Page images
PDF
EPUB

lieu surtout lorsque la lésion compromettait particulièrement le pont de Varole, ont attribué à ce dernier l'effet produit, et ont pensé que la destruction des fibres transversales de la protubérance produisait la paralysie directe, tandis que celle des fibres longitudinales produisait, au contraire, la paralysie croisée. Restait à interpréter le mode d'action des fibres transversales dans ces circonstances. Carpenter, qui regarde le cervelet comme étant le centre du sens musculaire, pense que les pédoncules cérébelleux moyens viennent apporter aux centres créateurs du mouvement les renseignements nécessaires pour rendre leur action efficace. Sous ce rapport, le cervelet serait, pour ainsi dire, le manomètre de la machine locomotrice. Par l'intermédiaire des pédoncules cérébelleux moyens, la protubérance serait tenue au courant de toutes les variations de niveau de ce manomètre, et le chauffeur serait ainsi parfaitement en mesure de bien régler la pression. A défaut de ces renseignements indispensables, le mécanicien-cerveau s'abstiendrait de commander le mouvement, quoique l'intégrité des autres parties de la protubérance lui assurât la production de la force motrice. Il se passerait ici ce qui se passe chez la grenouille qui laisse inerte la patte dont on a sectionné seulement les fibres sensitives. La paralysie croisée résulterait toujours du défaut de transmission des ordres de la volonté, tandis que la paralysie directe traduirait un arrêt dans l'arrivée des renseignements fournis par le sens musculaire. Rolando et Luys voient, au contraire, dans le cervelet un foyer producteur de force motrice qui serait doué d'une très-grande activité. Selon eux, une bonne partie de ses produits s'écoulerait vers la protubérance par la voie des pédoncules cérébelleux moyens, et ce serait en entravant cet écoulement que les maladies du pont de Varole produiraient la paralysie directe. Ces deux hypothèses supposent évidemment l'existence de la variante anatomique que nous avons signalée dans la structure et d'après laquelle les fibres des deux pédoncules cérébelleux moyens, en s'entrecroisant sur la ligne médiane, relieraient, l'un le lobe droit du cervelet à la moitié gauche de la protubérance, et l'autre le lobe gauche à la moitié droite. Comme les fibres longitudinales qui se rendent à la moelle s'entrecroisent à leur tour avant d'y arriver, il en résulterait que le pédoncule droit agirait en définitive sur les fibres qui, après cet entrecroisement, se rendraient aux muscles du côté droit du corps. Voilà pourquoi, dans les maladies du pont de Varole, la paralysie siégerait du même côté que la

II. POINCARE.

4

lésion centrale. Je suis partisan de la disposition anatomique décrite par Luys; mais je ne crois pas qu'on soit tout à fait en droit d'attribuer aux pédoncules moyens les paralysies directes, car leurs maladies sont loin de les produire toujours. En effet, dans une observation signalée par Serres, je trouve que la paralysie a existé du côté opposé à celui du pédoncule détruit. Dans une autre, due à Schute, il y eut des convulsions du côté opposé sans paralysie. Dans une troisième, tous les muscles avaient conservé leur motilité. Enfin, dans une quatrième seulement, il y eut les conditions que Carpenter donne comme étant la règle générale.

m

Fig. 38.

Schéma relatif aux explications de Carpenter et de Rolando. mm, lobes du cervelet. a, point malade du lobe gauche allant retentir sur le point a' de la moitié droite de la protubérance, lequel va à son tour retentir sur les muscles a' du côté gauche du

corps.

Frappé de cette contradiction flagrante entre les assertions et les faits pathologiques, et s'appuyant seulement sur l'impossibilité de trouver une autre explication, Brown Sequard s'est cru autorisé à appliquer aux paralysies directes de la protubérance sa théorie des paralysies réflexes que nous avons exposée à propos de la moelle. La lésion ou la tumeur titillerait d'une manière permanente les fibres sensitives du pédoncule qui, par l'intermédiaire des centres vasomoteurs, détermineraient une contraction réflexe et continue des vaisseaux de la moitié de la protubérance. Dans cet état d'anémie, celle-ci se trouverait dans l'impossibilité de fonctionner, et les muscles correspondants seraient condamnés à l'inertie. Dans ce mécanisme, la tumeur représenterait la maladie du rein ou de la vessie; les fibres du pédoncule, le plexus rénal qui transmet l'impression morbide aux centres vaso-moteurs, et la moitié de la protubérance, la

[ocr errors]

moelle anémiée qui paralyse les membres abdominaux. Selon Brown Sequard, ce qui prouve bien que la maladie du pédoncule moyen n'agit qu'à titre de cause d'irritation, c'est tout justement la variété des résultats signalés dans les quatre observations que possède la science. Rien, dans l'innervation, n'est variable et inconstant comme les phénomènes réflexes. Ainsi, du côté de la moelle, une cause de titillation n'amène pas toujours forcément ou une paralysie, ou des convulsions. Les vers intestinaux, la dentition en déterminent chez les uns et n'en engendrent pas chez les autres. C'est pourquoi les mêmes conditions d'excitation du pédoncule moyen ont pu produire une action réflexe sur les vaso-moteurs et déterminer une paralysie, soit directe, soit croisée, en anémiant l'une ou l'autre des deux moitiés latérales de la protubérance; tandis que, dans le troisième cas, le réflexe, au lieu de retentir sur les centres vaso-moteurs, a ébranlé le centre locomoteur et a donné naissance à des convulsions; et que, dans le quatrième cas, la titillation n'a eu absolument aucun retentissement et n'a troublé en rien la motilité.

Il faut l'avouer, cette théorie a l'avantage de ne créer aucun embarras et de s'appliquer à tous les faits inexplicables. Mais c'est tout justement parce qu'elle est si élastique et parce qu'elle explique trop de choses qu'elle perd un peu, à mes yeux, sous le rapport de la rigueur scientifique. D'ailleurs, comme l'anémie partielle invoquée n'a jamais pu et ne pourra jamais être constatée de visu, elle reste à l'état de simple supposition et, hypothèse pour hypothèse, j'aime presque autant celle que je vais me permettre de vous proposer. La pathologie et la physiologie nous montrent qu'entre les deux pédoncules cérébraux et la moelle, les conducteurs doivent s'entrecroiser tous sans exception. La décussation qui s'opère d'une manière appréciable à l'œil, au niveau du bulbe, est véritablement insignifiante relativement à la masse de ces conducteurs. Donc, le croisement doit s'effectuer surtout ailleurs. Dans un de ses Mémoires, Brown Sequard a pensé devoir placer le maximum du phénomène anatomique au niveau de la partie supérieure de la moelle cervicale. Mais la plupart des physiologistes le placent, au contraire, dans la protubérance. C'est à cette dernière opinion que nous avons cru devoir nous ranger déjà antérieurement. Elle est de nature à nous fournir l'explication que nous cherchons en ce moment. En supposant que la décussation s'effectue à la partie inférieure de la protubérance, cel qui est probable, puisqu'elle s'achève dans le bulbe, on comprend

que les maladies de cet organe devront produire une paralysie croisée toutes les fois qu'elles siégeront au-dessus du point d'entrecroisement, et une paralysie directe lorsqu'elles seront situées au-dessous. Le rapprochement de ce point avec le bulbe expliquerait aussi trèsbien la plus grande fréquence des paralysies croisées. Il est vrai que, puisque la décussation ne s'achève que plus bas, l'hémiplégie ne devrait pas être complète et un certain nombre des muscles de l'autre côté devraient être paralysés. Mais un même muscle reçoit un grand nombre de fibres motrices, et il ne répugne pas d'admettre que, par mesure de prévoyance, la nature ait fait en sorte que chaque muscle reçoive beaucoup de fibres à entrecroisement mésencéphalique et quelques fibres à entrecroisement bulbaire. Dans ces conditions, il a pu résulter, pour le groupe musculaire du côté non paralysé, un simple affaiblissement bien propre à passer inaperçu pour un observateur non prévenu.

3o Enfin, lorsque la lésion est presque insignifiante et n'occupe qu'un point très-limité de la protubérance, on peut se trouver en présence de tous les cas possibles. Il peut n'exister aucune paralysie musculaire, ou bien la perte du mouvement n'est que très-partielle et porte tout au plus, soit sur un seul bras, soit sur une seule jambe. Ces deux cas sont les plus fréquents et ils s'accordent parfaitement avec le peu d'étendue de la lésion centrale. Mais il est des circonstances où, avec les mêmes conditions anatomiques, il y a une hémiplégie complète et même une paralysie générale. Brown Sequard explique encore cette inconstance dans les résultats à l'aide de sa théorie de la paralysie réflexe. Mais en consultant les observations, on voit que les faits d'hémiplégie ou de paralysie générale se sont surtout produits sous l'influence de petites hémorrhagies. Or, nous verrons que, dans les lobes cérébraux, un petit noyau apoplectique paralyse tout autant qu'un noyau plus considérable. Cela tient à certaines dispositions qui sont moins complètes dans la protubérance que dans le cerveau, et qu'il conviendra mieux, par conséquent, de préciser à propos de ce dernier. Mais le mésencéphale les subit encore suffisamment pour nous expliquer ces cas exceptionnels de paralysies étendues.

Les muscles animés par le nerf facial se montrent aussi très-souvent paralysés dans les maladies de la protubérance. Ils peuvent l'être seuls ou l'être en même temps que les muscles des membres. C'est cette combinaison qui se présente le plus généralement; et

alors presque toujours la paralysie de la face existe du côté opposé à celui de la paralysie du corps, c'est-à-dire que la première est directe et correspond à la moitié de la protubérance qui se trouve être lésée, tandis que l'hémiplégie du corps est croisée et siége du côté opposé à la lésion. Cette combinaison a reçu le nom d'hémiplégie alterne ou de paralysie dimidiée. Les travaux de Gubler ont surtout contribué à attirer l'attention des médecins sur l'importance pathognomonique de cette association de paralysies. Dans les hémiplégies d'origine cérébrale, les muscles de la face et du corps sont atteints du même côté, c'est-à-dire que la paralysie est croisée pour la face aussi bien que pour les membres. L'alternance ne se rencontre, a-t-on dit, que dans les maladies de la protubérance, de sorte qu'elle permettrait de les diagnostiquer à coup sûr, si elles paralysaient toujours à la fois les muscles de la face et du corps. L'assertion est relativement vraie; elle n'a que le tort d'avoir été présentée d'une manière trop exclusive. Il est dans la science un certain nombre de cas où les lésions de la protubérance donnèrent lieu à une paralysie croisée à la fois pour la face et les membres, absolument comme celles des lobes cérébraux. Rien n'est plus facile que de s'expliquer la règle générale et l'exception. Il est évident que les conducteurs qui relient les nerfs faciaux aux sphères psychiques doivent s'entrecroiser quelque part, puisque les maladies du cerveau produisent sur eux un effet croisé. Il est peu probable que cet entrecroisement s'opère entre les nerfs faciaux proprement dits, car ils viennent nettement se terminer dans les cellules de deux noyaux distincts, situés dans la partie supérieure du bulbe, et jusque-là ils ne paraissent pas entrer en décussation d'après les dissections les plus attentives. Il doit donc s'effectuer entre les fibres qui, nées des mêmes cellules, vont relier ces noyaux aux parties plus élevées de l'encéphale. C'est d'autant plus probable, que la nature obéit généralement à la loi de l'unité de plan. Ce sont les fibres encéphaliques des nerfs rachidiens qui s'entrecroisent; ce sont aussi les fibres encéphaliques des nerfs faciaux qui doivent s'entrecroiser. Les noyaux de ces nerfs sont situés tellement près de la protubérance, que la décussation ne peut avoir lieu que dans cet organe, puisque, d'un autre côté, elle est matériellement impossible au delà. Dès lors, il est évident que toute altération siégeant au-dessous du point d'entrecroisement produira une paralysie faciale du même côté, tandis que les fibres encéphaliques médullaires, qui se trouvent aussi en

« PreviousContinue »