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sclérose, puisque c'est là une des altérations spéciales de la névroglie, et que celle-ci existe dans tous les centres nerveux. Mais, tandis que la moelle, particulièrement les cordons postérieurs sont très-souvent sclérosés et rarement le siége de tubercules, c'est ce dernier genre de déviation de nutrition qui l'emporte sur la sclérose dans la protubérance. Comme dans la moelle, elle peut être en plaques ou diffuse. Dans ce dernier cas, ou bien elle occupe toute une moitié latérale de l'organe, ou bien elle franchit la ligne médiane, et, dès lors, elle devient presque fatalement générale et envahit la totalité de la protubérance. Au point de vue de la physiologie pathologique, il faut surtout se rappeler que là, comme partout ailleurs, elle peut parcourir deux phases: l'une inflammatoire, pendant laquelle la partie malade se montre turgescente et les éléments nerveux surexcités; l'autre atrophique, pendant laquelle la masse diminue de volume, se ratatine, et où les agents nerveux sont anéantis. Ces mouvements successifs d'expansion et de retrait ont pour résultat de déformer l'organe lorsque la sclérose est partielle. Ce n'est du reste que dans cette dernière circonstance qu'on peut trouver le durcissement et l'atrophie. Lorsque toute la protubérance est prise, la mort survient trop vite pour que la seconde période ait le temps de s'établir. Dans l'épaisseur de la partie sclérosée, on trouve quelquefois de petits foyers hémorrhagiques, accidents de la phase inflammatoire primitive. Parfois aussi on y trouve des artérioles tortueuses qui, par leur disposition, rappellent les anévrysmes cirsoïdes. Cet aspect des artères s'explique parfaitement, puisque le terrain dans lequel elles s'étalaient antérieurement tout à leur aise, s'est ratatiné. Le vaisseau qui ne diminue pas de longueur est obligé de s'onduler pour rester contenu dans un espace plus court.

La névroglie de la protubérance paraît peu apte au développement de ces tumeurs variées que l'on groupait autrefois sous le nom générique de cancer. Jusqu'à présent la science ne possède que dix cas rentrant dans cette catégorie. Dans quelques-uns seulement le microscope est venu spécialiser la véritable nature de la tumeur. Deux fois celle-ci se montra formée par des cellules fusiformes terminées par deux extrémités allongées. Il s'agissait incontestablement de la production morbide que Cornil appelle: sarcome fasciculé, et qui est plus généralement connue des médecins sous le nom de tumeur fibro-plastique. Ce n'est autre que du tissu embryonnaire qui a déjà subi une ébauche d'organisation dans le sens du tissu

conjonctif. Dans un troisième cas, l'inspection permit de constater l'existence d'un stroma fibreux, circonscrivant un système d'alvéoles remplies de cellules libres et à forme variée. C'était nettement un carcinome.

Deux fois on a signalé la présence de kystes; mais à une époque où les procédés d'analyse étaient bien au-dessous du niveau qu'ils ont atteint aujourd'hui et les donnés fournies alors ne permettent pas de se prononcer ni sur leur nature, ni sur leur mode de formation.

Ajoutons enfin que la protubérance peut être lésée d'une manière traumatique dans les chutes ou les chocs qui portent sur la tête. Mais sa consistance semble la mettre plus à l'abri des conséquences de ces accidents que les autres parties de l'encéphale, car on la trouve beaucoup plus rarement atteinte. Lorsqu'il en est ainsi, on constate de petites hémorrhagies diffuses, des ruptures de fibres et par suite une désorganisation plus ou moins complète du tissu.

Physiologie pathologique générale.

Rien n'est plus mobile et surtout plus varié que l'appareil symptomatique des maladies de la protubérance. La solidarité à la fois anatomique et physiologique que cet organe contracte avec le cervelet, le bulbe, les tubercules quadrijumeaux, et même le cerveau, entraîne une solidarité pathologique tout aussi complète. Les symptômés communs à tous les malades, les symptômes constants se réduisent à fort peu de chose et sont presque toujours masqués par des symptômes que je suis tenté d'appeler d'emprunt et qui varient avec le siége de la lésion de la protubérance. Cette complication des phénomènes est d'autant plus marquée, que les lésions intimes ne s'arrêtent pas toujours juste à la protubérance et envahissent plus ou moins les cordons qui y aboutissent ou qui en émanent; d'autant plus encore que l'altération consiste souvent en une tumeur qui peut indirectement comprimer ou irriter les parties voisines.

Comme pour la moelle et le bulbe, je vais d'abord me placer à un point de vue général et étudier les troubles fonctionnels d'après leur nature et les fonctions dont ils relèvent. J'analyserai ainsi successivement les troubles de la motilité, de la sensibilité générale, de

la sensibilité spéciale, de la phonation; les troubles intellectuels, urinaires, digestifs, respiratoires, circulatoires et calorifiques.

Troubles de la motilité. Ils peuvent être de nature paralytique, c'est-à-dire consister soit en une abolition, soit en un affaiblissement des actes moteurs normaux; ou bien constituer un mode de perversion de ces actes et traduire un état d'exaltation de l'organe.

Les premiers sont de beaucoup les plus fréquents. Ils dominent dans la pathologie humaine. Ils n'ont manqué que deux fois dans les observations publiées jusqu'à ce jour. Ils peuvent porter, soit simultanément, soit isolément, sur les muscles du tronc et des membres, sur ceux de la face, sur ceux de la langue, sur ceux de l'œil. Dans l'analyse physiologique des phénomènes paralytiques du tronc et des membres, il faut considérer successivement trois cas : 1o celui où la totalité de la protubérance se trouve compromise; 2o celui où elle n'est atteinte que dans une de ses moitiés latérales; 3o celui où la lésion n'occupe qu'un point excessivement restreint.

1o Lorsque la presque totalité de la protubérance est envahie par la lésion et surtout lorsque celle-ci s'établit brusquement, comme dans le cas d'hémorrhagie considérable, c'est une paralysie générale de tout le corps que l'on observe. Il ne saurait en être autrement, puisque la protubérance concentre en elle, comme dans un anneau coulant, toutes les fibres qui relient les muscles du tronc et des membres avec les lobes cérébraux. Tous échappent forcément à la fois à l'influence de la volonté. Une hémorrhagie d'un lobe cérébral ou d'un pédoncule cérébral ne peut jamais amener qu'une paralysie des muscles d'un seul côté du corps, parce qu'au delà de l'anneau les fibres encéphaliques qui relient les cornes antérieures au cerveau, se séparent en deux faisceaux qui correspondent exactement chacun à une des moitiés latérales du système musculaire. La protubérance seule présente les conditions anatomiques et physiologiques nécessaires pour la réalisation d'une paralysie brusque et générale. Comme les maladies du cervelet ne peuvent pas non plus donner lieu à une paralysie complète et rapide, il s'ensuit qu'on peut regarder la paralysie totale comme pathognomonique d'une destruction brusque et considérable de la protubérance. C'est cette considération qui a permis encore dernièrement à M. Liouville de poser un diagnostic qui a été parfaitement justifié par l'autopsie. Dans ces conditions, la paralysie générale cst d'autant plus assurée, que la destruction de la protubérance supprime la partie la plus

importante de la machine locomotrice, en même temps que la transmission des ordres de la volonté. Ce n'est pas seulement dans les hémorrhagies considérables qu'on assiste à ce résultat. Il vient presque toujours terminer la scène dans les cas de tumeur, qui, pendant longtemps, n'ont donné lieu qu'à des symptômes partiels, parce qu'à la moindre occasion, il survient une congestion ou une hémorrhagie consécutive qui viennent parachever l'œuvre commencée.

En revanche, des individus n'ayant, pendant toute leur vie, présenté aucun trouble de la motilité, ont été trouvés, à l'autopsie, porteurs d'une tumeur même volumineuse; on a émis plusieurs hypothèses pour expliquer ces faits exceptionnels.

Godelier a pensé que la protubérance n'était pas le seul lieu de passage capable de mettre en communication la moelle et le cerveau, et qu'il y avait en dehors d'elle des fibres nerveuses capables de suppléer à l'action interrompue du mésencéphale et de transmettre les ordres du cerveau. Mais, quand on regarde la disposition générale de l'encéphale, on est forcé de reconnaître que cette transmission d'occasion ne pourrait se faire que par les pédoncules cérébelleux supérieurs, le cervelet et les pédoncules cérébelleux inférieurs (de sorte que l'ébranlement moteur volontaire, qui, dans l'état normal, suivait la ligne directe A B, pourrait au besoin suivre la ligne brisée A C B). Cette supposition a d'abord contre elle d'être complétement en désaccord avec ce que l'anatomie et la physiologie expérimentale nous enseignent sur les rôles probables des pédoncules

Fig. 37.

Schéma relatif à l'explication Godelier. M, courbe représentant le lobe du cervelet. ab, voie directe et normale à travers la protubérance. acb, voie de suppléance ȧ travers les pédoncules cérébelleux supérieurs (ac) et les pédoncules cérébelleux inférieurs (cb).

cérébelleux supérieurs et inférieurs. En outre, on ne comprendrait pas pourquoi il y aurait presque toujours paralysie quand la protu

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bérance est seule malade, et alors que ces pédoncules, ainsi que le cervelet, se trouvent parfaitements intacts. Pourquoi la nature négligerait-elle presque toujours cette ressource qu'elle se serait créée elle-même? Un suppléant entre toujours en fonctions toutes les fois qu'il le doit et que rien ne l'en empêche.

Brown Sequard a eu recours à une hypothèse tout aussi gratuite en disant qu'exceptionnellement les débris des fibres, interrompues par le développement d'un produit pathologique, peuvent communiquer entre eux d'une façon plus ou moins indirecte, par l'intermédiaire d'anastomoses avec les cellules restées intactes. Ces cellules seraient comme plusieurs leviers coudés qui rétabliraient la continuité en rendant toutefois le trajet très-sinueux, mais possible. La volonté pourrait encore ainsi, par des voies détournées, transmettre ses ordres aux fragments inférieurs de toutes les fibres encéphaliques et par conséquent aux muscles qui leur correspondent.

Dans l'impossibilité où l'on est de vérifier la précédente assertion, mieux vaut encore admettre l'explication de Funck. Selon lui, l'exception n'est possible que dans le cas de tumeurs qui se sont développées très-lentement; grâce à leurs progrès insensibles, ces productions peuvent se creuser une loge dans le tissu d'un organe sans l'entamer, écarter ses fibres sans les déchirer. Elles compriment ses éléments, les rendent plus minces, mais ne les détruisent pas. Les moyens d'action se trouvent seulement un peu affaiblis et gênés.

2o Dans le cas où la lésion occupe une moitié de la protubérance presque entièrement, la règle c'est la paralysie de tout le côté opposé du corps. On explique cette paralysie croisée par le fait de l'entrecroisement des pyramides qui a lieu au-dessous. La protubérance se trouve ainsi exactement dans la même situation que le cerveau et, comme lui, elle doit commander aux muscles du côté opposé par chacune de ses moitiés; comme lui, ses lésions unilatérales doivent donner lieu à une paralysie croisée, tandis que pour la moelle, c'est une paralysie directe que l'on observe, par la raison que cette portion de l'axe est située au-dessous de l'entrecroisement des conducteurs. Mais malheureusement la pathologie nous montre des exceptions à cette règle générale. Il est des cas où la paralysie a lieu du même côté que la maladie de la protubérance. Il y a là une difficulté théorique qu'on n'est pas encore parvenu à lever d'une manière satisfaisante.

Plusieurs auteurs, ayant remarqué que la paralysie directe avait

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