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et qu'un certain nombre ne sont autres que des globules blancs du sang qui ont traversé les parois des vaisseaux. Ce qui semble, entre autres raisons, justifier cette opinion, c'est que dans le même moment les gaines lymphatiques se montrent gorgées de leucocytes. Quoi qu'il en soit, ces divers noyaux éprouvent ultérieurement la dégénérescence graisseuse. En même temps, les éléments nerveux deviennent aussi graisseux; double source d'une production abondante de corps granuleux et d'une dissociation du tissu dont la consistance diminue, et dès lors le ramollissement est constitué. Ce travail inflammatoire peut aussi aboutir exceptionnellement à la production d'un abcès qui n'est en définitive que le résultat d'une production nucléaire plus considérable dont les éléments meurent sans devenir des corpuscules de Gluge. On n'a encore rencontré dans la protubérance que deux fois cette terminaison par abcès. L'un de ces foyers avait le volume d'une petite olive contenant environ un gramme de pus et occupait la limite postérieure de la masse latérale droite de la protubérance. Il fut constaté par Forget. L'autre, observé par Meynert, avait le volume d'une noisette et siégeait dans l'épaisseur de la couche profonde des fibres transversales.

Dans le ramollissement par défaut de nutrition, le point de départ est une altération vasculaire qui apporte un obstacle à l'entretien de la vie normale dans les éléments nerveux. Privés plus ou moins complétement de leurs moyens d'alimentation, ces éléments éprouvent la mort graisseuse. Les lésions vasculaires susceptibles d'amener ce résultat peuvent siéger isolément ou simultanément dans les veines, les artères et les capillaires. Les altérations artérielles sont de deux sortes: les oblitérations et les rétrécissements.

1o Les obliterations artérielles sont dues, soit à une embolie, soit à une thrombose.

L'oblitération par embolie se produit surtout dans les maladies cardiaques. Un caillot formé aux orifices du cœur se détache, est entraîné et vient obstruer l'artère basilaire ou une de ses branches. Il en résulte immédiatement une stase sanguine dans toute la région irriguée par ce vaisseau; puis, après un temps généralement assez court, les granulations normales des cellules sont remplacées par des gouttelettes de graisse. La moelle des tubes nerveux se segmente et chaque fraction finit par se résoudre en une multitude de petites granulations graisseuses. Le sang qui se trouvait dans le réseau capillaire au moment de l'arrivée de l'embolie et qui s'est trouvé con

damné à l'immobilité, faute d'impulsion à tergo, s'est altéré lui-même sur place. Sa fibrine coagulée est devenue granuleuse; ses globules ne sont plus représentés que par des grains de pigment, seuls débris de leur destruction spontanée; enfin les cellules plasmatiques de la névroglie sont passées à l'état de corpuscules de Gluge. Tant que ces divers éléments restent remplis de granulations graisseuses, la région malade se montre tuméfiée et d'une consistance molle. Mais peu à peu ce contenu granulo-graisseux est résorbé en partie, et il ne reste plus qu'une substance vaguement fibrillaire, parsemée d'aiguilles de margarine et d'acide stéarique qui sont comme la momification de la graisse qui a échappé à la résorption. A ce moment, l'ensemble, loin d'être tuméfié et ramolli, se montre affaissé et doué d'une certaine résistance; ce n'est là qu'une dessiccation apparente, car un simple filet d'eau suffit pour amener une dissociation complète. Il est des cas où la phase finale revêt un aspect tout différent. Par un phénomène moléculaire dont on n'a pu saisir le mécanisme, la partie frappée de mort se liquéfie complétement et apparaît comme un kyste rempli d'un liquide analogue à un lait de chaux; c'est une émulsion de granulations graisseuses au sein de laquelle nagent quelques cristaux de principes gras. Il faut le dire, cette forme qui est assez fréquente dans les lobes cérébraux, est, au contraire, très-rare dans la protubérance, sans doute à cause de sa grande consistance.

On a donné le nom de thromboses aux caillots qui se forment sur place au lieu d'être apportés par le torrent sanguin de points plus ou moins éloignés de celui où on les trouve arrêtés et fixés. Mais qu'un caillot ait été l'objet d'une migration ou qu'il soit né sur place, c'est toujours au fond un seul et même obstacle mécanique qui, pour la circulation et la nutrition locale, doit toujours entraîner les mêmes conséquences. Dans l'un et l'autre cas, les moyens d'alimentation de la substance nerveuse sont supprimés, et celle-ci se trouve fatalement condamnée à la dégénérescence graisseuse qui représente la mort par inanition et inertie de tous les éléments histologiques. Toutefois, pour l'investigation microscopique, le ramollissement provoqué par des thromboses artérielles offre toujours un cachet particulier, c'est que les altérations des éléments nerveux se trouvent toujours compliquées de modifications matérielles des parois des vaisseaux. En effet, les caillots sur place sont toujours engendrés, soit par une artérite, soit par une dégénérescence athéromateuse des vaisseaux.

2. De simples rétrécissements des artères peuvent avoir les mêmes conséquences qu'une obstruction complète. Très-souvent l'artérite et la dégénérescence athéromateuse ne provoquent la coagulation que des couches sanguines les plus excentriques. Ces terrains d'alluvion ne font que rétrécir la lumière des vaisseaux sans l'obstruer tout à fait. Le sang arrive encore aux éléments nerveux, mais en si faible quantité qu'ils ne font plus que végéter. Ils s'étiolent de plus en plus et marchent à pas de plus en plus précipités vers le moment qui doit terminer leur misérable vie. Leur mort est tout aussi assurée que dans le cas d'obstruction complète. Elle a lieu à échéance plus longue, voilà tout.

L'obstruction des veines n'est déterminée que par des thromboses engendrées elles-mêmes par des phlébites. L'embolie, étant toujours arrêtée par les dernières ramifications artérielles, ne saurait, à plus forte raison, franchir le champ intermédiaire et plus étroit des capillaires. Quoique placé au delà du cercle d'irrigation de la région, le caillot n'entrave pas moins la nutrition locale en empêchant le renouvellement du sang, et l'étiolement ne tarde pas à se manifester.

Enfin, les capillaires peuvent produire le ramollissement par un mécanisme tout différent, sans être obstrués ni rétrécis par un caillot, en ayant seulement leurs parois parsemées de granulations graisseuses. Cette altération survenue dans leur structure suffit pour apporter une grande gêne dans l'échange des matériaux nutritifs. Ce n'est plus l'arrivée du sang, mais l'exhalation du plasma réparateur qui fait défaut.

Un mot encore, avant de nous quitter, pour justifier cette théorie générale du ramollissement non inflammatoire. Ce qui prouve bien que, dans toutes les circonstances précédentes, la mort du tissu nerveux est bien la conséquence de l'altération vasculaire, c'est qu'on peut la provoquer artificiellement chez les animaux en agissant sur les vaisseaux d'une manière analogue. Si on lie une artère ou une veine, ou même si on se contente de produire un simple rétrécissement à l'aide d'une ligature incomplète, on voit survenir des ramollissements identiques à ceux qu'on trouve tout formés chez l'homme.

VINGT-SEPTIÈME LEÇON.

MESSIEURS,

Quoique ce cours soit appelé à conserver un caractère purement physiologique, même sur le terrain de la pathologie, nous avons dû déjà consacrer un temps relativement considérable à l'anatomie pathologique de la protubérance. C'est qu'en effet l'anatomie pathologique est tout aussi inséparable de la physiologie pathologique que l'anatomie normale peut l'être de la physiologie normale. Dans l'un et l'autre cas, la partie anatomique est la base de la partie physiologique. Aussi ne vais-je pas hésiter à passer en revue encore les autres genres d'altérations qu'on a pu rencontrer dans la protubérance. D'ailleurs, les recherches expérimentales des anatomo-pathologistes, qui ont eu pour but de déterminer artificiellement quelques-unes des lésions du tissu nerveux et de nous faire assister ainsi à leur mécanisme, n'ont porté que sur l'encéphale. Là seulement, par conséquent, nous pouvions les étudier en détail et il était naturel de le faire à propos du premier organe auquel les résultats de ces recherches soient directement applicables. Les données que nous accumulons en ce moment se trouveront donc être acquises et nous dégagerons ainsi d'autant les leçons qui seront relatives au cervelet et aux lobes cérébraux.

Nous devons rapprocher du ramollissement une altération particulière, sur la nature de laquelle on a plusieurs fois varié d'opinion et qui, si j'en juge par mon observation personnelle, doit se rencontrer assez souvent dans la protubérance. Elle consiste dans la formation de petites cavités dont les plus grandes ont à peine le volume d'une lentille et qu'on appelle lacunes ou foyers pisiformes. Il en existe toujours beaucoup à la fois dans l'organe, de sorte qu'à la coupe il présente assez l'aspect d'un crible. D'où le nom d'état crible qu'on a donné aussi à ce genre de lésion. Elles se montrent

surtout dans la substance grise centrale. Durand-Fardel les attribue à des dilatations vasculaires résultant de congestions répétées. Suivant Proust, ce seraient des vides laissés par d'anciens petits foyers hémorrhagiques ou par de petits ramollissements entièrement résorbés. Suivant d'autres auteurs, ils seraient le résultat d'un mode de destruction spécial du tissu nerveux.

Après les hémorrhagies, le ramollissement et les lacunes, ce qu'on rencontre le plus souvent dans la protubérance, ce sont des tubercules. Toutefois, elle constitue un terrain moins propre à leur développement que le cervelet et le cerveau. C'est surtout dans l'enfance que le processus morbide prend cette direction, sans doute parce qu'alors la névroglie qui, seule, peut être le point de départ de ce genre de production, est dans toute sa vigueur de transformation et plus apte aux déviations de la nutrition intime. On n'en a jamais constaté au delà de 32 ans. Ce qui doit aussi donner la main à ces déviations, c'est l'activité nutritive dont la protubérance est le siége · dans les premières années de la vie. A cette époque, les centres locomoteurs n'ont pas encore atteint leur complet développement, et c'est ce qui fait que chez les animaux supérieurs la marche semble avoir besoin d'une si longue éducation. Le travail morbide, une fois commencé, tend à prendre une rapide extension, car on rencontre rarement dans la protubérance des tubercules à forme miliaire. A l'autopsie, on se trouve le plus souvent en présence de véritables tumeurs qui peuvent même acquérir le volume d'un œuf. La force de développement est telle que la protubérance, malgré sa résistance habituelle, peut se déformer et augmenter considérablement de volume. Histologiquement, les tubercules se conduisent dans la protubérance absolument comme dans tous les points de l'économie. Comme partout, ils débutent par de petites nodosités de 1,, de millimètre à 2 millimètres, offrant une certaine dureté, étant comme enchassées dans le tissu sain sur lequel elles forment une légère saillie et entourées d'une petite zone vasculaire. Comme partout, ils résultent d'une prolifération locale des cellules de la substance conjonctive, cellules qui, ultérieurement, s'étiolent et se transforment en granulations graisseuses en procédant du centre de la nodosité vers sa périphérie. De cette transformation résulte, pour l'œil, une petite masse d'aspect caséeux qui peut prendre des proportions considérables par la fusion de toutes les nodosités voisines.

De même que la moelle, la protubérance peut être atteinte de

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