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lepsie qu'en faisant éprouver des altérations secondaires à ces mêmes centres. C'est d'autant plus probable, qu'il est bien établi aujourd'hui que les résections des troncs nerveux donnent licu à des dégénérescences ascendantes de la moelle. Celles-ci pourraient parfaitement s'étendre jusque dans l'isthme de l'encéphale. Je me propose de vérifier le fait sur ces deux cobayes, dont l'un vient d'avoir le nerf sciatique réséqué et dont l'autre est soumis à l'intoxication lente par l'essence d'absinthe, qui, comme toutes les boissons alcooliques, produit des troubles de nutrition dans l'encéphale. Il est à penser enfin que ces altérations des centres locomoteurs, qu'elles soient spontanées ou qu'elles soient la conséquence de résections, agissent en exagérant le pouvoir convulsif de ces régions.

Tétanos.

Sommaire descriptif. Cette affection peut apparaître dans quatre circonstances différentes: 1° sous l'influence d'une blessure quelconque, particulièrement de piqûres intéressant l'extrémité périphérique des nerfs, ou de plaies renfermant des corps étrangers susceptibles d'irriter les filets nerveux; c'est le cas le plus fréquent, et le tétanos est dit traumatique; 2o sous l'influence du froid humide; ce cas se rencontre surtout dans les pays où la fraîcheur de la nuit contraste avec la chaleur du jour; le tétanos est dit alors à frigore; 3° sous l'influence de l'introduction dans le sang de certaines substances qui sont la strychnine, la brucine, la picrotoxine, la caféine; le tétanos prend dans ce cas le nom de toxique; 4o enfin il peut se montrer d'une manière spontanée, sans qu'il soit possible d'invoquer une des causes précédentes. La forme traumatique offre seule des prodromes bien appréciables et caractéristiques. Ils consistent dans le brusque tarissement de la suppuration et dans l'apparition d'irradiations douloureuses qui suivent un trajet ascendant. Dans toutes les formes, le premier symptôme consiste généralement dans ce qu'on a appelé le trismus. Les muscles élévateurs du maxillaire inférieur deviennent le siége d'une crampe permanente tellement intense, que les mâchoires restent fortement serrées l'une contre l'autre et qu'il devient impossible de les écarter, même avec un levier. Pendant un certain nombre d'heures, c'est là la seule manifestation que l'on observe.

De là la contraction tonique s'étend, mais avec un degré beaucoup plus faible, aux muscles de la face. Il en résulte un tiraillement des commissures labiales que l'on désigne par les mots : rire sardonique. Puis vient le tour des muscles du pharynx, ce qui rend la déglutition difficile. En même temps les muscles de la nuque se contractent énergiquement et maintiennent la tête renversée en arrière. Bientôt le spasme tonique se propage rapidement à tous les muscles du tronc et des membres, et le tétanos apparaît dans tout son développement. L'ensemble du corps, malgré ses nombreux segments, se trouve immobilisé et comme transformé en un seul levier inflexible. Les parois thoraciques maintenues dans une position fixe par les efforts antagonistes de tous les muscles inspirateurs et expirateurs, ne peuvent plus dilater et resserrer alternativement la cavité qu'elles circonscrivent, et l'asphyxie devient la conséquence de cette action exagérée et incessante des agents de la respiration. Les muscles du tronc ne se font pas toujours parfaitement équilibre et il peut en résulter une incurvation en arrière, opisthotonos; en avant, emprosthotonos; latéralement, pleurosthotonos. En général les membres supérieurs sont maintenus dans une flexion forcée, les membres inférieurs dans l'extension. Tout en étant permanente, la contraction présente des moments d'exacerbation et de détente relatives. Les exacerbations sont provoquées d'une manière réflexe par un contact quelconque, si léger qu'il soit; même par un simple courant d'air. Elles apparaissent aussi sous l'influence d'un faible ébranlement communiqué par le lit. Chose remarquable qui vient bien à l'appui de notre opinion sur le mécanisme de la motilité, la volonté elle-même, la simple intention d'un mouvement quelconque suffisent pour en déterminer. Les fibres encéphaliques excitent les cellules des cornes antérieures au même titre que les fibres réflexo-motrices. Quant aux détentes, elles indiquent un anéantissement partiel de la force nerveuse. L'intelligence reste intacte jusque dans les derniers moments et elle ne se trouble que sous l'influence de l'acide carbonique que l'asphyxie accumule dans le sang. Le pouls est toujours très-accéléré et la température s'élève jusqu'à 40 degrés. Il y a des sueurs abondantes, et il se produit quelquefois une éruption miliaire. Le tétanos possède déjà une anatomie pathologique en grande voie de formation; mais ce que nous connaissons actuellement sur ce sujet sera mieux placé dans la discussion physiologique.

Analyse physiologique. Le tétanos est généralement regardé

comme étant une maladie du système nerveux. Un seul médecin a voulu échapper à l'impression commune en le localisant dans le système musculaire. C'est Martin de Pedro, de Madrid. Selon lui, le muscle est seul mis en jeu, comme troubles fonctionnels et comme siége primitif de la maladie. L'affection est de nature catarrho-rhumatismale et reconnaît comme cause l'action du froid. Le tissu conjonctif qui entoure les fibres musculaires s'altère au même titre que le tissu fibreux des ligaments articulaires dans le rhumatisme généralisé. Dans cet état d'inflammation spécifique, il empêche les phénomènes d'hématose dans les fibres musculaires qu'il enveloppe, et il détermine dans l'ensemble des muscles une contraction permanente. Martin de Pedro prétend qu'il existe la plus grande analogie entre le cours du tétanos et celui du rhumatisme; que dans les deux maladies les phénomènes critiques s'opèrent de même par la peau et les reins; et que, dans les deux cas, la convalescence s'annonce par l'apparition d'une grande quantité d'acide carbonique dans les urines. Ces arguments généraux sont bien vagues. Quant à l'existence de lésions anatomiques dans les muscles, cet auteur ne s'appuie, pour l'admettre, que sur un seul cas, et pour moi, il est évident qu'il s'agissait d'un commencement de coagulation du suc musculaire sous l'influence de l'élévation de la température. En outre, il serait assez difficile de comprendre que cette maladie du muscle puisse être provoquée indifféremment par une action à frigore ou par une cause traumatique. Aussi mon désir d'être complet m'a seul engagé à vous parler de cette théorie qui n'a pour elle qu'un certain cachet d'originalité. La nature nerveuse du tétanos s'impose à l'observateur au même titre qu'un axiome et il ne saurait y avoir d'hésitation que sur le mécanisme particulier de cette affection du système nerveux. Sous ce rapport, il est déjà à peu près incontestable que les contractions tétaniques traduisent une exaltation considérable du pouvoir réflexe de l'axe cérébro-spinal. Reste à trouver ce qui exalte ainsi ce pouvoir excito-moteur. C'est ici que les opinions varient.

Il est un certain nombre de médecins qui classent le tétanos parmi les maladies infectieuses, comme le choléra, le typhus, etc. Au cas particulier, l'infection se traduirait anatomiquement par une méningo-myélite qui exagérerait le pouvoir réflexe des centres nerveux. Ils s'appuient sur : 1° le début insidieux du tétanos qui rappelle les allures de toutes les épidémies de cette nature; 2o la marche très

variable de l'affection, sa bénignité relative dans certains cas, sa gravité extrême dans d'autres cas, ce qui est aussi en rapport avec la marche des maladies infectieuses; 3° ce fait, déjà souvent observé, que dans une salle d'hôpital deux ou trois malades, ordinairement voisins les uns des autres, sont atteints en même temps; 4o la fréquence du pouls et la haute élévation de la température qui semblent indiquer l'existence d'une pyrexie; 5o la tendance qu'ont toutes les maladies infectieuses à empoisonner les centres nerveux et à les, altérer plus ou moins dans leur texture; 6o la possibilité de développer le tétanos à l'aide de substances toxiques. Se basant sur toutes ces preuves indirectes, les partisans de cette théorie pensent qu'elle peut expliquer aussi bien le tétanos traumatique que le tétanos spontané. Dans le premier, la plaie servirait de porte d'entrée aux germes d'infection. Dans le second, l'introduction se ferait par les muqueuses et la peau; cette forme spontanée serait moins fréquente, parce que la voie serait moins ouverte que dans le cas de plaie. Il serait aussi très-facile de s'expliquer pourquoi le tétanos règne d'une manière endémique dans l'Inde, sans avoir à invoquer l'action des grandes fraîcheurs de la nuit. Le climat de ce pays serait tout simplement plus propice au développement des miasmes. Par ses conditions climatériques et météorologiques, l'Inde, qui est déjà le berceau du choléra, deviendrait aussi un foyer de tétanos. Cette opinion semble trouver un argument assez puissant dans un fait de Griesinger. Chez un tétanique, cet observateur a constaté, avec une anémie du foie et de la rate, un gonflement des plaques de Peyer et une obstruction des pyramides rénales par des cylindres récents, toutes altérations qui rappellent celles qu'on rencontre dans les pyrexies. Mais un seul fait ne saurait entraîner une conviction, d'autant plus qu'il a pu n'y avoir là qu'une coïncidence. C'est pourquoi MM. Arloing et Tripier ont pensé devoir s'adresser à la pathologie expérimentale pour juger la question. Ils ont pensé, avec raison, que s'il existait réellement un poison quelconque, un véritable virus tétanique, celui-ci devait se trouver dans le sang ou dans le pus sécrété par la plaie; et que, par conséquent il devait suffire, pour engendrer le tétanos, d'inoculer à un animal, soit du sang, soit du pus d'un tétanique. Partant de là, ils ont d'abord injecté dans les veines de divers animaux, tantôt du sang, tantôt du pus empruntés à des hommes atteints de tétanos. Ils ne purent jamais donner naissance à des convulsions tétaniques, même partielles. Comme on

pouvait objecter que le tétanos n'était peut-être pas susceptible de se transmettre d'un homme à des animaux, ils ont profité d'une occasion d'agir entre animaux de même espèce. Ils prirent du sang d'un cheval tétanique et l'inoculèrent à un autre cheval, sans rien obtenir. Il semble donc que le tétanos, dans son mode de transmission ou plutôt de création, n'obéisse pas à la loi qui régit la genèse des maladies infectieuses.

Une interprétation qui compte beaucoup plus de partisans est celle qui attribue l'exaltation des centres moteurs à leur titillation permanente par une lésion d'un ou plusieurs nerfs sensitifs. Dans certaines blessures, les filets nerveux, se trouvant constamment et considérablement irrités, viendraient solliciter de la part des cellules motrices des décharges continues et puissantes. Dans le tétanos à frigore, l'impression périphérique serait sans doute plus faible; mais comme elle porterait à la fois sur tout le système nerveux périphérique, il y aurait encore une somme d'excitations suffisante pour amener le même résultat. Cette seconde opinion se base sur ce que : 1o le début du tétanos coïncide souvent avec l'apparition de vives douleurs dans la plaie; 2o la maladie se montre surtout à la suite des plaies des membres et particulièrement de celles des doigts et des orteils qui sont très-riches en filets sensitifs et qui leur offrent des appareils de perfectionnement périphériques, tandis que ce genre de complication survient rarement dans les plaies du tronc où les mêmes conditions ne se rencontrent pas; 3° les blessures par piqûre ou par écrasement ou compliquées de la présence d'un corps étranger, c'est-à-dire celles où les causes d'irritation sont plus vives, développent bien plus facilement le tétanos que les plaies simples. Cette théorie a été poursuivie jusque dans ses conséquences pratiques, il y a déjà un grand nombre d'années. Ainsi, sous le premier Empire, Larrey avait pensé qu'en supprimant la cause d'irritation périphérique, on devrait naturellement enlever aux centres nerveux l'aliment indispensable de la maladie, et il a proposé dans cette vue l'amputation du membre lésé. J'ignore si le succès a jamais répondu à son attente. Depuis, Rizzoli de Bologne, dans un cas de tétanos traumatique, a obtenu une guérison immédiate en faisant la désarticulation du genou. Mais l'ablation de la totalité d'un membre était une mesure trop radicale et trop exagérée aux yeux de la raison et de la physiologie. Aussi ne cherche-t-on plus aujourd'hui qu'à enlever le corps qui irrite les ramuscules nerveux ou à produire une

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