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qu'elle provoque sont identiques avec ceux que l'on observe à la suite de l'intoxication par la strychnine. Mais je tiens à vous faire voir que l'abus du café et du thé, qui sont regardés comme des boissons des plus hygiéniques, peut cependant ébranler le système nerveux; car les deux principes immédiats qu'elles renferment et qui n'en forment peut-être qu'un, la caféine et la théine, engendrent le ténanos tout aussi bien que la strychnine. Remarquez même que chez ces grenouilles qui ont reçu tout au plus un centigramme de caféine, les convulsions surviennent avec plus de rapidité et plus d'intensité que chez celles qui ont été soumises à l'action de la strychnine. On comprend d'après cela qu'à faible dose, ces boissons puissent exercer sur les centres nerveux une stimulation que l'on peut regarder jusqu'à un certain point comme favorable et qu'elles arrivent à augmenter la puissance musculaire. Elles se distinguent de la strychnine en ce qu'elles portent leur action aussi bien sur les lobes cérébraux et l'intelligence que sur les centres locomoteurs.

Ca alepsie.

Sommaire descriptif.- Quelques instants avant l'accès, le malade accuse une douleur de tête; il éprouve des vertiges et des bâillements incoercibles. Le trijumeau qui naît dans la protubérance vient accuser par un spasme réflexe que cette région ressent du moins une des premières l'influence de la névrose. Puis, tout à coup, au moment où on s'y attend le moins, il reste comme pétrifié; il ne tombe pas, il reste comme figé dans l'attitude qu'il présentait auparavant. Plus de mouvements volontaires, plus de mouvements réflexes, mais la contraction tonique de la station est portée à son maximum. Elle s'exagère même par action réflexe toutes les fois qu'une main étrangère cherche à étendre ou à fléchir les membres. Cette contraction tonique ne communique pas toutefois une résistance bien considérable aux différents segments du corps. Ceux-ci conservent une souplesse que l'on a comparée à celle de la cire. On peut à volonté imposer à ces membres toutes les positions possibles; non-seulement ils se laissent faire, mais ils gardent la situation communiquée. Quand la position n'est pas trop contrariée par la pesanteur, elle peut persister pendant toute la durée de l'accès. Dans le cas contraire, elle peut être conservée trois ou quatre fois plus longtemps que dans l'état normal. Au moment où les membres vont quitter cette position par trop difficile à tenir, ils

deviennent un instant le siége de tremblements; ils semblent lutter un certain temps par des décharges intermittentes contre la pesanteur, puis ils finissent par succomber et lui obéir. Le plus souvent l'intelligence, la sensibilité, tant générale que spéciale, sont complétement abolies. Mais il y a à cet égard de nombreuses exceptions partielles. Pendant l'accès, les mouvements de la vie végétative continuent à s'exécuter; seulement ils sont considérablement affaiblis. Les mouvements respiratoires sont juste ce qu'il faut pour qu'il n'y ait pas asphyxie; on les voit à peine, malgré l'observation la plus minutieuse. L'oreille seule peut s'apercevoir que ceux du cœur continuent. Les sphincters remplissent encore leur office. Si on introduit un bol alimentaire au fond de la cavité buccale, la déglutition s'achève avec la plus grande facilité. Tels sont les principaux faits de description qui importent à notre point de vue spécial.

Analyse physiologique. Quoique très-rare, cette maladie devait, par la bizarrerie même de ses manifestations, attirer l'attention des médecins. Aussi a-t-on cherché, à toutes les époques et dans toutes les écoles médicales, à trouver le secret de sa nature. Hippocrate voyait en elle une conséquence directe des excès vénériens; Galien plaçait la cause provocatrice dans l'estomac, et le siége du mécanisme nerveux dans la partie postérieure de l'encéphale qui se trouvait alors atteinte de ce qu'il appelait le refroidissement sec du cerveau. Cette localisation est remarquable en ce sens qu'ici comme en bien d'autres circonstances, Galien a pressenti des vérités physiologiques qu'il ne pouvait démontrer. Son instinct scientifique, si je peux m'exprimer ainsi, le poussait à attribuer des troubles de la motilité à des parties qui réellement sont des centres locomoteurs. Certes, son interprétation, quelque vague qu'elle fût, avait quelque chose de plus sérieux que toutes les divagations que le moyen âge apporta sur la catalepsie, comme sur toutes les questions médicales, et dont voici un spécimen. Bernard Gordon, une des célébrités de l'université de Montpellier, a écrit: que la catalepsie tient à une mauvaise complexion, froide et sèche, à une humeur mélancolique; qu'elle survient plus aisément chez les personnes qui mangent des fruits gelés et boivent de l'eau froide ou tout autre liquide glacé; qu'il résulte de ce régime un épaississement des esprits qui ne leur permet plus de pénétrer jusqu'aux membres qui se trouvent alors privés de sentiment et de mouvement. L'opinion de Fernel, quoique moins ancienne, est de la même valeur. Il attribuait la catalepsie à

une irruption vers le cerveau d'un mélange de pituite et de bile jaune. Rondelet brisait déjà moins avec le bon sens en l'attribuant à une distension des veines et des artères du cerveau par suite d'un afflux momentané de sang. Petetin a développé cette idée de congestion en l'accusant de produire une compression: 1° dans la partie du cerveau qui est le siége de l'intelligence, d'où perte de connaissance; 2° à l'origine des nerfs qui président aux mouvements volontaires, d'où suppression de ceux-ci; 3° à l'origine des nerfs sensoriaux, d'où l'anesthésie générale. Vint ensuite Broussais qui, englobant la catalepsie dans son système par trop simple et par trop général, la considérait comme le résultat d'une irritation cérébrale. Enfin, vers la même époque à peu près, Jolly voyait dans cette maladie l'expression de ce qu'il appelait une surcharge du système nerveux. Bourdin, qui est l'auteur d'un bon traité sur la catalepsie, déclare que cette dernière théorie est encore la moins défectueuse de toutes. Elle est trop vague pour nous satisfaire. Toutefois, je crois qu'il y a du vrai dans cette expression de surcharge. C'est ce dont nous allons nous apercevoir en essayant d'établir, avec les données actuelles de la physiologie, la pathogénie de la catalepsie.

Comme question préalable, doit-on lui conserver une place spéciale dans le cadre nosologique? Ou doit-on, comme le veut Falret, la considérer comme un simple symptôme pouvant apparaitre dans une foule de maladies nerveuses essentiellement différentes? Il est bien vrai que les faits sont loin de reproduire exactement la description type présentée dans le sommaire. En effet, si on passe en revue toutes les observations rapportées à la catalepsie, on voit que l'anesthésie n'est pas un fait constant; que la sensibilité générale peut persister à un certain degré; qu'un ou plusieurs sens peuvent continuer à fonctionner d'une manière plus ou moins parfaite; que l'intelligence n'est pas toujours abolie; qu'elle peut encore se manifester par quelques lueurs; que, même exceptionnellement, la rigidité musculaire peut perdre de son caractère spécial et tendre à se fondre soit avec la contraction volontaire, soit avec la contraction tétanique. Mais en définitive, sous ce rapport, la catalepsie se conduit absolument comme toutes les maladies. Les entités les mieux établies, la fièvre typhoïde, la pneumonie, sont loin de se ressembler toujours. Il est une foule de cas où leur pénombre tend à se fusionner avec celle d'autres affections. Il est bien vrai aussi que le phénomène de l'immobilisation des membres vient souvent se montrer dans

l'hystérie, l'extase, l'épilepsie, etc. Mais cela tient uniquement à ce que les diverses parties du système nerveux sont tellement liées entre elles qu'elles sont portées à s'entraîner mutuellement dans toutes sortes de déviations et à donner lieu à des composés morbides excessivement variés. D'ailleurs, symptôme ou maladie, l'aspect si caractéristique des agents du mouvement dans la catalepsie constitue évidemment un état particulier de l'innervation, un état qui, bien certainement, doit avoir un mécanisme différent de celui de l'épilepsie, de l'hystérie, etc. Et pour le médecin physiologiste, il y a toujours lieu de rechercher les détails probables de ce mécanisme.

On peut déjà assurer que le fait en lui-même constitue une aberration de la station, comme l'épilepsie et le tétanos sont de leur côté une aberration de la locomotion, c'est-à-dire de la fonction des mouvements. C'est une infraction aux lois de l'attitude. Les muscles se contractent sous l'impulsion du système nerveux, non-seulement lorsqu'ils déterminent de véritables mouvements avec déplacements dans l'espace des divers segments du corps, mais encore lorsqu'ils servent à maintenir ces segments immobiles dans une situation déterminée, malgré les sollicitations de la pesanteur. Cette action latente n'est pas l'œuvre de la propriété dite tonicité, laquelle n'est en réalité qu'une conséquence de l'élasticité du muscle qui tend à ramener celui-ci dans sa situation moléculaire naturelle, lorsque la position des points d'insertion ne vient plus la contrarier. Elle résulte d'une contraction active des fibres musculaires provoquée d'une manière réflexe par les impressions apportées incessamment par les fibres nerveuses sensitives des muscles, et ces impressions sont elles-mêmes la conséquence de la position des parties, des contacts qu'elles subissent et des effets de l'attraction terrestre. Cette contraction imperceptible est moins intense que celle qui aboutit aux mouvements, mais elle est continue et non intermittente comme celle-ci. Les courants électriques continus et intermittents nous fournissent une image assez exacte de ces deux espèces de contraction. La première a reçu des physiologistes le nom de tonus pour la distinguer de la contraction de mouvements. Blasius désigne l'action du système nerveux dans cette circonstance par les mots d'innervation de stabilité, ceux d'innervation de motilité devant s'appliquer à l'action qui engendre des déplacements. Eh bien! c'est ce tonus, cette innervation de stabilité, qui se trouve troublé dans la catalepsie. Même dans la station la plus facile, pendant l'état physiologique, il n'y a pas de stabilité

absolue et de longue durée. La loi de l'intermittence d'action vient à chaque instant reprendre ses droits. Il faut que nous fassions à chaque moment éprouver à la station des modifications partielles. Nous varions l'inclinaison du tronc, nous nous portons davantage sur un membre, puis sur l'autre. Nous faisons reposer quelques minutes certains muscles, primitivement mis en jeu, pendant que nous en faisons travailler d'autres. De plus, si on regarde de près un homme qui se tient debout, on constate que même le membre qui travaille le plus exécute des oscillations imperceptibles de façon à déplacer d'une quantité minime la ligne de gravité du membre et à faire fonctionner davantage tantôt les extenseurs, tantôt les fléchisseurs. Le courant électrique est rémittent alors qu'il semble continu. Dans la catalepsie, rien de tout cela. La loi de l'intermittence devient non avenue. Le courant devient à la fois intense, continu et invariable. La force de stabilité est capable de maintenir le travail musculaire nécessaire à la station sans avoir besoin de l'alternance du travail ni de la moindre oscillation. L'immobilité n'est plus seulement apparente, elle est mathématique. Non-seulement elle peut maintenir les diverses parties du corps et son ensemble dans une immobilité beaucoup plus absolue et beaucoup plus invariable qu'à l'état normal, mais elle le peut dans les conditions statiques les plus mauvaises et les plus difficiles à vaincre.

Quelle est la modification des centres nerveux qui produit cet état de choses. Luys pense qu'il tient uniquement à l'abolition des aptitudes physiologiques d'un point limité de la couche optique, qu'il regarde comme le point de convergence des conducteurs du sens musculaire. Ce serait ce point qui transmettrait, en dernière analyse, à l'intellect la notion des divers états de tension des fibres musculaires. Chez les cataleptiques il serait momentanément paralysé par une anémie due à une contraction spasmodique de ses vaisseaux. Ils perdraient ainsi la conscience de la position de leurs membres et des efforts que leurs muscles seraient obligés d'effectuer pour lutter contre la pesanteur. La lutte se continuerait d'une manière inconsciente et serait entretenue par les impressions que les muscles contractés enverraient incessamment aux centres moteurs. La contraction ainsi que le poids titilleraient constamment les filets du sens musculaire qui à son tour exciterait la contraction.

Cette explication est logique. Il est probable que cette influence de l'inconscience des actes musculaires est un des éléments du

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