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de petites embolies de différentes natures. Les unes consistaient en des agglutinations de grains de pigment. C'est particulièrement dans la mélanémie, maladie dans laquelle le sang se trouve chargé de pigment par suite d'une aberration fonctionnelle de la rate ou du foie, que ce fait se rencontre. Chez les individus qui ont été longtemps atteints de fièvre intermittente, ces embolies pigmentaires microscopiques se multiplient tellement qu'elles communiquent à la couche corticale une teinte grise ardoisée appréciable à l'œil nu. Elles peuvent même en modifier la consistance. On comprend que, dans ces conditions, les cellules cérébrales soient incapables d'un fonctionnement suffisant, et c'est à cela qu'on doit attribuer l'affaissement intellectuel qu'on observe si souvent dans la cachexie paludéenne. On rencontre parfois des embolies formées par des sels calcaires. Elles peuvent aussi être tellement nombreuses, qu'elles font éprouver au scalpel une véritable résistance. Les vaisseaux se tiennent raides et ressemblent à des cheveux dépourvus de souplesse. C'est une véritable pétrification du cerveau qui tend à cristalliser l'intelligence avec lui. Tood a rencontré des embolies constituées par de la graisse. D'autres sont formées par du pus ou des détritus gangréneux. On est porté à penser que ce sont des embolies de ce genre qui vont provoquer des abcès métastatiques et qui engendrent les symptômes cérébraux de l'infection purulente, en raison même de la puissance toxique et irritative des épines qu'elles viennent semer dans la substance cérébrale. Enfin les capillaires peuvent aussi former des caillots sur place, à la suite des altérations spontanées de leurs parois; car eux aussi sont susceptibles d'éprouver la dégénérescence graisseuse.

Relativement aux hémorrhagies cérébrales, les seules remarques spéciales à présenter ici, sont les suivantes: le foyer sanguin peut se former de deux manières, soit en écartant et refoulant simplement les éléments nerveux, soit en les déchirant. Là se trouve la clef de bien des différences que l'on observe dans les conséquences fonctionnelles de l'hémorrhagie cérébrale. Toutefois l'écartement n'est possible qu'avec les petits épanchements et est du reste trèsrare. Sa forme dépend alors de la direction naturelle des fibres qu'il a été obligé d'écarter. Quand il s'est établi par déchirure, il est rond ou ovale au niveau de la substance blanche. Dans la couche corticale, il s'étale en se moulant sur les accidents des circonvolutions. S'il est voisin du ventricule latéral, il y pénètre souvent, et forçant

le trou de Monro et le septum ou même la voûte à trois piliers, il va dans celui du côté opposé. Il peut aussi parvenir dans le ventricule moyen et, de là, passer par l'aqueduc de Sylvius dans le 4° ventricule. Le foyer peut produire des dégénérescences secondaires dans les diverses directions.

Comme la moelle, la protubérance et le cervelet, le tissu cérébral est susceptible de parcourir toutes les phases du travail inflammatoire, et on dit alors qu'il y a encephalite. Seulement comme le tissu conjonctif plasmatique, qui partout représente le théâtre principal de l'inflammation, est rare dans l'encéphale, l'exsudat est rare et pauvre en fibrine. De plus, comme les éléments nerveux sont délicats, ils sont rapidement dissociés et détruits. Il est une autre circonstance qui précipite le ramollissement et la désagrégation, c'est la richesse du terrain en vaisseaux, d'où résulte une exosmose considérable de sérosité. L'encéphalite est beaucoup plus fréquente dans la substance grise que dans la blanche. Mais c'est principalement dans cette dernière que l'on observe la terminaison par suppuration. Souvent il en résulte des foyers purulents multiples et très-petits qui peuvent échapper à un œil peu exercé. Ils ont généralement le volume d'un grain de plomb, parfois ils atteignent celui d'une amande. On les a même vus envahir tout un hémisphère. Les faits nombreux relatés par Calmeil prouvent que très-souvent les congestions générales entraînent à leur suite une inflammation qui s'étend en surface dans toute la substance grise, et qui se complique en même temps d'une méningite. C'est à ce genre d'encéphalite qu'il a donné le nom de périencéphalite aiguë ou chronique. Dans ce cas, les modifications inflammatoires du tissu s'accompagnent d'une vive injection vasculaire et du boursouflement des circonvolutions.

Malgré son peu de richesse en tissu conjonctif, le cerveau peut se montrer atteint de sclérose. Celle-ci est toujours disséminée par noyaux et par conséquent diffuse. Elle coïncide souvent avec celle de la moelle; mais alors elle domine, ou dans l'encéphale, ou dans la moelle. Généralement à l'extérieur le cerveau ne semble pas changé. Cependant, parfois les circonvolutions paraissent comme hypertrophiées et tassées. La substance grise devient plus pâle et se distingue à peine de la blanche. Du reste, elle envahit plus fréquemment cette dernière et elle s'y montre sous forme de noyaux disséminés. Ces noyaux ont une forme ronde ou ovale, un volume variant d'une lentille à une amande, une coloration blanche hyaline. Ils ressem

blent à du cartilage. Ils ont la consistance de l'albumine coagulée et peuvent même acquérir celle du cuir. Exceptionnellement ils conservent la couleur du tissu nerveux et ne sont sentis que par le toucher.

Si on laisse de côté les anévrysmes miliaires dont nous avons parlé antérieurement, on peut dire que les tumeurs anévrysmales sont rares dans le cerveau, sans doute, en raison de l'état de plénitude de la boîte crânienne; de plus, elles sont toujours peu volumineuses. Elles ne dépassent jamais le volume d'une amande. La différence d'origine des deux carotides exerce sur leur siége une influence remarquable, car on les rencontre plus souvent à gauche qu'à droite, par suite de l'impulsion plus vive qu'y possède encore l'ondée sanguine. Les tumeurs érectiles qu'on rencontre parfois dans la cavité crânienne n'appartiennent jamais au cerveau lui-même, elles prennent naissance dans la pie-mère.

Parmi les productions hétéromorphes qui peuvent apparaître dans les hémisphères cérébraux, la plus fréquente est le cancer. Lorsque dans son développement incessant il n'arrive pas à envahir les parois du crâne elles-mêmes, lorsque, par conséquent, il reste confiné dans cette cavité close, il ne subit ni ulcération, ni ramollissement sanieux. Il peut même devenir le siége d'un travail de résorption et de guérison qui, malheureusement, reste toujours partiel. Les éléments cellulaires éprouvent la dégénérescence graisseuse et s'atrophient. L'ensemble devient une masse caséeuse dans laquelle les vaisseaux sont détruits. Le stroma peut s'incruster de calcaires. Les tubercules sont aussi assez fréquents; ils constituent des masses isolées au nombre de 1 à 20, mais jamais l'autopsie ne nous les montre qu'à l'état caséeux : la période des granulations miliaires n'a jamais pu être observée de visu. C'est ce qui a permis de contester leur nature tuberculeuse. Wagner leur attribue même une origine syphilitique. On a rencontré dans le cerveau des cholesteatomes, dont quelques-uns avaient le volume d'un œuf, mais qui semblaient résulter de la réunion de plusieurs foyers, primitivement isolés. Ces accumulations de cholestérine n'ont rien d'étonnant, puisque cette substance est un des produits principaux du travail de dénutrition du tissu nerveux. Elles sont peut-être l'œuvre d'une usure morbide de ce tissu. Il se passe dans la conservation des pièces anatomiques un fait qui n'est peut-être pas sans avoir des rapports éloignés avec le mode de production de ces tumeurs. Quand un cerveau quelconque

a séjourné longtemps dans de l'alcool, il se montre criblé de cristaux de cholestérine. D'autres tumeurs, assez exceptionnelles, sont formées par des amas de cellules épidermiques, qui ont subi la métamorphose adipeuse ou cornée. L'enveloppe générale qui les entoure est toujours dépourvue de vaisseaux. Plusieurs médecins, et je suis de ce nombre, ont rencontré des kystes pileux. Les membranes des ventricules ont paru seules jusqu'alors susceptibles de donner naissance à des enchondromes. Mais il est un fait que les recherches anatomiques modernes ont mis au jour d'une manière incontestable: c'est que le cervau paye un large tribut aux manifestations viscérales de la syphilis qui vient ainsi porter sa marque infamante jusque dans le centre intellectuel. Dans le cerveau, le syphilome n'est jamais enkysté, il se montre diffus à la périphérie et envoie des racines de tous côtés. Moins volumineux que dans le poumon, il forme une masse molle homogène, d'un gris rougeâtre. Le microscope y montre des cellules et des noyaux qui, d'après Wagner, doivent provenir des noyaux des capillaires, vu le peu de tissu conjonctif que possède le cerveau.

Le cerveau a aussi ses parasites, moins fréquemment toutefois chez l'homme que chez les animaux. Ce sont surtout des cysticerques que l'on rencontre. Ils occupent à la fois la substance blanche et la grise. Ils y sont disséminés, ne dépassent jamais le volume d'un œuf de pigeon. Ils subissent parfois la transformation stéateuse. Les échinocoques se montrent beaucoup moins nombreux, mais plus volumineux. Ils sont formés d'une membrane limitante, pourvue de vaisseaux à structure fibrillaire et dans laquelle sont contenus les éléments parasitaires.

Physiologie pathologique générale.

Avant d'analyser les troubles fonctionnels que peuvent engendrer les maladies du cerveau considérées en général, je crois nécessaire de présenter quelques remarques dont les conséquences s'appliquent à la fois aux divers ordres de symptômes et qui ont pour but d'expliquer les contradictions qui semblent exister si fréquemment entre l'état anatomique et les manifestations morbides.

Les recherches nécroscopiques ont démontré depuis longtemps que le cerveau peut être le siége de tumeurs même considérables,

sans que rien, pendant la vie, vienne faire supposer leur existence, ni celle d'une lésion quelconque, sans qu'il en résulte le moindre sentiment de gêne ou de douleur. Sous ce dernier rapport, il n'y a rien qui jure avec les enseignements de la physiologie; celle-ci nous apprend, en effet, qu'on peut brûler, couper le cerveau par tranches, dilacérer les lobes cérébraux de mille manières sans donner lieu à la plus légère manifestation de sensibilité et à aucun mouvement. Mais le médecin est toujours en droit de demander au physiologiste comment il se fait qu'une tumeur volumineuse puisse séjourner dans l'encéphale sans entraver en rien son fonctionnement, tandis qu'une hémorrhagie d'un très-petit volume suffit souvent et presque toujours pour abolir entièrement le mouvement et le sentiment. A cette question, la physiologie ne peut répondre qu'en développant les hypothèses que les cliniciens ont déjà émises eux-mêmes. Une hémorrhagie se fait toujours brusquement. Le rapport normal entre le volume du contenu et la capacité du contenant se trouve tout d'un coup rompu, et le supplément, si petit qu'il soit, amène toujours une grande perturbation, en raison même de la rapidité de son apparition. Cette perturbation est même forcément générale, parce que la forme ovoïde du cerveau fait que toute pression née à son centre ou autour de son centre, retentit à l'extrémité périphérique de tous les rayons de cette espèce de sphère, et parce que la mollesse du tissu accentue encore davantage cette solidarité des parties. Les tumeurs, elles au contraire, se développent lentement. Parties d'un point presque mathématique, ce n'est qu'à travers les mois et les années qu'elles prennent un volume même appréciable. C'est molécule par molécule qu'elles se forment. II n'y a pas de surprise. Les parties voisines ont le temps de se tasser, de trouver un nid, une situation dans laquelle elles sont peu ou point gênées. Les rapports existant entre la masse sanguine et le liquide céphalo-rachidien ont le temps de se modifier, de façon à contre-balancer l'excès de la partie solide et de réduire, pour ainsi dire, la pression à néant. De plus, tandis que les hémorrhagies se creusent un foyer, la plupart du temps, en déchirant le tissu, en rompant la continuité d'un grand nombre de fibres, les tumeurs se contentent souvent de refouler celles-ci qui, tout en s'amincissant et en s'atrophiant, conservent encore une certaine activité fonctionnelle.

Parmi les effets des hémorrhagies, il en est un surtout qu'il est difficile d'expliquer et qui a lieu de surprendre lorsqu'on établit une

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