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CHAPITRE

I V.

DES MIROIRS, DES TELESCOPES : DES RAISONS QUE LES MATHEMATIQUES DONNENT DES MYSTERES DE LA VISION; QUE CES RAISONS NE SONT POINT SUFFISANTES.

Miroir plan. Miroir convexe. Miroir concave. Explications géométriques de la vifion. Nul rapport immédiat entre les règles d'optique et nos fenfations. Exemple en preuve.

LES rayons qu'une puissance jusqu'à nos jours inconnue fait rejaillir à nos yeux de deffus la furface d'un miroir, fans toucher à cette surface, et des pores de ce miroir, fans toucher aux parties folides; cès rayons, disje, retournent à vos yeux dans le même fens qu'ils font arrivés à ce miroir. Si c'est votre visage que vous regardez, les rayons partis de votre vifage parallèlement et en perpendiculaire fur le miroir, y retournent de même qu'une balle qui rebondit perpendiculairement fur le plancher.

Si vous regardez dans ce miroir m (fig. 3), un objet qui est à côté de vous comme A, il

arrive aux rayons partis de cet objet la même chofe qu'à une balle qui rebondirait en B, où eft votre œil. C'est ce qu'on appelle l'angle d'incidence égal à l'angle de réflexion. La Ligne AC eft la ligne d'incidence; la ligne C B eft la ligne de réflexion. On sait assez, et le feul énoncé le démontre, que ces lignes forment des angles égaux fur la furface de la glace; maintenant pourquoi ne vois-je l'objet ni en A, où il eft, ni dans C, d'où viennent à mes yeux les rayons, mais en D, derrière le miroir même ?

La géométrie vous dira (figure 4): C'eft que l'angle d'incidence est égal à l'angle de réflexion : c'est que votre ceil en B rapporte l'objet en D; c'eft que les objets ne peuvent agir fur vous qu'en ligne droite, et que la ligne droite continuée de votre œil B, jufque derrière le miroir en D, eft auffi longue que la ligne A C et la ligne C B prifes ensemble. Enfin elle vous dira encore: Vous ne voyez jamais les objets que du point où les rayons commencent à diverger. Soit ce miroir m i. Les faisceaux de rayons qui partent de chaque point de l'objet A, commencent à diverger dès l'inftant qu'ils partent de l'objet ; ils arrivent fur la furface du miroir; là chacun de ces rayons tombe, s'écarte et fe réfléchit vers l'œil. Cet œil les rapporte aux points DD

DD,

au bout des lignes droites, où ces mêmes rayons fe rencontreraient; mais en fe rencontrant aux points D D, ces rayons feraient la même chose qu'aux points AA : ils commenceraient à diverger; donc vous voyez l'objet AA aux points D D.

Ces angles et ces lignes fervent fans doute à vous donner une intelligence de cet artifice de la nature; mais il s'en faut beaucoup qu'elle puisse vous apprendre la raison physique efficiente pourquoi votre ame rapporte sans héfiter l'objet au-delà du miroir à la même distance qu'il eft au-deçà. Ces lignes vous représentent ce qui arrive, mais elles ne vous apprennent point pourquoi cela arrive. (10).

Si vous voulez favoir comment un miroir convexe diminue les objets, et comment un miroir concave les augmente, ces lignes d'incidence et de réflexion vous en rendront la même raison.

On vous dit : Ce cône de rayon qui diverge. des points A A (figure 5), et qui tombe sur ce

(10) Cette explication montre que nous voyons l'objet AA, précisément comme nous verrions un objet femblable placé en DD, s'il n'y avait point de miroir. Nous le rapportons donc à ce point, parce que l'impreffion eft la même que fi nous l'y voyions réellement. Ce fecret jugement de l'ame, qui nous fait conclure le lieu des objets de l'impreffion qu'ils font fur mos fens, a été formé d'après la vifion directe, et c'est par conféquent comme fi elle l'était toujours que nous devons juger.

miroir convexe, y fait des angles d'incidence égaux aux angles de réflexion, dont les lignes vont dans votre œil. Or ces angles font plus petits que s'ils étaient tombés fur une surface plane; donc s'ils font fuppofés paffer en B, ils y convergeront bien plutôt; donc l'objet qui ferait en BB ferait plus petit. Or votre œil rapporte l'objet en BB, aux points d'où les rayons commenceraient à diverger; donc l'objet doit vous paraître plus petit, comme il l'eft en effet dans cette figure. Par la même raison qu'il paraît plus petit, il vous paraît plus près, puisqu'en effet les points où aboutiraient les rayons BB, font plus près du miroir que ne le font les rayons A A.

Par la raison des contraires, vous devez voir les objets plus grands et plus éloignés dans un miroir concave, en plaçant l'objet assez près du miroir ( figure 6); car les cônes des rayons AA venant à diverger fur le miroir aux points où ces rayons tombent, s'ils fe réfléchillaient à travers ce miroir, ils ne se réuniraient qu'en BB; donc c'eft en BB que vous les voyez. Or BB eft plus grand. et plus éloigné du miroir que n'eft AA; donc vous verrez l'objet plus grand et plus loin.

Voilà, en général, ce qui se passe dans les rayons réfléchis à vos yeux; et ce feul principe que l'angle d'incidence eft toujours égal

à l'angle de réflexion, eft le premier fondement de tous les myftères de la catoptrique.

Maintenant il s'agit de favoir comment les lunettes augmentent ces grandeurs, et rappro chent ces diftances; enfin pourquoi les objets fe peignant renverfés dans vos yeux, vous les voyez cependant comme ils font.

A l'égard des grandeurs et des diftances, voici ce que les mathématiques vous en apprendront. Plus un objet fera dans votre œil un grand angle, plus l'objet vous paraîtra grand: rien n'eft plus fimple. Cette ligne KH que vous voyez à cent pas, trace un angle dans l'oeil A (figure 7). A deux cents pas elle trace un angle la moitié plus petit dans l'œil B. Or l'angle qui fe forme dans votre rétine, et dont votre rétine eft la bafe, eft comme l'angle dont l'objet eft la bafe. Ce font des angles oppofés au fommet; donc par les premières notions des élémens de la géométrie ils font égaux; donc fi l'angle formé dans l'œil A eft double de l'angle formé dans l'œil B, cet objet doit paraître une fois plus grand à l'œil A qu'à l'œil B.

Maintenant pour que l'œil étant en B voie l'objet auffi grand que le voit l'œil en A, il faut faire en forte que cet œil B reçoive un angle auffi grand que celui de l'œil A, qui eft une fois plus près. Les verres d'un télescope

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