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aussi que le tremblement ne se produit pas non plus lorsqu'on a détruit préalablement le centre cérébro-spinal. Le système nerveux est donc nécessaire à la production du tremblement de la nicotine et il doit en être de même dans la paralysis agitans.

La nature nerveuse de l'affection étant établie, cherchons maintenant quelle est la partie de l'axe cérébro-spinal qui représente le véritable foyer générateur. Trousseau, qui, avec raison, a toujours été regardé comme une autorité dans toutes les questions intéressant les progrès de la science, a été le premier à placer ce siége dans la protubérance. Il arrivait, du reste, avec des preuves matérielles à l'appui: avec l'observation de Leubuscher, où pour toute lésion anatomique il y avait une tumeur fibroïde occupant toute l'épaisseur de la protubérance; avec celle d'Opolzer, où il existait une induration sclérosique du pont de Varole et du bulbe; avec celle de Parkinson, qui signale aussi une augmentation de volume et de consistance du pont de Varole et du bulbe. Deux des observations, publiées par Charcot, semblent cependant ébranler un peu la valeur de ces preuves matérielles, car dans ces deux cas la protubérance et le bulbe furent trouvés parfaitement intacts. Jaccoud, qui a eu connaissance de ces deux faits négatifs avant la publication de son traité de pathologie, n'en persiste pas moins à maintenir la localisation de Trousseau. Seulement, pour lui les lésions anatomiques n'ont absolument aucune signification. Elles ne sont qu'un épiphénomène ou une conséquence indirecte de la maladie. Elles peuvent varier de nature ou de siége, elles peuvent exister ou ne pas exister; peu importe. La paralysis agitans est primitivement et toujours une simple névrose sine materia. Il croit devoir la rapporter à la protubérance, uniquement parce que le tremblement est général et s'étend à la totalité du système musculaire; il fait observer que les lésions en deçà ou au delà du mésocéphale ne déterminent que des tremblements partiels qui diffèrent du reste, à beaucoup d'égards, de celui de la paralysis agitans. L'année dernière, Joffroy a publié dans les archives de physiologie trois observations qui l'ont autorisé à battre en brèche, d'une manière sérieuse, l'opinion de Trousseau et de Jaccoud, et qui l'ont conduit à localiser l'affection dans la moelle. Dans ces trois cas, Joffroy a constaté une oblitération du canal central de la moelle par des éléments dus à la prolifération de la couche épithéliale de l'épendyme; une pigmentation plus ou moins forte des cellules de la moelle, notamment de celles de la colonne de Clarcke; enfin une apparition en

quantité variable de corps amyloïdes. Joffroy fait observer en outre que ces trois espèces d'altérations arrivent chez tout le monde, d'une manière moins prononcée et moins générale, sous l'influence des progrès de l'âge. En conséquence, il croit que la paralysis agitans doit être attribuée à une sénilité prématurée et exagérée des éléments de la moelle, d'autant plus que le tremblement devient l'apanage de presque tous les vieillards. Depuis, Ball a donné communication d'un fait inédit qui vient indirectement à l'appui de la localisation de Joffroy. Dans ce fait, il n'y avait rien du côté de la protubérance. Dans la moelle existait une forte congestion de la substance grise, le canal était rempli par un exsudat coagulable, mais il n'y avait pas de pigmentation ni de corps amyloïdes.

Quant à mon opinion personnelle, vous pouvez presque la prévoir. Avec l'idée de segmentation que j'ai élevée à la hauteur d'un principe fondamental de l'innervation, il m'est impossible d'admettre une localisation exclusive. Chaque segment du corps relève d'un segment déterminé de l'axe cérébro-spinal, et les segments du système nerveux sont étagés à peu de chose près comme ceux du corps luimême. Par conséquent, tout trouble qui porte à la fois sur toutes les zones du corps, suppose l'intervention de tous les segments correspondants du système nerveux. Mais ceux-ci sont agencés entre eux de façon à associer leurs actes dans un certain ordre. Dans cette série de rouages engrenés, il y en a toujours un qui commence l'action morbide, qui entraîne les autres et qui continue à les dominer dans l'œuvre pathologique commune. Eh bien!.ce rouage initial et principal de la paralysis agitans est incontestablement pour moi dans la protubérance. Cette affection est une maladie de la station. Or, les vivisections nous le montrent, la protubérance est la cheville ouvrière de l'attitude et de la station. C'est elle qui réalise et impose la même attitude quand les caprices de la volonté sont supprimés par l'ablation du cerveau. C'est elle qui impose le besoin d'équilibre, qui ramène celui-ci chaque fois qu'une main étrangère tend à le détruire. C'est donc elle qui doit faire défaut, avant tout, quand cet équilibre n'est presque plus réalisable, ainsi que l'indique l'expression de Trousseau. Mais elle entraîne dans les mêmes errements les agents qui sont sous ses ordres, comme la moelle. Voilà pourquoi celle-ci prend aussi part au concert de désordre. Le rôle capital que la protubérance joue dans la paralysis agitans est aussi démontré par une expérience pratiquée par Vulpian à l'aide de la nicotine dont les

effets sont parfaitement assimilables à cette maladie. Il a inoculé cette substance chez une grenouille à laquelle il avait préalablement enlevé l'encéphale, moins la protubérance et le bulbe. Le tremblement se produisit absolument comme si l'animal avait été intact. Du moment où il détruisit la protubérance et une partie du bulbe qui, chez la grenouille, se confond avec elle dans un même renflement, les tremblements cessèrent malgré la persistance de l'intégrité de la moelle. Blasius fait remarquer aussi avec raison que le nystagmus qui accompagne les maladies de la protubérance est un tremblement partiel. Il aurait pu aller plus loin et déclarer que parfois aussi les tumeurs du mésocéphale donnent lieu à des accès de tremblement. Ce que les cliniciens appellent la sclérose en plaque généralisée est caractérisé anatomiquement par des dépôts de tissu cellulo-fibreux dans certains points de la protubérance et du bulbe. Entre autres symptômes, cette maladie donne lieu à un tremblement intense; toutes les fois que le sujet se met ou veut se mettre en mouvement, tôt ou tard ce tremblement devient constant et se confond tout à fait avec celui de la paralysis agitans. D'ailleurs, n'est-ce pas cette aptitude de la protubérance à produire un trémulus général qui a fait dire à Vulpian qu'elle était un centre émotionnel?

Quel est le mode d'action de la protubérance dans la production de la paralysis agitans? Il consiste évidemment à fournir au système musculaire un tonus arrivant par secousses et non sous forme d'un courant d'apparence continue, comme cela a lieu dans l'état normal. Quant à la manière dont s'établissent ces secousses, il me paraît bien difficile de le décider dans l'état actuel de la science. Ferrand prétend qu'elles sont la conséquence d'un affaiblissement de la production nerveuse de la protubérance. Il se base avant tout sur les belles expériences de Marey qui ont démontré d'une manière incontestable que la contraction normale du muscle se compose d'une série de secousses produites successivement, mais à de courts intervalles, de telle sorte qu'elles se fondent entre elles, tout justement parce que chacune d'elles n'est pas encore achevée quand la suivante commence. Dans ces conditions, la contraction nous paraît continue, absolument comme un charbon incandescent que l'on fait tourner rapidement nous donne la sensation d'une circonférence continue. Pour Ferrand, le tremblement serait, dans la contraction active comme dans le tonus, une contraction normale, mais faible et décomposée en ses éléments successifs, par suite de la

faiblesse et de la lenteur de l'agent stimulant. Il traduirait une faiblesse et une lenteur de propagation de la force nerveuse. Il cite à l'appui de son interprétation un individu qui, en même temps que le tremblement, avait aussi une lenteur dans l'arrivée des impressions. Deux autres circonstances lui sont encore incontestablement favorables, c'est que la paralysis agitans se montre surtout chez les vieillards et qu'elle s'accompagne d'un affaiblissement considérable de la motilité volontaire, affaiblissement qui peut même aboutir à une paralysie complète.

Vulpian et Charcot pensent au contraire que les secousses sont engendrées par une irritation des centres créateurs du tonus. Le fait qu'une hémiplégie intercurrente suspend le tremblement pendant toute sa durée; qu'il en est de même dans certaines maladies graves et dépressives et à la suite des crises d'épilepsie qui tendent à épuiser la force nerveuse, plaide certainement en faveur de cette seconde hypothèse. La paralysie qui constitue la dernière scène de la paralysis agitans serait la conséquence de l'usure du centre nerveux par l'excès de contractions antérieures, comme dans l'alcoolisme la démence se trouve être la conséquence naturelle de l'exaltation première des facultés intellectuelles.

Il est difficile, je le répète, de se prononcer pour l'une ou pour l'autre de ces deux opinions. Tout ce qu'on peut dire, c'est que la paralysis agitans est surtout provoquée, soit par le froid humide, soit par des émotions violentes et soudaines, comme la frayeur, toutes causes susceptibles de produire des irrégularités dans le fonctionnement du système nerveux.

DU CERVELET

Constitution anatomique du cervelet.

Le cervelet, ou portion de l'encéphale qui se trouve correspondre aux fosses inférieures de l'occipital, représente une masse moins considérable que celle du cerveau. Le poid relatif entre ces deux parties est comme 1 est à 9. Chez le fœtus, comme il est moins avancé dans son développement que le cerveau, le rapport est comme 1 est à 14. Ce fait a sa signification physiologique, car c'est peut-être pour cette raison que le jeune enfant ne peut ni marcher ni tenir son

équilibre. La substance du cervelet se putréfie assez vite, ce qui peut induire en erreur et faire croire à l'existence d'un ramollissement. Cela tient à la position déclive de l'organe, soit pendant la vie, soit après la mort, et à sa grande richesse en substance grise. Quant aux détails de conformation, ils n'ont aucun intérêt pour nous. Pour la moelle, le bulbe et la protubérance, il était indispensable de rappeler, à la fois par des figures et des descriptions détaillées, les différentes faces de ces centres nerveux, parce que dans les vivisections les résultats variaient suivant le point lésé et qu'il était nécessaire aussi pour le physiologiste de bien préciser le point d'origine des nerfs. Il n'en est plus de même pour le cervelet. Jusqu'à présent, on s'est trouvé en présence des mêmes phénomènes, en agissant tantôt sur un point, tantôt sur un autre. Les vivisections n'ont besoin que d'une chose, c'est de porter sur la masse cérébelleuse. De plus cette masse ne donne naissance à aucun nerf, quoiqu'on ait prétendu le contraire. Tout ce que nous avons besoin de savoir, c'est qu'on lui distingue trois lobes, l'un moyen qu'on appelle médian, et deux latéraux qu'on appelle hémisphères cérébelleux; que chez l'homme les lobes latéraux sont très-développés, tandis que le lobe médian est trèspetit; que chez les mammifères le lobe médian prend plus de développement que les latéraux; que chez les oiseaux, les reptiles et les poissons le cervelet n'est représenté que par le lobe médian qui alors acquiert un certain volume. Un fait qu'il est utile aussi de se rappeler, c'est que cet organe contribue à circonscrire le quatrième ventricule.

Quand on fait une coupe horizontale et qu'on l'examine à l'œil nu, on voit que, contrairement à ce qui existe dans la moelle et la protubérance, la substance blanche est au centre et la substance grise à la périphérie. Au milieu de la substance blanche, on aperçoit une membrane jaunâtre plissée sur elle-même. C'est le corps rhomboïdal ou olive cérébelleuse. La substance blanche envoie dans la grise des prolongements qui, par leur ensemble, constituent l'arbre de vie. Elle envoie d'autre part des prolongements extrinsèques qui forment les divers pédoncules cérébelleux. Le supérieur se porte au-dessous des tubercules quadrijumeaux; le moyen vers la protubérance et l'inférieur vers le bulbe.

Si maintenant nous nous servons du microscope, nous constaterons que la substance grise est composée de deux couches: 1° la superficielle, d'une teinte de rouille, très-molle et caractérisée par de grosses cellules d'une forme spéciale, qui ont reçu le nom de cellules

II. POINCARÉ.

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