la marche même de l'anesthésie dans les maladies de la protubérance, à la rareté de ce symptôme et à ce que l'expérimentation nous a montré exister pour la moelle, me paraissent de nature à nous autoriser à conclure :

3o Que c'est la substance grise centrale qui est chargée de transmettre au cerveau les impressions sensitives et que chaque ébranlement, si localisé qu'il soit, se propage à la fois par tous les points de cette substance, de sorte que le système de conductibilité se trouve ainsi être complet et tout à fait rationnel. Il répond parfaitement au principe de l'unité de plan. Les racines postérieures déposent l'impression sensitive dans la substance grise centrale de la moelle. Une fois arrivée là, elle s'épanouit et parcourt toute la colonne cylindrique et évasée qui règne au centre de l'axe nerveux depuis la queue de cheval jusqu'à la couche optique.

[ocr errors]

Troubles de la sensibilité spéciale. En même temps que les modifications plus ou moins étendues que nous avons vues exister du côté de la motilité et de la sensibilité générale, on observe le plus souvent dans les maladies de la protubérance des troubles très-marqués du côté des organes des sens. Ils peuvent se montrer isolément soit dans l'organe de la vue, soit dans celui de l'ouïe, soit dans celui de l'odorat, soit dans celui du goût. Mais le plus généralement ils affectent plusieurs sens à la fois chez le même sujet, et on peut se trouver en présence de toutes les combinaisons possibles. Tantôt le malade a perdu la vue et l'ouïe, tantôt l'ouïe, le goût et la vue, tantôt il n'a conservé que le goût, tantôt enfin il a perdu complétement ces quatre sens. Suivant Ladame, ces combinaisons d'altérations des appareils sensoriels seraient même caractéristiques pour les tumeurs de la protubérance et ne se retrouveraient point dans les maladies des autres parties de l'encéphale. L'assertion est évidemment exagérée, ainsi que nous le verrons dans l'étude de la couche optique.

Dans beaucoup de circonstances, la vision n'est en réalité qu'affaiblie, ou plutôt que gênée dans son exercice, sans que la sensibilité visuelle soit atteinte en elle-même. En effet, en dehors des spasmes et des paralysies des muscles de l'orbite dont nous avons

parlé plus haut et qui viennent déjà rendre indirectement la vue moins efficace, il y a très-souvent des modifications de la pupille, de l'insensibilité de la conjonctive et des inflammations du globe oculaire, toutes conditions qui viennent par des mécanismes différents rendre presque inutile l'intégrité du centre visuel.

Les pupilles peuvent être dilatées, ou resserrées, ou déformées. C'est le premier cas qui est le plus fréquent dans les tumeurs et le second dans les hémorrhagies; mais tous empêchent évidemment le dosage régulier de la lumière. De plus, comme le muscle de Baumann appartient au même département nerveux, il s'ensuit que le travail d'adaptation est aussi rendu difficile ou même impossible. Cette perte d'un des moyens de perfectionnement de la vision suffit pour faire croire qu'elle est compromise dans sa partie fondamentale. Larcher s'appuie sur la fréquence du resserrement de la pupille dans les hémorrhagies du mésocéphale pour attribuer à ce dernier l'origine de la force que le sympathique cervical va distribuer dans la tête, puisque ce symptôme exprime une paralysie des fibres radiées de l'iris qui sont tout justement animées par le grand sympathique. Mais la conclusion me paraît un peu forcée, car la pupille peut se resserrer dans deux circonstances tout à fait opposées, dans le cas où les fibres circulaires exagèrent leur contraction et dans celui où les fibres radiées sont paralysées. Par conséquent, elle peut alors aussi bien traduire une exaltation d'action du moteur oculaire commun qui anime les fibres circulaires qu'une paralysie du sympathique qui préside à la contraction des fibres radiées, et puisque nous voyons souvent la 3e paire être intéressée dans les maladies de la protubérance, il est tout aussi naturel de lui attribuer les modifications pupillaires, d'autant plus que l'étude de la moelle nous a montré que c'est plutôt dans la région cilio-spinale que le sympathique cervical trouve une source d'alimentation, ou mieux d'impulsion. Je crois toutefois que ce centre cilio-spinal est lui-même en sous-ordre, et qu'il est un point qui centralise spécialement les ordres à donner aux muscles de la vision, ce sont les tubercules quadrijumeaux. Or, ces saillies se trouvent si près de la protubérance, qu'elles peuvent être avec la plus grande facilité engagées en même temps qu'elle soit par compression comme le moteur oculaire commun, soit par congestion ou inflammation de voisinage, soit enfin comme action réflexe. Je ne nie pas cependant que la protubérance puisse retentir directement sur l'action du sympathique,

car elle se trouve sur le trajet des communications qui doivent s'établir sans cesse entre la région cilio-spinale et le centre coordinateur des mouvements du globe oculaire, c'est-à-dire les tubercules quadrijumeaux.

L'insensibilité de la conjonctive s'explique parfaitement puisque cette membrane est innervée par le trijumeau dont le noyau d'origine se trouve dans la protubérance, au foyer même de la lésion. Elle a pour effet de rendre impossible le clignement, mouvement réflexe qui ne s'exécute qu'autant qu'il est provoqué par une impression inconsciente recueillie par cette muqueuse. Les larmes ne sont plus réparties en couche uniforme, d'où réfraction irrégulière de la lumière. La poussière apportée par l'atmosphère n'est plus balayée, d'où conjonctivite qui vient fournir sa part de gêne à l'exercice de la vision. Du reste, la plupart du temps le clignement est d'autant plus impossible que la paralysie de l'orbiculaire vient s'ajouter à l'anesthésie conjonctivale.

Même lorsque la sensibilité de la conjonctive est intacte, il peut survenir des inflammations qui sont beaucoup plus graves parce qu'elles envahissent tout le globe oculaire, et qui gênent la vision d'une manière plus considérable parce qu'elles troublent la transparence des milieux et qu'elles altèrent la texture des membranes de l'œil. Magendie, le premier, a fait voir, par la section intra-crânienne du trijumeau, l'influence énorme que ce nerf exerce sur la nutrition du globe oculaire, influence qui est telle que cet organe peut se vider et être perdu complétement. On attribue généralement cette action nutritive, non pas à la 5o paire elle-même, mais aux nombreux filets sympathiques qui s'associent à elles; et on en donne pour preuve que la section faite avant le ganglion de Gasser, c'est-à-dire avant le point où s'opère cette adjonction, n'a pas les mêmes conséquences et ne détermine qu'une paralysie du sentiment. A ce compte il serait assez difficile de s'expliquer l'ophthalmie survenant dans les maladies de la protubérance, car alors le trijumeau doit aller puiser son influence morbide dans son noyau d'origine, avant toute addition de filets sympathiques. Mais tout se trouve avoir sa raison d'être, si on veut bien se reporter à ce que nous avons dit sur l'action trophique des centres nerveux. Dans les phénomènes de nutrition normaux et morbides, le grand sympathique ne fait qu'une chose, c'est d'apporter l'innervation vaso-motrice aux organes. Normalement il règle l'apport des moyens d'alimentation; pathologi

quement il prive le tissu ou il l'encombre de matériaux. Quant à la formation des produits morbides, il n'y est pour rien. C'est là l'œuvre de la vie cellulaire. Toutefois le système nerveux cérébro-spinal peut exalter et faire dévier cette œuvre. C'est ainsi que dans l'état d'irritation, la moelle et les nerfs provoquent des éruptions et des troubles nutritifs de diverses natures. Par conséquent, lorsqu'on coupe le trijumeau après le ganglion de Gasser, lorsqu'on détruit ainsi avec lui les filets sympathiques, on ne fait que paralyser les vaisseaux et on produit une congestion passive, un encombrement de matériaux; quant à la déviation morbide des tissus, ce sont les fibres propres du trijumeau qui sont seules capables de la provoquer lorsqu'elles sont irritées. De même que les nerfs cutanés névralgiés donnent lieu à des herpes, au zona, de même l'ophthalmique de Willis névralgiée engendre dans l'œil des inflammations et des altérations matérielles. C'est ainsi que prend naissance l'ophthalmie rhumatismale des Allemands. Si les troubles ne surviennent pas lorsqu'on fait la section avant le ganglion, c'est que non-seulement on ne produit pas la paralysie vaso-motrice, mais même on supprime le trijumeau au lieu de l'irriter. Dans les maladies de la protubérance, ce nerf avant d'être paralysé est irrité, et c'est alors qu'il peut produire des troubles trophiques et des inflammations.

On a vu survenir chez quelques malades, qui à l'autopsie n'offrirent qu'une altération de la protubérance, une véritable amaurose. Ils perdaient la vue sans qu'il y ait eu préalablement trouble des humeurs de l'œil et sans que les membranes de cet organe se soient altérées dans leur texture. De pareils faits étaient bien de nature à faire penser que le mésocéphale fait partie à un titre quelconque du centre visuel. Mais cette idée ne peut pas tenir en présence des faits anatomiques, physiologiques et même pathologiques qui conduisent nettement à localiser le foyer des perceptions visuelles en avant de la protubérance. Dans ces cas exceptionnels il y a eu évidemment altération concomittante, soit de la rétine, soit du nerf optique, soit du centre visuel lui-même, altération qui a échappé aux observateurs, faute de l'emploi du microscope. C'est à l'avenir de donner les preuves matérielles de cette explication. Dans tous les cas, on peut assurer que ce n'est pas à titre d'organe de la vision que la protubérance donne lieu, dans ses maladies, à de l'a

maurose.

Les remarques qui précèdent s'appliquent en grande partie aux

autres organes des sens. Ainsi pour l'odorat, la névralgie du trijumeau s'accompagne très-souvent d'un véritable coryza. La pituitaire devient spongieuse, elle s'ulcère même et le nerf olfactif, n'ayant plus son appareil de terminaison intact, ne peut plus fonctionner. A plus forte raison, ces résultats se montrent-ils lorsque c'est le noyau d'origine du nerf lui-même qui est surexcité et enflammé. La congestion passive qui suit la suppression des filets sympathiques par la section de la 5 paire, suffit même pour empêcher complétement l'exercice de l'olfaction, au point que Magendie a voulu attribuer au trijumeau la sensibilité olfactive. L'excitation du nerf lingual suffit aussi pour altérer les papilles spéciales de l'organe du goût, sans lesquelles l'impression ne saurait se développer. De plus si, comme le veulent beaucoup de physiologistes, le nerf lingual est chargé de fournir la sensibilité gustative à la partie antérieure de la langue, on comprend encore mieux que les maladies de la protubérance puissent compromettre la gustation. Enfin, du côté de l'organe de l'ouïe, les malades se plaignent généralement d'éprouver des bourdonnements d'oreille ou d'entendre fort mal. Outre que ces troubles pourraient s'expliquer par la combinaison de la paralysie des muscles du marteau et de l'étrier qui sont en définitive animés par le facial et par les troubles nutritifs que le trijumeau est susceptible de provoquer dans l'appareil de l'audition, il est évident que le nerf acoustique en raison de son voisinage, peut être directement comprimé dans les maladies qui font acquérir à la protubérance un certain développement.

Troubles de la phonation. Une observation de Gubler montre que la parole peut rester libre malgré une altération considérable de la protubérance. Cependant, il faut le reconnaître, beaucoup de malades articulent les mots avec une certaine difficulté. Il ne faut pas s'en étonner quoique nous ayons placé dans le bulbe la machine nerveuse de l'articulation. Cet instrument et en particulier le noyau de l'hypoglosse ont besoin d'être reliés au centre intellectuel par des fibres qui forcément traversent la protubérance. D'ailleurs ce noyau lui-même n'est pas tellement éloigné qu'il ne puisse subir une compression directe.

Troubles intellectuels. — Il semble singulier de parler de troubles intellectuels à propos des maladies de la protubérance. Cependant ils sont assez fréquents, si on considère les observations de Ladame, treize fois sur 26 cas de tumeurs. Cette grande fréquence avait

« PreviousContinue »