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qu'elle subit. Au delà du corps strié, de nouveaux moyens de transmission se trouvent encore réunis en un faisceau qui peut parfois être englobé dans les altérations des milieux qu'il traverse. C'est ainsi qu'on a vu des maladies des pédoncules cérébraux et de la protubérance donner lieu à une véritable aphasie. Dans le bulbe, ce n'est plus une simple voie de passage que rencontre le courant vocal, mais les noyaux des faciaux, des glosso-pharyngiens, des spinaux et des grands hypoglosses qui, par leurs moyens d'association et par leur organisation préétablie, se prêtent aux effets d'harmonie du langage, isolent les cordes, les réfléchissent comme par des poulies de renvoi et leur assurent à la fois la solidarité et l'indépendance. C'est le dernier terme et le lieu de perfectionnement de la machine nerveuse de la parole. Aussi, l'aphasie bulbaire se présente-t-elle avec un cachet particulier. Elle ne consiste plus dans la perte de la mémoire des mots, ou dans le mauvais choix des expressions, ou dans l'impossibilité de transmission de l'ébranlement, mais elle porte sur le défaut de prononciation de tous les mots. C'est le bégayement ou les troubles d'articulation de la paralysie glosso-labio-laryngée.

Il est toutefois un fait qui semble plaider contre notre interprétation du mécanisme de la parole et indiquer qu'il existe réellement un centre présidant au choix de toutes les manifestations de la pensée, c'est que chez beaucoup d'aphasiques les troubles portent aussi bien sur le langage écrit que sur le langage parlé. Il est des malades qui tracent des lettres non appropriées, ou même de simples lignes droites, brisées ou circulaires, à la place des signes conventionnels. Il est naturel, en effet, de penser que, puisque l'aphasique, en perdant le plus souvent un seul et même point de son cerveau, se trouve privé de l'aptitude d'adapter à la fois, à une même idée, les différents modes de signe, il doit y avoir là le foyer d'une véritable faculté expression et non une simple réunion de tous les éléments à détermination vocale. Mais d'abord le fait n'est pas général. La parole peut disparaître sans l'aptitude à l'écriture, et celle-ci peut aussi être seule atteinte; ce qui paraît indiquer que ce ne sont pas les mêmes cellules ni les mêmes fibres qui, dans les deux cas, obéissent aux sensations sensorielles et intellectuelles. En outre, pour ceux chez lesquels la cause première de la maladie se trouve dans la mémoire et l'intelligence, on comprend que tous les moyens de manifestation se trouvent à la fois comme non avenus. Enfin, les éléments nerveux à détermination digitale ne sont probablement

pas éloignés des éléments à action vocale dans la couche corticale, dans les fibres cortico-striées et dans les corps striés. Il reste à lever une dernière difficulté, qui est aussi embarrassante toutefois pour les autres théories de l'aphasie que pour la nôtre. Comment, avec une destruction unilatérale, peut-il y avoir une abolition complète de la parole, puisque le point homologue de l'hémisphère sain devrait encore pouvoir fonctionner? Sous ce rapport, il est encore plus rationnel, plutôt que de regarder, ainsi que l'a fait Broca, l'hémisphère droit comme un fonctionnaire en non-activité au point de vue de l'élocution, d'admettre que cette fonction exige absolument le concours simultané des deux agents similaires, et que, lorsque l'un fait défaut, l'autre se trouve, par le fait, réduit à l'inertie. Il y a peut-être une raison à ceci à laquelle on n'a pas songé. Le son et son articulation sont l'œuvre des modifications moléculaires des deux cordes vocales et du porte-voix dans son entier, c'est-à-dire de la totalité du larynx, du pharynx, de la cavité buccale, etc. Ce qu'il lui faut pour être produit, ce n'est pas une demi-gouttière, mais un tube; il lui faut l'activité harmonique des muscles congénères de cet instrument. Quand un de ses côtés est paralysé, cet instrument ne peut pas plus produire des sons articulés qu'une flûte qui serait coupée en deux suivant son axe longitudinal.

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Hystérie.

Sommaire descriptif. Dans l'esprit du monde, le mot hystérie n'éveille généralement que l'idée d'un état psychique qui touche de près à l'immoralité; et, sous le titre générique d'attaques de nerfs, on regarde comme étant tout à fait à part les convulsions hystériques. Celles-ci sont, au contraire, considérées comme la caractéristique de l'affection par bon nombre de praticiens. L'erreur est aussi grande de part et d'autre, car les tendances érotiques forment l'exception, et les phénomènes convulsifs sont loin d'être constants. En réalité, l'observation clinique démontre que, si on veut conserver l'entité morbide qui a reçu le nom d'hystérie, il faut absolument la regarder comme un vice de l'innervation, excessivement mobile dans ses effets, qui peuvent se montrer à la fois sur tous les points du système nerveux ou rester limités à un ou plusieurs de ses départements. C'est pourquoi les symptômes qu'elle est susceptible d'offrir se trou

vent être de nature, les uns, sensitive; d'autres, motrice; d'autres, nutritive; enfin, d'autres, psychique. Les troubles de la sensibilité consistent, avant tout, en une hypéresthésie générale, qui fait que les malades apprécient des différences de poids, de température et de surface tout à fait imperceptibles. Ils reconnaissent tous les objets par le simple toucher. De là découlent, pour le public, une foule de faits qui prêtent considérablement au merveilleux. La même exaltation se retrouve dans les autres organes des sens. Une lumière faible, un bruit léger les incommodent. Il en est qui s'évanouissent sous l'influence du parfum d'une fleur. Ils peuvent toutefois avoir le bé néfice de ce perfectionnement morbide. Ils entendent des bruits non appréciables pour les autres. Transformés en véritables limiers, ils arrivent à distinguer les personnes par l'odorat. En même temps, des douleurs névralgiques spontanées apparaissent, particulièrement sur le trajet des nerfs trijumeau, sciatique, intercostaux et mammaire. Il existe surtout une céphalalgie assez fixe au sommet de la tête, sur un point de la suture sagittale; c'est là ce qu'on a appelé le clou hystérique. On constate aussi de fréquentes névralgies viscérales, siégeant dans l'estomac, l'intestin, le foie, l'utérus et les ovaires. Ce qu'il y a de singulier, c'est qu'au milieu de cette grande impressionnabilité du système nerveux sensitif, on peut voir apparaître de l'anesthésie plus ou moins prolongée, soit dans une seule région, soit dans la moitié inférieure du corps, soit dans sa moitié latérale, et, dans ce dernier cas, elle siége toujours à gauche. De plus, les muqueuses sont constamment atteintes en même temps que la peau. Les viscères seuls semblent lui échapper. La perte de la sensibilité générale peut ne porter que sur quelques-uns de ses modes, mais elle a lieu surtout pour le sens de la douleur et pour celui de la température. Les troubles de la motilité peuvent consister aussi en des phénomènes d'exaltation musculaire ou de paralysie. Les premiers affectent généralement la forme d'accès, et ceux-ci offrent deux variétés bien distinctes dans l'une, le spasme musculaire est avant tout viscéral et reste limité à la sphère de distribution du grand sympathique et des nerfs crâniens. De là des contractions violentes du sphincter de la vessie, qui déterminent de l'ischurie; de l'estomac et de l'œsophage, qui produisent des vomissements; de l'intestin, qui se manifestent par des borborygmes; du cœur, qui donnent lieu à des palpitations violentes; de l'appareil respiratoire, qui se traduisent par des sanglots, de la dypsnée et une toux bruyante; des muscles

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de la face, qu'expriment le rire sardonique et le trismus. Dans l'autre, il envahit tous les muscles de la vie animale, et il constitue l'attaque, type de l'hystérie. On a alors sous les yeux une scène qui, au premier abord, rappelle celle du haut-mal de l'épilepsie. Une observation sérieuse fait bien vite constater de nombreuses différences. La chute n'est pas aussi brusque. La malade a le temps de choisir le lieu qui offre le moins de danger. Elle ne perd pas connaissance et entend tout ce qui se dit autour d'elle. Les secousses ont quelque chose de plus violent et amènent de grands déplacements. La salivation est assez exceptionnelle; l'asphyxie est loin d'être constante. En dehors des accès, on peut observer, surtout dans les cas anciens, des contractures des membres qui parfois persistent fort longtemps. La paralysie n'apparaît pas toujours avec les mêmes caractères. Elle peut s'établir lentement ou d'une manière tout à fait brusque, succéder à des accès convulsifs répétés ou précéder ceux-ci, constituer une paraplégie, une hémiplégie ou une paralysie régionale. Du côté de la nutrition, on constate des troubles digestifs variés, une exagération ou une diminution de la sécrétion urinaire, de l'aménorrhée, de la dysmenorrhée ou des pertes de sang considérables, des flueurs blanches abondantes, des alternatives de pâleur et de rougeur des téguments, des arthropathies, se manifestant par un endolorissement souvent énorme de l'articulation atteinte. La fluxion articulaire devient parfois tellement violente, qu'on se croit en présence d'une inflammation grave ou d'une tumeur blanche. L'erreur a lieu très-souvent pour l'articulation coxo-fémorale. Toutes les hystériques sont dans un état intellectuel anormal. Les mieux favorisées se montrent encore très-versatiles, susceptibles, irascibles, entêtées et opiniâtres. Toutes les occupations un peu sérieuses les fatiguent. Leur sommeil est incomplet et tourmenté par des rêves pénibles. Par moments, elles sont mélancoliques et absorbées par des idées noires. Dans d'autres moments, elles sont d'une gaîté extravagante; elles pleurent et rient alternativement sans motif; elles semblent avoir des hallucinations d'origine viscérale; elles éprouvent dans la plupart des viscères des sensations subjectives les plus variées et les plus étranges. Même quand leurs digestions se font bien, elles accusent un sentiment de pression et de distension de l'estomac. Elles se plaignent de palpitations du cœur, alors que l'auscultation démontre qu'il n'en existe pas. Cela tient évidemment à ce qu'elles sentent plus que les autres personnes. Au moment des accès, les

troubles psychiques deviennent momentanément plus graves. Il survient un délire bruyant et agité, mais sans incohérence et toujours relatif aux préoccupations de la personne : on dirait un rêve parlé. A un degré plus élevé et en dehors des accès, l'imagination sort des bornes normales. Les hystériques inventent des histoires romanesques et extravagantes; elles commettent des actes excentriques et éprouvent des hallucinations. Enfin, le trouble intellectuel peut acquérir des proportions telles qu'il devient une folie véritable, qui a reçu le nom particulier de manie hystérique. Les malades ont des idées d'empoisonnement, des scrupules absurdes; elles s'accusent de crimes qu'elles n'ont point commis. Quelques-unes ont la manie des remèdes et des médecins; elles ont surtout la folie des actes. Toutefois, les impulsions irrésistibles qu'elles éprouvent sont moins violentes que celles des épileptiques. Elles consistent simplement en un grand besoin de mouvement, de briser, de déchirer, de déplacer les objets, et en une tendance à commettre des actes extravagants et ridicules. Au milieu de la conversation la plus convenable, elles interposent, malgré elles, des jurons grossiers; elles se montrent méchantes pour leurs parents et leurs amis, tout en restant gracieuses pour les étrangers. Elles semblent réserver leur état mental pour leur famille. A la longue, cette manie peut conduire à la démence. L'anatomie pathologique de cette affection est encore à faire tout entière. On a bien signalé des plaques scléreuses des cordons antéro-latéraux chez des hystériques atteintes de contractures, mais ces altérations sont regardées comme consécutives et accidentelles. On en est réduit à maintenir l'hystérie dans ce groupe de névroses sine materia qui ne fait qu'afficher notre ignorance. Au point de vue de l'étiologie, on peut dire que cette maladie appartient presque exclusivement à la femme, mais que l'homme n'en est pas à l'abri ; qu'elle se développe surtout à partir de la puberté; qu'elle est favorisée par l'absence d'exercice physique, la fatigue cérébrale, les lectures énervantes, une éducation par trop tolérante, la satisfaction de tous les caprices; par les émotions vives, les unions mal assorties, la chlorose et l'anémie, les maladies de l'utérus, l'onanisme.

Analyse physiologique. Tous les médecins de l'antiquité plaçaient, sans la moindre hésitation, le point de départ de l'hystérie dans l'utérus et ses annexes. Cette conviction générale semblait pleinement justifiée par une série de faits d'observation qui ne manquaient pas d'une certaine valeur et qu'on avait seulement le tort d'ad

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