Page images
PDF
EPUB

AUX OBJECTIONS PRINCIPALES QU'ON

A FAITES EN FRANCE CONTRE LA
PHILOSOPHIE DE NEWTON.

Les Elémens de Newton furent donnés au public, parce qu'il femblait utile de mettre le public au fait de ces nouvelles vérités dont tout le monde parlait à Paris comme d'un monde inconnu. M. Algarotti travaillait en même temps à faire goûter cette philofophie à fes compatriotes, et ornait par les agrémens de fon esprit des vérités qui ne femblaient foumifes qu'au calcul. Ces vérités pénétraient dans l'académie des fciences malgré le goût dominant de la philosophie cartéfienne; elles y furent d'abord propofées par un grand mathématicien (1), qui depuis par fes mesures prifes fous le cercle polaire, a reconnu et déterminé la figure que Newton et Huyghens avaient affignée à la terre. D'autres géomètres phyficiens, et fur-tout celui qui a traduit la Statique des végétaux ( 2 ),

(1) M. de Maupertuis; il a trouvé le moyen d'occuper le public de lui feul, et de faire oublier fes compagnons de voyage.

(2) M. de Buffon; il a eu depuis avec M. Clairault une difpute fur la nature des forces attractives, difpute où tout l'avantage a été pour le grand géomètre.

Fauffe

idée de

et qui enchérit encore fur ces expériences 'étonnantes, embraffaient avec courage cette phyfique admirable, qui n'eft fondée que fur les faits et fur le calcul, qui rejette toute hypothèse, et qui par conféquent eft la feule phyfique véritable.

L'auteur des Elémens tâcha de mettre ces vérités nouvelles à la portée des efprits les moins exercés dans ces matières ; et quoique fon ouvrage ait été imprimé avec beaucoup de fautes, et que l'impatience des libraires. ne lui eût pas donné le temps de l'achever, il n'a pas laiffé pourtant d'être de quelque utilité. On n'a pas reproché le défaut de clarté à ce livre.

Cependant il faut bien qu'il foit plus difficile à entendre qu'on ne croyait, puisque tous ceux qui ont écrit contre les vérités dont il était l'interprète, lui ont reproché des chofes qui affurément ne se trouvent ni dans fon livre, ni dans aucun difciple de Newton.

L'un s'imagine, par exemple, que dans plufieurs un verre ardent, le milieu doit attirer plus critiques. que les bords, et que c'eft par cette raifon que les rayons de lumière, felon Newton fe raffemblent au foyer du verre ; et il perd bien du temps et de la peine pour réfuter ce qui n'a jamais été dit.

méprife

Un autre croit que chez Newton la lumière Autre ne vient du foleil fur la terre, que parce "fur la que la terre l'attire de trente-trois millions lumière. de lieues.

Autre

mal-en

Il y en a qui, ayant lu par hafard ces mots, la lumière se réfléchit du sein du vide, tendu fur ont cru, fans faire attention à ce qui précède le vide. et à ce qui fuit, qu'on attribuait au vide une action fur la matière, et là-dessus ils ont triomphé, et ils ont débité ou des injures, ou des plaifanteries, ou des argumens éga

lement inutiles.

Si ces meffieurs, par exemple, au lieu de crier contre ce qu'ils n'avaient pas affez examiné, s'étaient voulu informer de l'état de la queftion, voici ce qu'on leur aurait répondu.

tion d'une

Newton a découvert entre la lumière et Explicales corps une action dont on n'avait pas belle exd'idée. Il fait voir, par exemple, que la périence. même lumière oblique, qui ne se transmet point à travers un criftal, s'y tranfmet dès qu'on met de l'eau fous ce criftal; il a assuré que, fi on trouvait le fecret de pomper l'air fous ce cristal dans la machine du vide, ce même rayon oblique, qui passait prefque tout entier du verre dans l'eau appliquée à ce criftal, ne pafferait point du tout dans ce vide. L'auteur des Elémens de Newton eft

peut-être le premier en France qui en ait fait l'expérience, et de là il a conclu, avec grande raifon, qu'il y a une action inconnue du criftal et de l'eau fur la lumière, action d'une espèce nouvelle, action dont aucun philofophe n'a pu rendre raifon par les mécaniques ordinaires; action que l'on nomme attraction, propter egeftatem linguæ et rerum novitatem; en attendant que DIE U nous en révèle la caufe.

L'auteur des Elémens, en parlant de ce phénomène, s'eft fervi de cette expreffion très-française, que la lumière rejaillit du fein du vide, à peu près comme il a dit en vers:

Valois fe réveilla du fein de fon ivreffe.....
Gouverner fon pays du fein des voluptés.....

Il n'y a perfonne qui ne fache ce que valent ces expreffions; elles font fi claires. qu'on peut s'en fervir en profe comme en poëfie, pourvu qu'on n'affecte pas de les employer fréquemment, et qu'on évite la profe poëtique avec autant de foin que le ftyle familier et plaifant. On fait bien que ni l'ivreffe, ni les voluptés, ni le vide n'ont un fein qui agiffe réellement ; et tout ce qu'un lecteur qui ne veut point chicaner devait comprendre, c'eft que la lumière qui rejaillit du vide, en rejaillit parce que le corps voifin exerce une force quelconque fur elle.

fementfur

un fait

portant

trifection

Quelques-uns plus injuftes encore, pre- Eclaircifnant l'acceffoire pour le principal, comme il arrive prefque toujours, ont fait femblant de très-imcroire que l'auteur fe vantait d'avoir trouvé d'optique la trifection de l'angle par la règle et le et fur la compas; et au lieu d'examiner avec lui une del'angle. question d'optique très-importante, ils ont laiffé là cette queftion dont il s'agiffait, et l'ont harcelé fur la prétendue trifection de l'angle, dont il ne s'agit point du tout.

Voici, encore une fois, le problème que propofait l'auteur: Vous regardez à la fois deux hommes, ou plufieurs hommes de même taille, dont le premier eft à un pied de vous, et le dernier à quarante : le premier trace fur votre rétine un angle quatre fois plus grand que le dernier : la grandeur des images dépend de la grandeur des angles, et cependant ces deux hommes vous paraissent d'égale hauteur: je dis que ce phénomène journalier ne peut être expliqué par aucun changement dans l'œil ou dans le cristallin, comme l'ont prétendu prefque tous les opticiens je dis que fi l'œil prend une nouvelle conformation, il la prend également pour l'homme qui eft diftant d'un pied et pour celui qui eft à quarante pieds: je dis que les voyant tous deux à la fois, fi l'angle fous lequel vous les voyez s'agrandit ou diminue,

« PreviousContinue »