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CHAPITRE

VIII.

SUITE DES MERVEILLES DE LA REFRACTION DE LA LUMIERE. QU'UN SEUL RAYON DE LA LUMIERE CONTIENT EN SOI TOUTES LES COULEURS POSSIBLES.

CE QUE C'EST QUE LA REFRANGIBILITÉ.

DECOUVERTES NOUVELLES.

Imagination de Defcartes fur les couleurs. Erreur de Mallebranche. Expérience et démonftration de Newton. Anatomie de la lumière. Couleurs dans les rayons primitifs. Vaines objections contre ces découvertes. Critiques encore plus vaines. Expérience impor

tante.

Si vous demandez aux philosophes ce qui produit les couleurs, Defcartes vous répondra que les globules de fes élémens font déterminés à tournoyer fur eux-mêmes, outre leur tendance au mouvement en ligne droite, et que ce font les différens tournoiemens qui font les différentes couleurs. Mais fes élémens, fes globules, fon tournoiement, ont-ils même besoin de la pierre de touche de l'expérience, pour que le faux s'en

faffe fentir? Une foule de démonftrations anéantit ces chimères.

Mallebranche vient à fon tour, et vous dit: Il est vrai que Defcartes s'eft trompé : son tournoiement de globules n'est pas foutenable; mais ce ne font pas des globules de lumière, ce font de petits tourbillons tournoyans de matière fubtile, capables de compreffion, qui font la caufe des couleurs ; et les couleurs confiftent, comme les fons, dans des vibrations de preffion. Et il ajoute: Il me paraît impoffible de découvrir par aucun moyen les rapports exacts de ces vibrations, c'eft-à-dire, des couleurs. Vous remarquerez qu'il parlait ainsi dans l'académie des fciences, en 1699, et que l'on avait déjà découvert ces proportions en 1675; non pas proportions de vibration de petits tourbillons qui n'exiftent point, mais proportions de la réfrangibilité des rayons qui contiennent les couleurs, comme nous le dirons bientôt. Ce qu'il croyait impoffible était déjà démontré aux yeux, reconnu vrai par les fens, ce qui aurait bien déplu au père Mallebranche.

D'autres philofophes, fentant le faible de ces fuppofitions, vous disent au moins avec plus de vraisemblance: Les couleurs viennent du plus ou du moins de rayons réfléchis des corps colorés. Le blanc eft celui qui en réfléchit davantage; le noir eft celui qui en réfléchit le moins. Les

couleurs les plus brillantes feront donc celles qui vous apporteront le plus de rayons. Le rouge, par exemple, qui fatigue un peu la vue, doit étre compofé de plus de rayons que le verd qui la repofe davantage. Cette hypothèse (déjà suspecte, puifqu'elle eft hypothèse) ne paraît qu'une erreur groffière, dès qu'on a feulement confidéré un tableau à un jour faible, et enfuite à un grand jour car on voit toujours les mêmes couleurs. Du blanc qui n'est éclairé que d'une bougie est toujours blanc, et le verd éclairé de mille bougies fera toujours verd.

Adreffez-vous enfin à Newton. Il vous dira: Ne m'en croyez pas : n'en croyez que vos yeux et les mathématiques; mettez-vous dans une chambre tout-à-fait obscure, où le jour n'entre que par un trou extrêmement petit, le rayon de la lumière viendra fur du papier vous donner la couleur de la blancheur. Expofez tranfverfalement à un rayon de lumière ce prisme de verre (figure 19), enfuite mettez à une distance d'environ seize ou dix-fept pieds une feuille de papier PP vis-à-vis ce prifme: vous favez que la lumière fe brise en entrant de l'air dans ce prifme; vous favez qu'elle fe brise en sens contraire, en fortant de ce prifme dans l'air: fi elle ne se brisait pas ainfi, elle irait de ce trou tomber sur le plancher de la chambre Z.

Mais comme il faut que la lumière en s'échappant s'éloigne de la ligne Z, cette lumière ira donc frapper le papier. C'eft-là que fe voit tout le fecret de la lumière et des couleurs. Ce rayon qui eft tombé fur ce prisme n'eft pas, comme on croyait, un fimple rayon; c'est un faisceau de sept principaux faisceaux de rayons, dont chacun porte en foi une couleur primitive, primordiale qui lui eft propre. Des mélanges de ces fept rayons naiffent toutes les couleurs de la nature; et les sept, réunis enfemble, réfléchis ensemble de deffus un objet, forment la blancheur.

Approfondiffez cet artifice admirable. Nous avions déjà infinué que les rayons de la lumière ne fe réfractent pas, ne fe brifent pas tous également; ce qui fe paffe ici en eft aux yeux une démonftration évidente. Ces fept rayons de lumière, échappés du corps de ce rayon qui s'eft anatomifé au fortir du prisme, viennent fe placer chacun dans leur ordre fur ce papier blanc, chaque rayon occupant une portion du spectre. Le rayon qui a le moins de force pour fuivre fon chemin, le moins de roideur, le moins de fubftance s'écarte le plus dans l'air de la perpendiculaire du prisme. Celui qui eft le plus fort (figure 21), le plus dense, le plus vigoureux, s'en écarte le moins. Voyezvous ces fept rayons qui viennent se brifer les Phyfique, &c. Tome I.

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uns au-deffus des autres? Chacun d'eux peint fur ce papier la couleur primitive qu'il porte en lui-même. Le premier rayon qui s'écarte le moins de cette perpendiculaire du prifme eft couleur de feu, le fecond orangé, le troisième jaune, le quatrième verd, le cinquième bleu, le fixième pourpre; enfin celui qui s'écarte davantage de la perpendiculaire, et qui s'élève le dernier au-deffus des autres, eft le violet. Un feul faisceau de lumière, qui auparavant fefait la couleur blanche, eft donc un compofé de fept faisceaux qui ont chacun leur couleur. L'affemblage de fept rayons primordiaux fait donc le blanc.

Si vous en doutez encore, prenez un des verres lenticulaires de lunette, qui raffemblent tous les rayons à leur foyer: expofez ce verre au trou par lequel entre la lumière: vous ne verrez jamais à ce foyer qu'un rond de blancheur. Expofez ce même verre au point où il pourra raffembler tous les fept rayons partis. du prifme; il réunit, comme vous le voyez, ces fept rayons dans fon foyer (figure 21). La couleur de ces fept rayons réunis eft blanche: donc il eft démontré que la couleur de tous les rayons réunis eft la blancheur. Le noir par conféquent fera le corps qui ne réfléchira point de rayons. Car lorsqu'à l'aide du prisme vous avez féparé un de ces rayons primitifs, expofez-le à un miroir, à un verre ardent, à un

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