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Quand même Defcartes devrait à Snellius la connaiffance de la loi fondamentale de la dioptrique, ce qui n'eft rien moins que prouvé, cette découverte était reftée abfolument ftérile entre les mains de Snellius, et Defcartes en tira la théorie des lunettes : on lui doit celle des miroirs et des verres dont les furfaces feraient formées par des arcs de fections coniques. Il découvrit indépendamment de Galilée les lois générales du mouvement, et les développa mieux que lui il fe trompa fur celles du choc des corps, mais il a imaginé le premier de les chercher, et il a montré quels principes on devait employer dans cette recherche. On lui doit fur-tout d'avoir banni de la phyfique tout ce qui ne pouvait se ramener à des causes. mécaniques ou calculables, et de la philofophie l'ufage de l'autorité.

Newton a l'honneur unique jusqu'ici d'avoir découvert une des lois générales de la nature; et quoique les recherches de Galilée fur le mouvement uniformément accéléré, celles de Huyghens fur les forces centrales dans le cercle, et fur-tout la théorie ́des développées, qui permettait de confidérér les élémens des courbes comme des arcs de cercle, lui euffent ouvert le chemin, cette découverte doit mettre fa gloire au

deffus de celle des philofophes ou des géomètres qui même auraient eu un génie égal au fien. Képler n'avait trouvé que les lois du mouvement et des corps céleftes; et Newton trouva la loi générale de la nature dont ces règles dépendent. La découverte du calcul différentiel le place au premier rang des géomètres de fon fiècle; et fes découvertes fur la lumière, à la tête de ceux qui ont cherché dans l'expérience le moyen de connaître les lois des phé

nomènes.

Leibnitz a difputé à Newton la gloire d'avoir trouvé le calcul différentiel ; et en examinant les pièces de ce grand procès, on ne peut fans injustice refuser à Leibnitz au moins une égalité toute entière. Observons que ces deux grands hommes fe contentèrent de l'égalité, fe rendirent justice, et que la difpute qui s'éleva entre eux fut l'ouvrage du zèle de leurs difciples. Le calcul des quantités exponentielles, la méthode de différencier fous le figne, plufieurs autres découvertes trouvées dans les lettres de Leibnitz, et auxquelles il femblait attacher peu d'importance, prouvent que, comme géomètre, il ne cédait pas en génie à Newton lui-même. Les idées fur la géométrie des fituations, fes effais fur le jeu de folitaire

font les premiers traits d'une fcience nouvelle qui peut être très-utile, mais qui n'a fait encore que peu de progrès, quoique de favans géomètres s'en foient occupés. Il fit peu en phyfique, quoiqu'il sût tous les faits connus de fon temps, et même toutes les opinions des phyficiens, parce qu'il ne fongea point à faire des expériences nouvelles. Il est le premier qui ait imaginé une théorie générale de la terre, formée d'après les faits obfervés, et non d'après des dogmes de théologie; et cet effai eft fort fupérieur à tout ce que l'on a fait depuis en ce genre.

Son génie embraffa toute l'étendue des connaiffances humaines; la métaphyfique l'entraîna; il crut pouvoir affigner les principes de convenance qui avaient présidé à la conftruction de l'univers. Selon lui, DIEU par fon effence même eft néceffité à ne point agir fans une raison suffisante, à conferver dans la nature la loi de continuité, à ne point produire deux êtres rigoureufement femblables, parce qu'il n'y aurait point de raifon de leur exiftence; puifqu'il eft fouverainement bon, l'univers doit être le meilleur des univers poffibles; fouverainement fage, il règle cet univers par les lois les plus fimples. Si tous les phénomènes peuvent fe concevoir, en ne fuppofant que

des fubftances fimples, il ne faut pas en fuppofer de compofées, ni par conféquent d'étendues, fufceptibles d'une divifion indéfinie. Or des êtres fimples, pourvu qu'on leur fuppofe une force active, font fufceptibles de produire tous les phénomènes de l'étendue, tous ceux que préfentent les

corps en mouvement.

Quelques êtres fimples ont des idées ; telles font les ames humaines; tous feront donc fufceptibles d'en avoir; mais leurs idées feront diftinctes ou confufes, felon l'ordre que ces êtres occupent dans l'univers. L'ame de Newton, l'élément d'un bloc de marbre font des substances de la même nature; l'une a des idées fublimes, l'autre n'en a que de confuses.

Cet élément, placé dans un autre lieu, par la fuite des temps peut devenir une ame raisonnable. Ce n'eft point en vertu de fa nature que l'ame agit fur les monades qui compofent le corps, et celles-ci fur l'ame; mais, en vertu des lois éternelles, l'ame doit avoir certaines idées, les monades du corps certains mouvemens. Ces deux fuites de phénomènes peuvent être indépendantes l'une de l'autre elles le font donc, puifqu'une dépendance réelle eft inutile à l'ordre de l'univers.

Ces idées font grandes et vaftes; on ne peut qu'admirer le génie qui en a conçu l'ordre et l'enfemble; mais il faut avouer qu'elles font dénuées de preuves, que nous ne connaiffons rien dans la nature, finon la fuite des faits qu'elle nous présente, et ces faits font en trop petit nombre pour que nous puiffions deviner le fyftême géneral de l'univers. Du moment où nous fortons de nos idées abftraites et des vérités de définition, pour examiner le tableau que préfente la fucceffion de nos idées, ce qui eft pour nous l'univers, nous pouvons y trouver avec plus ou moins de probabilité un ordre conftant dans chaque partie, mais nous ne pouvons en faifir l'ensemble ; et jamais, quelques progrès que nous faffions, nous ne le connaîtrons tout entier.

Leibnitz fut encore un publicifte profond, un favant jurifconfulte, un érudit du premier ordre. Il embraffa tout dans les fciences hiftoriques, politiques, comme dans la métaphyfique et dans les fciences naturelles; par-tout il porte le même efprit, s'attachant à chercher des vérités générales, foumettant à un ordre fyftématique les objets les plus dépendans de l'opinion, et qui femblent s'y refufer le plus.

Mallebranche ne fut qu'un difciple de

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