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souffrance, détermineront une paralysie des membres du côté opposé, parce que, elles, elles ne s'entrecroisent que plus bas. Toute lésion située, au contraire, au-dessus du point d'entrecroisement paralysera le facial du côté opposé, comme les maladies des lobes cérébraux, et on tombera dans l'exception. La pathologie elle-même nous montre en outre que ce point d'intersection doit être situé très-haut dans la protubérance, puisque les paralysies faciales directes sont beaucoup plus fréquentes que les croisées. Et c'est tout justement parce que l'entrecroisement des fibres encéphaliques des faciaux est à un niveau plus élevé que celui des fibres encéphaliques rachidiennes, que presque toujours il y a alternance. Il faut que l'altération siége trèsbas pour compromettre les conducteurs rachidiens au-dessous de leur intersection, et il faut qu'elle siége très-haut pour agir sur les conducteurs faciaux au-dessus de leur décussation.

La paralysie faciale due aux maladies de la protubérance ne se distingue pas seulement par ce fait qu'elle correspond généralement au côté lésé, elle offre en outre d'autres caractères particuliers qui la différencient de la paralysie faciale engendrée par les maladies des lobes cérébraux. Dans ce dernier cas, la paralysie des muscles de la face est beaucoup moins absolue que dans le premier. L'hémiplégie faciale, d'origine cérébrale, est en effet incomplète. Constamment, le muscle orbiculaire des paupières échappe à la paralysie, ou du moins n'a pas perdu tout à fait sa contractilité et sa tonicité. Au contraire, dans l'hémiplégie faciale, d'origine mésencéphalique, la paralysie des muscles de la face est aussi complète que si on avait coupé le nerf facial lui-même dans sa totalité. Cette différence d'intensité entre les deux espèces de paralysie de la face a suscité trois explications, parmi lesquelles il nous faut faire notre choix.

Suivant Trousseau, elle serait due à ce que l'entrecroisement des conducteurs des nerfs faciaux ne serait que partiel, comme dans le chiasma des nerfs optiques. Par cette disposition, chaque nerf facial puiserait son action motrice partie dans un hémisphère, partie dans l'autre, de sorte que lorsqu'un des lobes cérébraux serait malade, les muscles de l'autre côté de la face recevraient encore un peu de force motrice de l'autre lobe. De là l'état incomplet de la paralysie. Il est vrai que de l'autre côté il devrait exister aussi un affaiblissement de la contraction musculaire. Mais s'il n'a pas été signalé jusqu'alors, cela tient à ce qu'il est assez peu marqué pour passer inaperçu, sans doute parce que les fibres entrecroisées l'emportent sur

les fibres directes. Lorsque, au contraire, la protubérance est ellemême malade, elle agit sur le nerf facial, au-dessous de l'entrecroisement, alors que toutes les fibres qu'il reçoit des deux hémisphères cérébraux se trouvent réunies en un seul et même faisceau; de sorte que la moitié correspondante de la face se trouve privée à la fois de tous ses moyens d'innervation. Nous ne pouvons accepter cette première théorie, d'abord parce que l'entrecroisement partiel est un fait purement hypothétique, ensuite parce que, ainsi que Gubler l'a fait remarquer, il y a toujours un des côtés de la face qui a franchement conservé toute sa motilité; enfin, parce qu'on devrait retrouver les caractères de l'hémiplégie d'origine cérébrale toutes les fois que la maladie de la protubérance est située dans la partie supérieure, c'est-à-dire au-dessus du chiasma supposé.

Larcher attribue la persistance d'une certaine dose de contractilité dans les muscles de la face, à la suite des affections cérébrales, au grand sympathique qui viendrait, selon lui, concourir avec le facial à animer les muscles. Il se base d'abord sur une expérience de Cl. Bernard qui montre que la galvanisation du ganglion cervical supérieur fait manifestement contracter l'orbiculaire des paupières; ensuite sur ce qu'après l'ablation de la glande parotide, opération qui force à sacrifier complétement le nerf facial, on constate que cet orbiculaire est encore le siége de contractions lentes et peu énergiques. Les maladies des lobes cérébraux laissent intact le grand sympathique et, par conséquent, sa part d'action subsiste. De son côté, la section du facial respecte aussi les filets du ganglion cervical supérieur. Les conséquences doivent donc encore être les mêmes. Les maladies de la protubérance, au contraire, détruisent à la fois l'influence cérébrale et l'influence du grand sympathique, puisque celui-ci tire son principe d'action en partie du mésencéphale. Voilà pourquoi elles entraînent une paralysie absolue. Cette explication a le double mérite d'être ingénieuse et satisfaisante. Néanmoins, je ne la crois pas complétement inattaquable, car on est loin, dans l'opération de la parotide, de couper toutes les branches du facial. En outre, dans l'expérience de Cl. Bernard, la contraction de l'orbiculaire est tellement vague, qu'on se demande si le déplacement qu'on observe n'est pas une conséquence des modifications vaso-motrices que l'on provoque.

La troisième théorie, qui est due à Landry, me paraît avoir plus de chances d'être l'expression de la vérité. Elle a pour nous, en particulier, l'avantage de mieux se concilier avec la manière dont nous

avons compris l'organisation du système nerveux. Le noyau du facial est tout à fait comparable aux cornes antérieures de la moelle. Il constitue un petit centre moteur spécial qui jouit d'une certaine autonomie. C'est lui qui fait contracter directement les muscles de la face. Les fibres encéphaliques qui le relient au cerveau ne font que le mettre au service du département psychique. L'ébranlement apporté par ces fibres n'est pas seul capable de l'exciter à déployer sa propre puissance. Il le fait d'une manière aussi obligatoire sous l'influence de l'arrivée d'une impression sensitive qui reste inconsciente. En un mot, il possède, de même que la moelle, le pouvoir réflexe; et de même que les maladies du cerveau ou des cordons antérieurs ne font que supprimer les mouvements volontaires sans détruire les manifestations réflexes dont la substance grise de la moelle est susceptible, de même aussi ces lésions cérébrales laissent au noyau du facial le droit de déterminer des contractions réflexes. Ce dernier continue à obéir aux incitations sensitives qui, parties de la périphérie, peuvent parvenir jusqu'à lui. C'est pour cela que, dans l'hémiplégie faciale d'origine cérébrale, on observe encore de temps en temps des mouvements qui paraissent volontaires, parce que l'impression sensitive provocatrice, qui peut souvent consister dans le simple contact de l'air, passe inaperçue. C'est pour cela que l'orbiculaire paraît surtout conserver de la motilité, car ses mouvements sont principalement déterminés par la sensation de la lumière que la lésion des lobes cérébraux n'empêche pas de se répercuter sur le noyau du facial. Dans les maladies étendues de la protubérance, au contraire, le noyau du facial est situé tellement près de cet organe, qu'il est presque toujours forcément compromis lui-même. Dès lors, tout se trouve détruit, le pouvoir réflexe comme la contraction volontaire, et la paralysie est aussi absolue que possible. Ce qui me fait encore adopter cette interprétation, c'est qu'elle va, en outre, nous fournir l'explication d'autres caractères distinctifs qui contribuent aussi à séparer nettement les hémiplégies cérébrales des hémiplégies mésencéphaliques.

Quand les muscles de la face doivent leur paralysie à une lésion des lobes cérébraux, on peut pendant longtemps les faire se contracter à l'aide de l'électricité appliquée sur la peau de la région. C'est qu'alors le pouvoir réflexe du noyau du facial persiste et peut encore obéir aux incitations électriques. Il vient cependant un moment où les résultats deviennent tout à fait négatifs. Mais cela tient à ce que

les muscles et le nerf, condamnés depuis longtemps à un repos absolu, finissent par éprouver une dégénérescence qui n'est que la conséquence passive de leur inertie. Quand l'hémiplégie faciale tient, au contraire, à la protubérance, c'est de suite et avant que les muscles ne se soient altérés que l'électricité se montre impuissante. Elle ne peut plus exciter un centre qui n'existe plus.

Enfin, suivant Davaine, Rosenthal de Vienne, Duchenne, Ziemmser, dans ce dernier cas, les muscles dégénèrent et s'atrophient beaucoup plus vite, parce que les cellules du noyau facial seraient, de même que les cellules des cornes antérieures pour les muscles qui relèvent d'elles, non-seulement des centres moteurs, mais encore des centres trophiques.

Les phénomènes paralytiques n'appartiennent pas seulement aux sphères d'épanouissement des nerfs rachidiens et faciaux. Dans quelques cas, on en observe qui se rattachent, soit au nerf moteur oculaire externe, soit au pathétique, soit au moteur oculaire commun. Presque toujours aussi il y a, pour ces paralysies partielles, alternance avec l'hémiplégie des membres, c'est-à-dire que, de même que pour le facial, la perte de la motilité existe du même côté que la maladie de la protubérance. La 3e paire doit être évidemment compromise dans son tronc et son noyau plutôt que dans ses fibres encéphaliques, puisqu'elle naît au delà de la protubérance. Ce n'est que par compression, ou par extension vers les pédoncules cérébraux, que les maladies du nœud de l'encéphale peuvent l'atteindre, et, dans cette marche ascendante, elles rencontrent forcément le noyau et le nerf lui-même avant les fibres qui le rattachent au centre psychique. Le pathétique, en raison de son origine et de son trajet, ne peut entrer en scène que par suite de la compression à laquelle le développement de la protubérance l'expose. La 6o paire a son noyau dans le bulbe; ses fibres encéphaliques traversent donc nécessairement le mésencéphale et s'y entrecroisent très-probablement, d'après la loi générale. Elle a, par le fait, des rapports plus intimes avec la protubérance et offre plus de prise à ses maladies; en outre, comme elle rase à son point d'émergence le bord inférieur de cet organe, elle a tout autant de droits que la 3o et la 4o paires d'être comprimée ou envahie par propagation. On comprend dès lors pourquoi la paralysie de ces nerfs est presque toujours directe, puisqu'ils sont à peu près constamment atteints dans leurs troncs ou leurs noyaux, au-dessous, par conséquent, de toute espèce d'en

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PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX.

trecroisement. Théoriquement, le moteur oculaire externe semblerait pouvoir donner lieu quelquefois à un effet croisé, lorsque la partie supérieure de la protubérance serait seule malade.

On observe aussi quelquefois une paralysie, ou un affaiblissement des muscles temporal, masséter, ptérygoïdiens, mylo-hyoïdien et ventre antérieur du digastrique. Cela n'a rien d'étonnant, puisque tous ces muscles sont animés par la petite racine du trijumeau qui vient s'adjoindre au maxillaire inférieur, et puisque le trijumeau a son noyau d'origine au centre même de la protubérance. Quand bien même on admettrait, avec certains anatomistes, pour cette courte racine, une origine réelle dans le bulbe, les conséquences resteraient les mêmes, puisqu'elle aurait toujours à traverser toute l'épaisseur de la protubérance pour sortir au niveau du pont de Varole. Lorsque les nerfs masticateurs se trouvent comprimés ou détruits, non-seulement la mastication est devenue impossible, mais la mâchoire inférieure, entraînée par la pesanteur et la tonicité des muscles de la région sous-hyoïdienne, reste abaissée et la bouche est toujours béante. Si on l'élève à la main, elle retombe aussitôt qu'on l'abandonne à elle-même. Lorsque la lésion n'occupe qu'une moitié de la protubérance, c'est toujours du même côté qu'existe la paralysie. Il y a encore, même plus constamment, alternance avec la paralysie du corps. Il en résulte pour l'observateur une déviation de la mâchoire qui ressemble à une luxation.

Enfin il est un dernier nerf qui peut aussi être compromis, c'est le grand hypoglosse. Il y a alors une paralysie des muscles de la langue et, par suite, une difficulté dans l'articulation des sons et l'exécution du premier temps de la déglutition. Ici encore, quand la paralysie est unilatérale, il y a alternance avec l'hémiplégie du corps. Ce n'est évidemment que par les fibres encéphaliques que la maladie du mésencéphale agit.

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