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optique. On s'explique, tout aussi bien qu'avec l'idée de Darwin et de Foville, la possibilité d'hallucinations n'existant que d'un seul côté, puisqu'il y a deux couches optiques distinctes, comme il y a deux yeux et deux oreilles distincts. Sans l'intervention indispensable de la couche optique et avec l'idée d'une origine intellectuelle, on ne comprendrait pas l'existence d'hallucinations nettement unilatérales. Car, une déviation de l'intelligence, du moment où elle porterait sur une croyance sensorielle, devrait s'appliquer également aux deux yeux. On s'explique, aussi bien qu'avec l'opinion de Falret et d'Esquirol, l'association qui peut s'établir entre les hallucinations visuelles et auditives ou autres, association qu'on comprendrait beaucoup moins avec la localisation de Darwin. Si l'intelligence en délire peut frapper à son gré, tantôt un seul sens, tantôt plusieurs, tantôt tous à la fois, une irritation née dans un des noyaux de la couche optique peut, avec tout autant de facilité, se propager aux autres noyaux sensoriels, puisqu'ils se touchent tous. Avec la puissance centrale que nous avons accordée au cerveau et à la couche optique, on s'explique ces cas où les hallucinations ont besoin d'être provoquées par l'audition d'un bruit ou par un ébranlement lumineux quelconque, quoiqu'elles ne soient nullement ni le son, ni l'image perçus. Elles sont ce que les fait le travail morbide de l'encéphale. L'objet extérieur ne fournit que la terre glaise; c'est le centre de perceptivité et l'intelligence qui la moulent. Il n'y a qu'un fait embarrassant, c'est celui de la diplopie qu'on peut produire artificiellement pour les hallucinations comme pour les sensations objectives. Mais il faudrait d'abord rechercher si le fait est général ou s'il n'a été constaté que chez les individus dont l'œil était lui-même la cause première des hallucinations. Peut-être aussi la couche optique correspondante à l'œil pressé, donne-t-elle, par consensus avec sa congénère, la forme de l'objet imaginaire à l'ébranlement qui est provoqué par la pression et qui est subi par des cellules non homologues avec celles qui vibrent spontanément de l'autre côté? D'ailleurs, je crois fermement que, quand un nerf sensitif est irrité en un point quelconque de son trajet, il s'établit un courant vibratoire, non-seulement vers le centre, mais encore vers la périphérie. Il s'établit comme une série d'oscillations qui font que l'épanouissement périphérique intervient dans le mécanisme général, comme s'il avait été directement touché. Ce mécanisme se trouve, pour ainsi dire, ramené à l'état naturel, et c'est peut-être en raison

même de cette intervention indirecte que la diplopie peut être produite dans l'hallucination visuelle.

Nous pourrions nous appuyer sur un précédent et établir ici une physiologie pathologique spéciale de la couche optique. Car Luys voit, avant tout, dans l'hystérie, une maladie du sensorium commune et, par conséquent, de ce centre nerveux. Mais les troubles de la sensibilité ne sont qu'une des faces de l'hystérie, qui met aussi en jeu les centres locomoteurs et les centres intellectuels. Tout en reconnaissant, avec cet auteur, que les modifications de la sensibilité peuvent être le point de départ de tous ces phénomènes de natures si diverses; tout en reconnaissant, par conséquent, que, rationnellement, il y a lieu de rapporter à la couche optique l'histoire de l'hystérie, je crois cependant devoir, dans un but pratique, renvoyer cette étude à la physiologie pathologique spéciale du cerveau, parce qu'alors nous serons plus à même d'interpréter le mécanisme des troubles intellectuels qui sont si fréquents dans cette affection.

CORPS STRIÉS.

Constitution anatomique.

Le corps strié forme avec la couche optique ce qu'on a appelé le noyau de l'encéphale, qui est comme un trait d'union entre le cerveau et tout ce qui est au-dessous de lui, entre l'intelligence et les moyens d'action. C'est en effet vers ce noyau que convergent toutes les fibres qui viennent de la moelle, du bulbe, de la protubérance et du cervelet par l'intermédiaire des pédoncules cérébraux, et c'est de ce noyau que partent de nouvelles fibres, qui vont en divergeant se distribuer à tous les points de la calotte grise cérébrale. D'une manière schématique, on pourrait comparer l'ensemble de l'axe cérébro-spinal à deux éventails étalés ayant leurs bords convexes tournés en sens opposés, et se touchant par les deux extrémités angulaires, qui représentent les centres où aboutissent leurs rayons. Tout, dans cet axe, converge vers ce noyau, ce qui est au-dessous comme ce qui est au-dessus. De là est venue à Luys l'idée trèsheureuse d'admettre deux systèmes convergents de fibres nerveuses; le système convergent supérieur, représenté par les fibres qui vont de la couche corticale du cerveau vers cette masse grise formée par le corps strié et la couche optique; et le système convergent

inférieur, représenté par les pédoncules cérébraux, qui résument tout ce qui vient de la moelle, du bulbe, de la protubérance et du cervelet. La plupart des fibres de ce dernier système vont se perdre dans le corps strié, en rasant la couche optique. Quelques-unes paraissent se terminer dans ce second renflement. La répartition semble se faire d'une manière inverse pour les fibres du système convergent supérieur. La couche optique en reçoit plus que le corps strié; celles qui sont destinées à ce dernier centre sont accolées d'une manière intime aux régions externes et inférieures de la couche optique, fait qui contribue à nous expliquer pourquoi nous avons rencontré des troubles du mouvement dans les maladies de cet organe sensitif.

Considéré en lui-même, le corps strié représente un ellipsoïde placé en dehors et en avant de la couche optique. A l'œil, il offre trois régions parfaitement distinctes: l'une supérieure, qui a reçu le nom de noyau intra-ventriculaire, parce qu'elle fait, comme la couche optique, partie des parois du ventricule latéral dans lequel elle fait une saillie à surface libre. Lorsqu'on incise ce noyau supérieur, on voit que la substance grise est zébrée par des faisceaux de fibres blanches. C'est à cette disposition que le corps strié doit son nom; une autre, inférieure, qui prend le nom de noyau extraventriculaire, et qui reçoit plus directement les fibres du pédoncule cérébral. Entre ces deux noyaux, où domine de beaucoup la substance grise, se trouve une troisième région qui, par son aspect à l'œil nu, semble être formée à peu près exclusivement de substance blanche. Elle est appelée double centre demi-circulaire.

La substance grise des corps striés a quelque chose de particulier. Elle est d'une teinte plus foncée que celle de la couche corticale du cerveau. Elle est d'un rouge sombre, ce qui tient à sa plus grande richesse en vaisseaux capillaires. Pour la même raison, elle est aussi plus molle. La différence est encore plus grande quand la comparaison s'établit avec la substance grise de la couche optique. C'est sans doute à cette plus grande vascularisation et à cette plus grande mollesse que le corps strié doit de s'altérer facilement. Au microscope, on y rencontre deux espèces de cellules, des grosses et des petites. Les premières sont généralement ovoïdes, de coloration jaunâtre, pourvues d'un noyau volumineux. Elles ont des prolongements multiples et mesurent en moyenne 0,05 de diamètre. Les secondes sont cinq fois plus petites. On dirait de simples noyaux.

Elles semblent se greffer sur les prolongements des grosses cellules ou plutôt sur les fibres qui s'abouchent avec eux. Cet ensemble

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1. Cellules du corps strié.

a, grosses cellules. b, petite cellule.

c, point où le tissu a été moins dissocié et où les fibrilles sont intimement enchevêtrées avec les cellules.

2. Cellules de la couche optique.

donne à la préparation microscopique quelque chose de tout à fait caractéristique.

Physiologie normale.

Le corps strié est complétement insensible; il n'y a aucune dissidence à cet égard. Il est aussi inexcitable; mais on n'est pas pour cela autorisé à en conclure que cet organe n'est point affecté au mouvement, car il est peut-être d'une nature telle, qu'il n'obéit qu'aux incitations venues du cerveau. Villis a le premier songé à lui assigner un rôle spécial. S'appuyant sur des faits pathologiques et des faits d'anatomie comparée mal interprétés, il le présente comme étant un centre de sensibilité générale. Mais, en anatomie comme en physiologie expérimentale, tout concourt à faire rejeter cette idée. Les animaux auxquels on a enlevé les corps striés sentent non-seulement toutes les causes de douleur, mais même le moindre contact. Chaussier y a depuis localisé la sensibilité olfactive, uniquement parce qu'il avait trouvé une altération de cet organe chez un individu qui avait perdu l'odorat. Il s'en est laissé imposer, bien certainement, par une simple coïncidence. Car ce fait est resté isolé et ne se trouve confirmé ni par les vivisections, ni par les dissections. L'opinion qui considère le corps strié comme un organe du mou

vement, a compté jusqu'à ce jour un plus grand nombre de partisans, entre autres, Magendie, Serres, Tood, Carpenter, Luys, etc.; mais tous ne comprennent pas de la même façon les attributions spéciales de cet organe dans l'exercice de la motilité. Je crois vous avoir déjà dit que Magendie admettait, chez les mammifères et chez l'homme, l'existence de deux forces intérieures opposées, tendant à pousser le corps, l'une en avant, l'autre en arrière. Il plaçait la première dans le cervelet et la seconde dans les corps striés. A l'état normal, ces deux forces se contre-balanceraient mutuellement. Mais du moment où l'une d'elles serait supprimée, il en résulterait des impulsions irrésistibles soit en avant, soit en arrière : en avant, lorsqu'il y aurait eu ablation des corps striés; en arrière, lorsqu'on aurait enlevé le cervelet. Dans ses Leçons sur le système nerveux se trouve consignée (tome Ier, p. 281) la relation d'un chien qui, après l'ablation des corps striés, était difficile à maintenir, tant la propulsion était intense; et qui, une fois abandonné, se précipita devant lui et alla sauter à la figure de l'un des aides. Au cas particulier, je trouve la conclusion un peu illusoire. L'animal venait d'être mutilé; il éprouvait un besoin de vengeance, et quand on marche sur un ennemi, on ne lui tourne généralement pas le dos. Du reste Longet, Schiff, Lafargue ont maintes fois répété les expériences de Magendie en se plaçant dans les conditions indiquées par lui, et ils n'ont jamais vu cette propulsion.

Serres, ainsi que nous l'avons déjà indiqué, attribuait aux couches optiques la motilité des membres thoraciques, et aux corps striés celle des membres abdominaux. Il a fait, sur les animaux, les expériences corollaires de celles que je vous ai déjà mentionnées à propos de la couche optique. Il incisait les corps striés, en comprenant les lobes cérébraux eux-mêmes, et il obtenait la paralysie exclusive des pattes de derrière. Les expériences faites depuis et la pathologie ont infirmé cette manière de voir. Tood, Carpenter, Luys en ont fait un centre de motilité général s'appliquant à toutes les parties du corps, la couche optique étant, au contraire, le centre général de toutes les sensibilités. Vulpian a cherché à affaiblir cette assertion, qui, du reste, s'appuyait surtout sur ce que les fibres de l'étage inférieur du pédoncule cérébral se rendaient dans le corps strié, en faisant observer que l'animal privé de ce centre nerveux exécute encore les actes de la locomotion. C'est incontestable; mais il n'en est pas moins vrai que, lorsqu'il a encore les corps striés, la locomotion

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