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mathématiques feront impuiffantes à nous apprendre pourquoi ces muscles agiffent à l'ordre de notre volonté. Toutes les connaissances que nous avons des planètes ne nous apprendront jamais pourquoi elles tournent de l'Occident à l'Orient plutôt qu'au contraire. Newton, pour avoir anatomifé la lumière, n'en a pas découvert la nature intime. Il favait bien qu'il y a dans le feu élémentaire des propriétés qui ne font point dans les autres élémens.

Il parcourt foixante et dix millions de lieues en un quart-d'heure. Il ne paraît pas tendre vers un centre comme les corps; mais il fe répand uniformément et également en tout fens, au contraire des autres élémens. Son attraction vers les objets qu'il touche, et fur la furface defquels il rejaillit, n'a nulle proportion avec la gravitation univerfelle de la matière.

Il n'eft pas même prouvé que les rayons du feu élémentaire ne fe pénètrent pas les uns les autres. C'eft pourquoi Newton, frappé de toutes ces fingularités, femble toujours douter fi la lumière eft un corps. Pour moi, Monfieur, fi j'ose hafarder mes doutes, je vous avoue que je ne crois pas impoffible que le feu élémentaire soit un être à part, qui anime la nature, et qui tient le milieu entre les corps et quelque autre être que nous ne connaiffons pas, de même que

certaines plantes organisées fervent de paffage du règne végétal au règne animal. Tout tend à nous faire croire qu'il y a une chaîne d'êtres qui s'élèvent par degrés. Nous ne connaiffons qu'imparfaitement quelques anneaux de cette chaîne immense; et nous autres petits hommes, avec nos petits yeux et notre petite cervelle, nous diftinguons hardiment toute la nature en matière et efprit, en y comprenant DIEU, ne fachant pas d'ailleurs un mot de ce que c'eft au fond que l'efprit et la matière. Je vous expofe mes doutes, Monfieur, avec la même franchise que vous m'avez communiqué les vôtres. Je vous félicite de cultiver la philofophie, qui doit nous apprendre à douter fur tout ce qui n'eft pas du reffort des mathématiques et de l'expérience, &c.

TROISIEME PARTIE.

CHAPITRE PREMIER.

PREMIERES IDÉES TOUCHANT LA PESANTEUR ET LES LOIS DE L'ATTRACTION: QUE LA MATIERE SUBTILE, LES TOURBILLONS ET LE PLEIN DOIVENT ETRE

REJETÉS.

Attraction. Expérience qui démontre le vide et les effets de la gravitation. La pefanteur agit en raison des maffes. D'où vient ce pouvoir de la pefanteur. Il ne peut venir d'une prétendue matière fubtile. Pourquoi un corps pèfe plus qu'un autre. Le fyftême de Defcartes ne peut en rendre raison.

UN lecteur fage, qui aura vu avec attention

ces merveilles de la lumière, convaincu par l'expérience qu'aucune impulfion connue ne les opère, fera fans doute impatient d'observer cette puissance nouvelle dont nous avons parlé fous le nom d'attraction, qui agit fur tous les autres corps plus fenfiblement et d'une autre

façon que les corps fur la lumière. Que les poms, encore une fois, ne nous effarouchent point; examinons fimplement les faits.

Je me fervirai toujours indifféremment des termes d'attraction et de gravitation en parlant des corps, foit qu'ils tendent fenfiblement les uns vers les autres, foit qu'ils tournent dans des orbes immenfes autour d'un centre commun, foit qu'ils tombent fur la terre, foit qu'ils s'uniffent pour compofer des corps folides, foit qu'ils s'arrondiffent en gouttes pour former des liquides. Entrons en matière.

Tous les corps connus pèfent, et il y a longtemps que la légèreté abfolue a été comptée parmi les erreurs reconnues d'Ariftote et de fes fectateurs.

Depuis que la fameufe machine pneumatique a été inventée, on a été plus à portée de connaître la pefanteur des corps; car, lorf qu'ils tombent dans l'air, les parties de l'air retardent fenfiblement la chute de ceux qui ont beaucoup de furface et peu de masse; mais dans cette machine privée d'air, les corps abandonnés à la force, quelle qu'elle foit, qui les précipite fans obftacle, tombent felon tout leur poids.

La machine pneumatique, inventée par Otto Guerik, fut bientôt perfectionnée par Boyle; on fit enfuite des récipiens de verre

beaucoup plus longs, qui furent entièrement purgés d'air. Dans un de ces longs récipiens compofé de quatre tubes, le tout ensemble ayant huit pieds de hauteur, on fufpendit en haut, par un reffort, des pièces d'or, des morceaux de papier, des plumes; il s'agiffait de favoir ce qui arriverait quand on détendrait le reffort. Les bons philofophes prévoyaient que tout cela tomberait en même temps: le plus grand nombre affurait que les corps les plus maffifs tomberaient bien plus vîte que les autres : ce grand nombre, qui se trompe prefque toujours, fut bien étonné quand il vit, dans toutes les expériences, l'or, le plomb, le papier et la plume tomber également vîte, et arriver au fond du récipient en même temps.

Ceux qui tenaient encore pour le plein de Defcartes, pour les prétendus effets de la matière fubtile, ne pouvaient rendre aucune bonne raison de ce fait; car les faits étaient leurs écueils. Si tout était plein, (quand on leur accorderait qu'il pât y avoir alors du mouvement, ce qui eft absolument impoffible) au moins cette prétendue matière fubtile remplirait exactement tout le récipient; elle y ferait en auffi grande quantité que de l'eau ou du mercure qu'on y aurait mis ; elle s'oppoferait au moins à cette descente fi rapide

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