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cft plus éloigné, et plus grands quand il eft plus proche; mais c'eft ici tout le contraire. L'aftre réel, l'aftre tangible, roule en BDRE: mais l'aftre apparent va dans la courbe BACE, et les angles formés par l'objet réel fe rapportent à l'objet apparent. On ne voit les corps placés en D et en R, que comme des corps qui, placés en A et en C, ne produiraient dans l'œil que le même angle: on ne les voit donc qu'auffi grands que les intervalles A et C. L'aftre au méridien a fon difque comme 3, et à l'horizon à peu-près comme-9; car les diamètres de l'aftre font à nos yeux comme fes diftances apparentes; or la diftance apparente de l'aftre eft environ 9 à l'horizon, et 3 au méridien; ainfi eft fa grandeur apparente.

Cette vérité fe confirme par une autre expérience d'un genre femblable. Regardez deux étoiles diftantes entre elles réellement d'un dixième de degré; elles vous paraiffent beaucoup plus éloignées à l'horizon, et beaucoup plus rapprochées vers le méridien. Ces deux étoiles toujours également diftantes font vues comme à la diftance C F vers l'horizon (figure 14), beaucoup plus grande que la diftance F A au méridien. Vous voyez que cette différence apparente vient précisément par la même raifon que je viens de rapporter.. Voici donc felon cette règle et felon les

obfervations qui la confirment, les proportions des grandeurs et des distances apparentes du foleil et de la lune.

A l'horizon, ces aftres font vus de la grandeur .

100.

A quinze degrés au-deffus, de la grandeur

A trente degrés, de la grandeur

68.

50.

A quatre-vingt-dix degrés,de la grandeur 30.

De même deux étoiles quelconques, qui confervent toujours entre elles leur même diftance, paraissent à l'horizon éloignées l'une de l'autre comme 100, et au méridien comme 30 ; ce qui eft toujours, comme vous voyez, la proportion d'environ 9 à 3.

Cette théorie eft encore confirmée par une autre observation. La lune paraît confidérablement plus grande en certains temps de l'année qu'en d'autres; le foleil paraît auffi plus grand en hiver qu'en été ; et les différences de cette grandeur apparente étant plus fenfibles vers l'horizon qu'au méridien, elles font plus aifément remarquées. La raifon de cette augmentation de grandeur, c'eft que quand le diamètre de la lune et du foleil paraît plus grand, ces aftres sont en effet plus près de nous. Le soleil

eft plus près de la terre en hiver qu'en été d'environ douze cents mille lieues; ainfi en hiver il paraît plus grand; mais cette largeur de fon difque eft un peu diminuée par les réfractions de l'air épais. Lorfque la lune en été eft dans fon périgée elle paraît fous un plus grand diamètre; et la largeur de fon disque à l'horizon est encore moins diminuée en été qu'en hiver, parce que l'air dans l'été eft plus fubtil et plus rare.

Ce phénomène eft donc plus du reffort de la géométrie et de l'optique que Mallebranche ne l'avait cru: et le docteur Smith a la gloire d'avoir enfin trouvé la folution complète d'un problème fur lequel les plus grands génies avaient fait des fyftêmes inutiles. (14)

(14) Cette foltition de Smith revient exactement à celle du père Mallebranche, puifque dans les deux opinions nous ne voyons les aftres plus grands à l'horizon, que parce que nous les jugeons plus éloignés. Ces deux philofophes ne diffèrent que dans la manière d'expliquer pourquoi nous jugeons plus éloignés les aftres placés à l'horizon: mais ils fe rapprochent encore beaucoup. Mallebranche paraît regarder comme la caufe immédiate de ce jugement les objets interpofés dans le plan de l'horizon. Selon Smith, ces objets interpofés nous ont accoutumés à juger la voûte du ciel comme fi elle était furbaiffée, et cette apparence eft la caufe immédiate du jugement que nous formons fur la grandeur des aftres.

CHAPITRE

VII.

DE LA CAUSE QUI FAIT BRISER LES RAYONS DE LA LUMIERE EN PASSANT D'UNE SUBSTANCE DANS UNE AUTRE: QUE CETTE CAUSE EST UNE LOI GENERALE DE LA NATURE, INCONNUE AVANT NEWTON; QUE L'INFLEXION DE LA LUMIERE EST ENCORE UN EFFET DE

CETTE CAUSE, &c.

Ce que c'est que réfraction. Proportion des réfractions trouvée par Snellius. Ce que c'est que finus de réfraction. Grande découverte de Newton. Lumière brifée avant d'entrer dans les corps. Examen de l'attraction. Il faut examiner l'attraction, avant que de fe révolter contre ce mot. Impulfion et attraction également certaines et inconnues. En quoi l'attraction est une qualité occulte. Preuves de l'attraction. Inflexion de la lumière auprès des corps qui l'attirent.

Nous avons déjà vu l'artifice prefque in

compréhensible de la réflexion de la lumière que l'impulfion connue ne peut caufer. Celui

de la réfraction, dont nous allons reprendre l'examen, n'eft pas moins furprenant.

Commençons par nous bien affermir dans une idée nette de la chofe qu'il faut expliquer. Souvenons-nous bien que, quand la lumière tombe d'une fubftance plus rare, plus légère, comme l'air, dans une fubftance plus pefante, plus denfe, comme l'eau, et qui femble lui devoir réfifter davantage, la lumière alors quitte fon chemin, et se brise en s'approchant d'une perpendicule qu'on élèverait fur la furface de cette eau.

Pour avoir une idée bien nette de cette vérité (figure 15), regardez ce rayon qui

tombe de l'air dans ce criftal. Vous favez comme il fe brife. Ce rayon AE fait un angle avec cette perpendiculaire B E, en tombant fur la furface de ce criftal. Ce même rayon, réfracté dans ce criftal, fait un autre angle avec cette même perpendiculaire qui règle fa réfraction. Il fallut mefurer cette incidence et ce brisement de la lumière. Il femble que ce foit une chofe fort aifée; cependant le géomètre arabe Alhazen, Vitellio, Kepler même y échouérent. Snellius Villebrod eft le premier, au rapport d'Huyghens, témoin oculaire, qui trouva cette proportion conftante dans laquelle la lumière se rompt dans des milieux donnés. Il fe fervit des fécantes. Defcartes se servit

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