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si elle n'aurait pas réfléchi vers un centre moteur l'impression de froid reçue, en raison même d'un état d'excitation se traduisant par l'hypéresthésie du bras. Chez le quatrième malade, Copeau, les conditions anatomiques sont déjà un peu plus nettes. L'abcès occupait les radiations postérieures de la couche optique. Pendant la vie, il y avait eu des accès d'épilepsie, commençant toujours par des convulsions isolées du bras gauche et qui finirent par laisser une paralysie permanente limitée à ce bras. De même chez le cinquième, Berscot, un épanchement sanguin siégeait dans le lobule postérieur de l'hémisphère droit, à une ligne en dehors de la voûte du ventricule latéral, et avait détruit une grande partie des radiations optiques postérieures et moyennes. Il en était résulté une paralysie du bras gauche. Mais ici encore les couches optiques n'étaient pas directement intéressées. La lésion pouvait aussi bien comprimer les radiations motrices, qui vont du centre de la volonté au corps strié, que les radiations sensitives, qui vont de la couche optique au centre intellectuel. Ces deux espèces de radiations s'entremêlent probablement pour pouvoir se distribuer simultanément dans tous les points de la couche corticale. Elle pouvait même agir sur les fibres motrices des pédoncules qui rasent la couche optique pour se rendre au corps strié.

Aujourd'hui, personne n'admet plus l'influence motrice spéciale des couches optiques sur les membres thoraciques, à l'exclusion des membres abdominaux. Mais beaucoup de médecins, entre autres Vulpian, pensent qu'elles sont cependant des centres de motilité généraux et que l'hémiplégie complète est un des symptômes les plus constants de leurs maladies. Ils reconnaissent, cependant, que, dans ce cas, la paralysie des membres supérieurs est beaucoup plus prononcée et beaucoup plus persistante que celle des inférieurs; mais ils ajoutent qu'il n'y a rien là de particulier aux couches optiques et qu'il en est de même dans les hémiplégies d'origine cérébrale. Cette dernière assertion est incontestable. Mais, quant à la fréquence de la paralysie du mouvement, je crains bien qu'il s'agisse d'une de ces assertions qui, après avoir été introduites dans le langage scientifique, ont le bonheur d'être répétées par effet d'habitude et finissent par devenir de véritables croyances, car les faits négatifs sont de beaucoup les plus fréquents et les exceptions peuvent s'expliquer par le voisinage des fibres pédonculaires et du corps strié.

Troubles de la sensibilité spéciale et générale. Serres lui

même, qui s'était efforcé de faire parler les observations en faveur de son idée sur l'action motrice des couches optiques, déclare que celles-ci doivent être regardées en outre comme le centre de la vision chez l'homme, mais qu'il n'y a qu'une petite portion de cette masse qui soit affectée à cette fonction. Il a vu, dit-il, toute la surface supérieure détruite, sans que la vision fût altérée. Il a observé cette destruction tantôt d'un seul côté, tantôt des deux à la fois, la vue restant intègre. Mais elle était toujours atteinte lorsque la lésion occupait soit les corps genouillés, soit la région de la commissure molle. Lorsqu'un seul des corps genouillés était détruit, la vue était seulement affaiblie dans l'œil opposé. Lorsque les deux corps genouillés se trouvaient altérés, l'œil de l'autre côté était complétement perdu. Enfin lorsque l'altération occupait la commissure molle et les parties correspondantes des deux couches optiques, c'est une cécité complète qu'on observait. Or, tout justement, cette commissure relie entre eux les deux noyaux moyens, ceux que Luys regarde comme les centres visuels. Quant aux corps genouillés leurs maladies devaient naturellement compromettre aussi la vue, puisqu'ils sont les points d'implantation des racines du nerf optique. Ce témoignage est d'autant plus précieux qu'il part d'un physiologiste de premier ordre qui était à l'affût de tous les faits cliniques capables de l'éclairer. Il a d'autant plus de valeur que Serres, dans toutes ses recherches, était dominé par l'idée de trouver dans la couche optique un centre de motilité affecté aux membres thoraciques.

Depuis Serres, la science s'est enrichie d'un assez grand nombre d'observations où les lésions étaient mieux circonscrites dans les couches optiques et qui permettent, par conséquent, de poser des déductions plus nettes. Dans le Traité d'anatomie pathologique de Cruveilhier se trouve inséré un cas d'abolition de la vision à droite coïncidant avec une apoplexie de la couche optique gauche. L'ouvrage de Mackensie nous fournit un fait d'amaurose de l'œil gauche, dû à un épanchement siégeant dans le centre de la couche optique droite. Lallemand, dans ses Lettres sur l'encéphale, parle d'un ramollissement de la couche optique droite ayant entraîné la perte de la vision, et d'une dégénérescence jaune ayant amené le même résultat chez un autre sujet. Dans le mémoire que Ball a publié sur l'épilepsie symptomatique, on trouve un cas de destruction des couches optiques par un foyer purulent ayant entraîné une cécité complète. Lancereaux, dans son travail sur l'amaurose, parle d'une femme de

27 ans dont la vue était entièrement perdue à droite et affaiblie à gauche, et qui présenta une induration de la couche optique gauche et, à droite, une petite tumeur déprimant la couche optique du même côté. Il cite en même temps un cas de cécité complète avec deux foyers dans chaque couche optique. Le même auteur, dans ses Recherches sur les affections nerveuses syphilitiques, fait figurer un malade dont la vue était considérablement affaiblie et dont les couches optiques étaient déprimées. La droite présentait, même dans sa portion centrale, les traces d'une ancienne cavité. Le même mémoire renferme un cas de néoplasme dans la couche optique droite, ayant affaibli la vue du côté gauche. Dans le Medical-Times de 1850, on trouve un fait de perte complète de la vision due à une tumeur encéphaloïde du volume d'une petite pomme, dilatant la couche optique gauche et s'avançant dans la cavité ventriculaire, après avoir déplacé le septum, jusqu'à la couche optique droite. A la Société anatomique, Faton a communiqué l'histoire d'un enfant de 11 ans, ayant perdu tout à fait la vue par suite d'un kyste hydatique comprimant les couches optiques, principalement celle de droite; Chaillou, un fait d'hémiopie lié à la présence de deux petits foyers dans la couche optique gauche; Garnier, celui d'un enfant de 3 ans qui ne voyait plus de l'œil gauche et chez lequel la couche optique droite était comprimée par un tubercule. Dans son Mémoire sur la démence, Marcé signale un cas de cécité nettement dû à une lésion des couches optiques. Dans la Gazette médicale, il a publié quatre faits de perte ou d'affaiblissement de la vision dus à des épanchements siégeant dans les couches optiques.

Il est vrai que dans la collection si laborieusement amassée par Luys figurent des faits où les troubles visuels consistèrent seulement en des modifications de la pupille ou des mouvements du globe oculaire, c'est-à-dire dans des phénomènes qui semblent devoir être attribués plutôt aux tubercules qu'à la couche optique. Tels furent ceux publiés par Hillairet, dans les Archives; par Andral, dans sa Clinique; par Mackensie, dans son Traité des maladies des yeux; tel fut aussi un (de ceux publiés par Cruveilhier. Mais si on songe que, sur un total de 35 cas, il n'y en a que 8 où les auteurs n'aient pas signalé une altération de la sensibilité visuelle; si on songe que, même dans ces 8 cas, il y eut des modifications de la pupille qui pouvaient bien, à titre de phénomènes réflexes, traduire une altération de la sensibilité visuelle, trop faible

pour attirer l'attention des malades, on est obligé de reconnaître qu'il y a là un ensemble suffisant pour justifier la localisation du centre visuel dans la couche optique. Beaucoup de vérités physiologiques des mieux établies laissent subsister autour d'elles un plus grand nombre d'exceptions à la règle générale.

La clinique ne nous fournit pas une démonstration aussi frappante relativement aux autres organes des sens. On n'a pas encore eu l'occasion de constater si la destruction du noyau postérieur entraînait la perte de l'ouïe. Mais, dans l'observation de Bright, l'ouïe a été signalée comme étant souvent absente. Ces pertes momentanées de l'audition devaient correspondre aux périodes de congestions trop considérables et paralysantes qui venaient de temps en temps couper la permanence de l'état d'irritation d'où naissaient les illusions d'optique dont nous allons parler. Un des malades de Lallemand fut brusquement atteint de surdité. Celui de Hunter présenta d'abord de l'obscurcissement de l'ouïe, qui fut bientôt suivi d'une surdité complète. Il fut le seul sujet chez lequel on ait constaté en même temps la perte de l'odorat et du goût. Sans doute, ces faits forment une très-faible minorité. Mais il faut aussi tenir compte de la facilité avec laquelle les modifications de l'audition et surtout du goût et de l'odorat peuvent échapper à l'attention du médecin.

Quant à la sensibilité générale, les preuves pathologiques de sa localisation centrale dans la couche optique sont moins rares. Chez le malade de Faton, il y avait de l'hypéresthésie à gauche, la lésion siégeant à droite. Celui de Chaillou présentait une obtusion de la sensibilité à droite, avec lésion optique à gauche. Celui de Garnier une perte complète de la sensibilité à gauche avec tubercule optique à droite. Un de ceux de Marcé, dont les deux couches étaient altérées, présentait une anesthésie générale. Un de ceux de Cruveilhier avait perdu la sensibilité à droite avec une hémorrhagie optique à gauche. Andral a aussi signalé l'anesthésie. Le malade de Potain offrit cette singularité qu'il ne sentait les contacts qu'au bout d'un certain temps. M. Maisonneuve a rencontré un cas de tubercule de la couche optique gauche qui, pendant la vie, se traduisit par la perte de la sensibilité du côté droit. Un fait d'anesthésie se trouve encore consigné dans les archives de 1846. On peut donc dire que la sensibilité générale s'est montrée altérée à peu près dans le tiers des cas; et si le fait ne s'est pas présenté plus souvent, cela tient peut-être à ce que le centre du toucher se

trouve dans les profondeurs de la couche optique et est, par conséquent, plus à l'abri de l'influence de tumeurs agissant sur la périphérie de ce renflement.

Du reste, si, suivant une autre marche et se plaçant à un point de vue plus général, on recherche, non plus si les maladies de la couche optique paralysent la sensibilité générale, mais dans quelles circonstances l'anesthésie unilatérale se produit le plus souvent, on arrive encore à des résultats favorables à notre opinion. En effet, Charcot, qui a beaucoup vu et qui a beaucoup scruté, reconnait que presque toujours l'hémi-anesthésie coïncide avec une lésion grave de la couche optique. De leur côté, Broadbent et Jackson n'hésitent pas à déclarer qu'il en est presque toujours ainsi. Pendant un assez grand nombre d'années, Vulpian a été seul à prétendre que la couche optique malade ne produisait l'anesthésie que parce que, dans son développement morbide, elle arrivait à comprimer la protubérance qui, pour lui, est le véritable centre de la sensibilité. Depuis, il s'est établi un nouveau courant d'idées auquel Charcot lui-même paraît porté à céder. Un médecin de Vienne, Türck, a publié un mémoire qui tend à démontrer que la paralysie du sentiment ne relève ni de la couche optique seule, ni du corps strié seul, mais de toute une région plus complexe, de laquelle font partie ces deux éminences. On'voit, en effet, d'après les observations consignées dans ce mémoire, que l'hémi-anesthésie a été liée à des lésions ayant envahi, à la fois ou isolément, la partie supérieure et externe de la couche optique, le troisième noyau de la partie extraventriculaire du corps strié, la partie supérieure de la capsule interne, la région correspondante de la couronne rayonnante et la substance blanche avoisinante du lobe postérieur du cerveau. Mais, au fond, quand on voit la facilité avec laquelle un épanchement sanguin se faisant dans l'encéphale peut retentir à la fois sur tous les points, même les plus éloignés de cet organe, on ne peut s'empêcher de reconnaître que, dans toutes ces circonstances, le foyer apoplectique se trouvait tellement près de la couche optique, qu'elle devait forcément subir d'une manière tout à fait directe les conséquences de ce voisinage. Il n'y a donc rien là de bien embarrassant pour notre thèse. Malheureusement, il est des cas où la sensibilité se montre respectée alors que la couche optique est détruite dans presque toute son étendue. Broadbent a déjà cherché à vaincre la difficulté en faisant observer qu'il doit en être pour la couche optique de même que pour la substance grise de la moelle,

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