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mécanisme dans les cas de catalepsie complète et qu'elle vient augmenter l'intensité du phénomène. Mais il n'est pas le seul et il ne doit même occuper qu'un rang secondaire, car le phénomène caractéristique peut se produire sans qu'il y ait perte complète de l'intelligence, alors que le malade sent la situation anormale imposée à ses membres et qu'il se trouve impuissant à la modifier. Il est probable que la cause principale gît dans les centres locomoteurs eux-mêmes et qu'elle consiste dans une véritable hypersécrétion de l'innervation de stabilité. C'est en ce sens que les mots, surcharge de force nerveuse, avaient quelque chose de vrai. C'est de la force nerveuse qui reste à l'état de tension au lieu de s'échapper sous forme de décharges intermittentes. C'est de la vapeur maintenue qui continue à s'accumuler.

Par contre, dans la catalepsie complète, la force motrice active de déplacement est perdue. Toute la puissance des centres moteurs est absorbée par la station, au détriment de la locomotion. Pour perfectionner ainsi la fonction station, ces centres semblent absorber toutes les forces vives de l'économie, non-seulement au détriment de la locomotion, mais encore au détriment de l'activité cérébrale qui est complétement abolie, et à celui de la vie végétative qui est considérablement affaiblie. C'est tout justement, du moins en partie, parce que le cerveau est inerte que le centre locomoteur trouve cette puissance au profit de la station. Cela est démontré expérimentalement par ce qui se passe chez les animaux privés de leurs lobes cérébraux. Ils conservent alors toujours la même attitude, et celle-ci est toujours plus parfaite et surtout beaucoup plus ferme qu'à l'état physiologique, où les caprices de la volonté viennent à chaque instant la modifier et lui enlever son caractère de machine. Il est probable que cette inertie cérébrale se produit, comme dans l'épilepsie, par une anémie provenant d'un spasme vasculaire. Dans les deux maladies, les centres locomoteurs se trouvent débarrassés du frein cérébral, mais ils n'expriment pas de la même façon leur mise en liberté dans les deux affections. Dans l'épilepsie, c'est par l'exaltation de l'innervation de motilité; dans la catalepsie, c'est par l'exaltation de l'innervation de stabilité. Cette dernière maladie se rapproche plus des faits expérimentaux que l'épilepsie, car pour produire des crises épileptiformes, l'ablation des lobes cérébraux ne suffit pas, tandis qu'elle est presque suffisante pour produire l'état cataleptique. Onimus affirme que si chez un animal ainsi mutilé, on

déplace lentement un des membres, celui-ci reste dans la position qu'on lui a communiquée; si le phénomène n'est pas aussi accentué que dans la catalepsie, c'est que sans doute dans celle-ci, en outre de la suppression du fonctionnement du cerveau, la force du tonus se trouve pathologiquement exaltée. Ce qui rapproche encore l'état cataleptique de celui de l'animal qui a été privé de ses lobes cérébraux, c'est qu'il y a des malades qui, mis en mouvement par une impulsion étrangère, continuent à marcher comme des automates, jusqu'à ce qu'on les arrête ou qu'un obstacle s'oppose à leur progression. Toutefois, l'inertie du cerveau est une condition excessivement favorable, mais non indispensable, car il est des cataleptiques chez lesquels cet organe fonctionne encore un peu. Ils perçoivent encore les sensations; ils créent encore des idées; ils ont encore de la volonté; ils veulent encore exécuter des mouvements; ils savent comment on doit s'y prendre pour les exécuter, mais, malgré tous leurs efforts de volonté, ils sont impuissants à les réaliser. Ils se voient forcés de conserver la position fatigante qu'on a imposée à leurs membres. Il est probable que dans ces cas le trouble d'inertie, au lieu d'exister dans les couches corticales du cerveau, siége dans les fibres qui relient ces couches aux corps striés. L'intelligence a perdu momentanément ses moyens de communication avec les centres locomoteurs; elle ne peut plus leur transmettre ses ordres. Quant à la manière dont s'établit cette double condition de la catalepsie, inertie cérébrale et exaltation de l'innervation de stabilité, il nous est pour le moment à peu près impossible de la déterminer. Tout ce qu'on peut dire, c'est que cette maladie semble pouvoir surtout être engendrée par toutes les causes capables de déprimer le moral et l'intelligence, telles sont les passions tristes, amour malheureux, haine, jalousie, terreur, chagrins; la mélancolie, la vie mystique, les fatigues intellectuelles trop considérables. Il semble que l'anémie cérébrale a ici quelque chose de passif, tandis que dans l'épilepsie elle est brusque et spasmodique. Du reste, il est remarquable que les causes susceptibles de produire cette dernière maladie sont au contraire de nature excitante, colère, ambition, excès alcooliques; cette surexcitation est sans doute aussi nécessaire pour exalter les centres locomoteurs et donner lieu à une explosion des forces motrices. Dans la catalepsie, la surex citation de ces centres est faible et semble comme contenue. L'épilepsie trouvait un poison générateur dans l'absinthe, la catalepsie semble aussi avoir le sien.

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PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX.

Un enfant a été rendu cataleptique par l'ingestion de baies de douce-amère. Il est une cause de catalepsie qui, quand elle sera mieux étudiée dans ses effets, pourra peut-être nous faire pénétrer plus avant dans le mécanisme intime de cette affection. Dans un grand nombre de cas la foudre a plongé les individus atteints dans un accès de catalepsie sans leur enlever la vie. L'électricité exerce sur le fonctionnement du système nerveux une influence tellement considérable, qu'on comprend fort bien qu'elle puisse faire brusquement ce que peuvent faire plus lentement les passions dépressives, c'est-à-dire placer les centres nerveux dans des conditions telles que le mécanisme de la catalepsie se trouve facilement réalisé. Aussi n'est-ce pas dans les cas de ce genre qu'on pourra trouver de nouveaux enseignements. C'est plutôt dans ce fait que la foudre produit très-souvent une véritable catalepsie cadavérique. Vieussens a vu deux moissonneurs qui, tués par le tonnerre, avaient les membres raides et immobilisés dans la position où l'accident était venu les surprendre. De plus, dit Vieussens, leurs bras restaient dans la situation qu'on leur donnait quand on les remuait, de sorte qu'ils auraient ressemblé parfaitement à des hommes saisis d'une catalepsie parfaite, s'ils n'avaient été privés entièrement de la respiration et du pouls. Cardan rapporte l'histoire de huit moissonneurs qui, ayant été frappés par la foudre pendant qu'ils prenaient leur repas sous un arbre, conservèrent tous l'attitude qu'ils avaient au moment de la mort. Une chèvre fut retrouvée tuée et restant accrochée à un rocher, tenant dans sa bouche le feuillage qu'elle venait de couper. Y a-t-il là une modification du suc musculaire qui aurait éprouvé une espèce de coagulation pâteuse? Si l'on songe aux effets calorifiques que peut produire l'électricité; si l'on songe qu'on a vu aussi la foudre produire des morts par congélation, on se trouve porté à penser qu'il en est peut-être ainsi. Y a-t-il une modification moléculaire semblable mais passagère dans la véritable catalepsie? Le système nerveux peut-il, par sa force propre, la déterminer comme la foudre? Ou bien, dans l'un et l'autre cas, y a-t-il seulement un état électrique du système nerveux qui modifie l'état électrique statique des muscles? Ce sont là autant de questions que les chercheurs doivent s'efforcer d'élucider. Il y aura surtout lieu d'examiner, le cas échéant, l'état matériel des muscles chez les personnes tuées par la foudre.

TRENTE ET UNIÈME LEÇON.

MESSIEURS,

Il est une dernière maladie qui me paraît se rapporter à la protubérance et devoir être opposée à la catalepsie comme exprimant un autre mode de trouble de la fonction station. C'est la Paralysis agitans.

Paralysis agitans.

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Sommaire descriptif. Comme l'indique son nom, cette maladie est essentiellement caractérisée par une association de tremblement et de faiblesse musculaire qui aboutit même à une véritable paralysie. Le premier de ces deux symptômes est celui qui attire tout d'abord l'attention du malade; le plus souvent il se développe lentement, mais il peut apparaître brusquement sous l'influence d'une émotion morale. Au début, il n'est ordinairement que partiel et siége soit dans l'un des membres, soit à la tête. Parfois il se montre et reste confiné longtemps dans une moitié latérale du corps, c'est-àdire qu'il affecte une forme hémiplégique; mais tôt ou tard il devient toujours général. Sans avoir rien de bien pathognomonique, il se distingue cependant un peu de ceux que peuvent engendrer l'alcool et le mercure, en ce sens qu'il est plus intense, à impulsions beaucoup plus fortes et qu'il détermine des déplacements très-apparents des parties. A chaque instant les genoux s'entrechoquent avec bruit, les talons frappent le sol, le malade semble trépigner parfois. Les bras sont lancés en dedans au point que les mains viennent frapper l'une contre l'autre; la tête est projetée tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre. En général, dans le tremblement mercuriel ou alcoolique, les oscillations sont plus légères et ont moins d'amplitude. Il se

distingue aussi des mouvements de la chorée en ce sens qu'il a lieu aussi bien pendant toute espèce de station que pendant la marche. Généralement, le choréique ne tremble que lorsqu'il n'a pas même un petit point d'appui. Dans la paralysis agitans, lorsque le corps est soutenu, le tremblement ne fait que diminuer. On peut toutefois le suspendre momentanément par une question imprévue. Un effort considérable de volonté du malade peut avoir le même résultat; il s'accroît sous l'influence de l'usage des boissons alcooliques, du thé et du café. Il cesse pendant le sommeil, quoi qu'en dise Parkinson. Lorsqu'il survient accidentellement une hémiplégie, il disparaît pour se montrer de nouveau lorsqu'elle est guérie. Quand les malades veulent marcher, ils vont d'abord lentement, à pas mesurés, puis, malgré eux, ils pressent de plus en plus leur progression; comme l'a dit fort heureusement Trousseau, on dirait qu'ils courent après leur centre de gravité qui semble leur échapper. La propulsion est irrésistible, ils se précipitent jusqu'à ce qu'ils tombent. Graves et Romberg en ont vu qui, au contraire, avaient une tendance au recul. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que pendant que le tremblement va sans cesse croissant, la force musculaire diminue de plus en plus. La sensibilité reste généralement intacte. Il en est de même de toutes les fonctions végétatives. Ce n'est qu'à la fin que les facultés psychiques s'affaissent, mais il y a toujours les signes d'une caducité précoce.

Analyse physiologique. La nature nerveuse de cette affection. ne saurait être mise en doute. Un trouble aussi général de la motilité ne peut être attribué au système musculaire lui-même. Évidemment il ne saurait être produit que par le grand chef d'orchestre qui préside à tous les actes de la motilité. La physiologie expérimentale peut, du reste, nous fournir à cet égard des preuves presque directes. Ainsi que Cl. Bernard l'a fait voir le premier, quand on introduit sous la peau d'une grenouille une goutte de nicotine pure, cet animal est pris au bout de quelques instants de tremblements qui agitent tous les muscles du tronc et des membres. Ces tremblements, par leur aspect, sont l'image fidèle de ce qu'on observe chez les individus atteints de paralysis agitans, de sorte qu'on est presque en droit d'appliquer à cette maladie les résultats de l'expérimentation. Or, de son côté, Vulpian a constaté que le tremblement n'apparaît pas lorsque avant l'inoculation de la nicotine on a eu soin de soumettre la grenouille à l'action du curare, substance qui a tout justement pour effet de paralyser le système nerveux moteur. Il a vu

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